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Plus-values mobilières

Abattement renforcé après échange de titres : de l'impossibilité de remonter aux caractéristiques de la société d'origine

Le juge nous rappelle que les conditions d'application de l'abattement renforcé, dans sa version applicable en 2015, s'apprécient strictement au niveau de la société émettrice des titres cédés, sans possibilité de "transparence" pour remonter aux caractéristiques d'une société dont les titres ont fait l'objet d'un échange antérieur.

 

L'article 150-0 D du CGI, dans sa version applicable au litige, prévoit un abattement de droit commun de 65% pour les titres détenus depuis au moins huit ans (1-ter de l'article 150-0 D). Ce même article instaure, dans son 1-quater, un abattement renforcé de 85% applicable sous certaines conditions strictes, notamment lorsque la société émettrice des droits cédés exerce une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, ou est une société holding animatrice.

Les plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux réalisées par les particuliers depuis le 1er janvier 2018 sont soumises de plein droit à l'impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8 % (auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %), soit un PFU à 30%. Les contribuables peuvent toutefois opter (option expresse et irrévocable ) pour l’imposition de l’ensemble de leurs revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cession de valeurs mobilières au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

 

Cette option et partant l'imposition selon le barème progressif, permet l'application des abattements pour durée de détention sur les plus-values de cession de titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018 et notamment de l'abattement renforcé codifié aujourd'hui à l'article 150-0 D-1quater-A du CGI.

En parallèle, le droit de l'Union européenne, via la directive 2009/133/CE (directive "fusions"), institue un principe de neutralité fiscale pour les opérations transfrontalières d'échange de titres entre sociétés d'États membres différents.

 

Rappel des faits :

M. A. a acquis en 1995 des parts de la société FB, devenue PM. En 2012, il a apporté ces parts à la SARL DLM en échange de 13 548 parts, représentant la totalité du capital de cette société. Cet échange a été placé sous le régime du sursis d'imposition prévu par le CGI.

En 2015, le capital de la SARL DLM a été réduit par la cession de 1 224 parts, opération ayant généré une plus-value de 1 768 568 €. M. A., ayant détenu les parts depuis plus de huit ans, a appliqué l'abattement de droit commun de 65% à cette plus-value.

 

Les époux A. ont ensuite demandé le bénéfice de l'abattement renforcé de 85%, ce qui leur a été refusé par l'administration fiscale. Le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur recours, décision confirmée par la CAA de Paris. Le Conseil d'État a toutefois annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la même Cour.

 

Pour mémoire, le Conseil d'Etat a décidé

Pour juger que la condition prévue au f) du 1 quater de l’article 150-0 D du code général des impôts n’était pas satisfaite en l’espèce, la cour s’est fondée sur la circonstance que la société Planisware Management détenait une participation dans la société DLM Conseil, laquelle n’était pas une société exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Ce faisant, et alors qu’il résulte des pièces du dossier qui lui était soumis que c’était la société DLM Conseil qui détenait une participation dans la société Planisware Management et non l’inverse, la cour administrative d’appel de Paris a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

Les époux A. soutiennent que l'opération d'échange de titres réalisée en 2012 doit être neutralisée fiscalement en application du principe de neutralité fiscale issu de la directive européenne 2009/133/CE.

 

Selon eux, les conditions d'application de l'abattement renforcé devraient s'apprécier non pas au niveau de la société émettrice des titres cédés (SARL DLM), mais au niveau de la société dont les titres ont été apportés lors de l'échange (Planisware Management), cette dernière remplissant les conditions requises en sa qualité de holding animatrice.

 

Ils fondent leur argumentation sur plusieurs textes : l'article 8 de la directive 2009/133/CE, l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE et le principe de non-discrimination protégé par l'article 14 de la CEDH combiné à l'article 1er du premier protocole additionnel.

 

Sur renvoi, la Cour administrative d'appel de Paris vient de rejetter la requête des époux A. Elle fait valoir :

  • l'inapplicabilité directe de la directive "fusions" : L'échange de titres réalisé en 2012 étant intervenu entre deux sociétés françaises, il n'entre pas dans le champ de la directive européenne qui concerne uniquement les opérations transfrontalières.
  • l'inapplicabilité du principe d'égalité de la Charte des droits fondamentaux : La Cour rappelle que les principes énoncés par cette Charte ne s'appliquent aux États membres que lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. Or, l'abattement pour durée de détention résulte d'une modification de la législation interne française qui n'a pas pour objet de mettre en œuvre le droit de l'Union.
  • l'absence de discrimination contraire à la CEDH : La différence de traitement entre opérations nationales et transfrontalières est justifiée par la nécessité de respecter les exigences du droit européen pour les opérations entrant dans son champ. Cette justification objective et raisonnable écarte toute violation des stipulations combinées de l'article 14 de la CEDH et de l'article 1er de son premier protocole additionnel.

Publié le lundi 31 mars 2025 par La rédaction

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