Plusieurs sénateurs ont déposé une proposition de loi visant à adapter la fiscalité de la succession et de la donation aux enjeux démographiques, sociétaux et économiques du XXIe siècle. A ce titre ils proposent notamment de réduire de manière significative l’exonération Dutreil de 75 % à 25 % sur une période de dix ans, ceci afin de limiter une application trop brutale.
L’objectif des auteurs de la présente proposition de loi est de rééquilibrer un dispositif connaissant tellement d’exceptions qu’il bénéficie en définitive aux très grandes fortunes au détriment des autres contribuables.
«Par la simplification des droits de succession et par un rééquilibrage de la progressivité du dispositif, il sera possible d’obtenir un dispositif plus lisible, plus simple et plus juste sur le plan fiscal et social.»
«En outre, les auteurs de la présente proposition de loi intègrent dans leur réflexion une préoccupation intergénérationnelle à l’importance croissante . Les droits de succession dans leur forme actuelle ont été pensés à une période où l’âge moyen des héritages n’était pas le même qu’aujourd’hui. L’allongement de l’espérance de vie a pour conséquence un âge moyen d’héritage d’environ 50 ans. Ce dernier sera même de 55 ans d’ici à la moitié du siècle. Cet état de fait a une première conséquence sur le plan économique : le cycle de vie se traduisant par des variations de consommation et d’investissement en fonction de l’âge, cette situation peut apparaître comme étant sous-optimale pour l’économie française.
Une deuxième conséquence, sociale, doit être évoquée : alors que l’ensemble des acteurs politiques français estiment aujourd’hui que la jeunesse de notre pays doit être encouragée, le dispositif actuellement en vigueur est incontestablement contre-productif en ce qu’il concentre les capacités d’investissement sur des personnes ayant déjà, du moins assez largement, construit leur vie et constitué un patrimoine personnel. Notamment, la réforme des droits de succession pourrait constituer une réponse, sans doute incomplète mais toutefois largement positive, en matière d’accession à la propriété dans un contexte de flambée des prix de l’immobilier.
Sur le plan sociétal enfin, l’évolution des modes de vie des Français et la diversification des structures familiales rend légitimes une réflexion d’ensemble sur un dispositif prévu à une époque très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. En cela, la problématique de la réserve héréditaire et de son adaptation à la société est posée par les auteurs de la présente proposition de loi. »
Pour l’ensemble de ces raisons, une révision d’ensemble, équilibrée, de la fiscalité des successions et, dans un souci de cohérence, des donations est pleinement légitime.
I. Favoriser les transmissions intergénérationnelles en encourageant notamment les donations et successions entre les grands-parents et leurs petits-enfants
L’article 1er aligne le montant des abattements entre grands-parents et petits-enfants, tant dans le cas d’une donation que d’un héritage, à 150 000 € , soit le même montant que dans le cas d’une transmission en ligne directe. De même, dans l’hypothèse d’une succession au bénéfice d’un neveu ou d’une nièce, l’abattement est porté à 50 000 € dans l’hypothèse où le légataire ou le donateur n’a pas de descendance en ligne directe.
Dans la même logique, l’abattement existant dans le cas d’une transmission à un neveu ou à une nièce serait également augmenté.
Article 1 :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 779 est ainsi modifié :
a) Aux premier, deuxième et dernier alinéas du I, après le mot : « enfants », sont insérés les mots : « et petits-enfants » ;
b) Le V est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, lorsque le légataire n’a pas de descendance en ligne directe, cet abattement est porté à 50 000 €. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 790 B, le nombre : « 31 865 » est remplacé par le nombre : « 150 000 » ;
3° Aux premier et dernier alinéas du I de l’article 790 G, le nombre : « 31 865 » est remplacé par le nombre : « 150 000 ».
L’article 2 vise à encourager les donations au profit des petits-enfants en accroissant l’abattement existant et en raccourcissant le délai de renouvellement de ce dernier à dix années, dans l’hypothèse d’un bénéficiaire âgé de moins de quarante ans.
Article 2
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I de l’article 790 G est complété par les mots : « , et tous les dix ans lorsque le donataire est âgé de moins de quarante ans au jour de la transmission » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article 784, après le mot : _« ans, » , sont insérés les mots : « ou dix ans lorsque le donataire est âgé de moins de quarante ans au jour de la transmission, ».
L’article 3 vise à réformer la réserve héréditaire et la quotité disponible afin de conserver une obligation de transmission à ses ayants droits directs tout en augmentant les possibilités autres de transmission du patrimoine, ceci afin de renforcer les possibilités de legs intergénérationnel, notamment en faveur de jeunes majeurs caractérisés par des besoins de financement plus importants du fait de leur âge. De plus, cette disposition permet de mieux prendre en considération, sur le plan fiscal, la diversité croissante des structures familiales.
Article 3
Au premier alinéa de l’article 913 du code civil, les mots : « la moitié » sont remplacés par les mots : « les deux tiers » , les mots : « le tiers » sont remplacés par les mots : « la moitié » et les mots : « le quart » sont remplacés par les mots : « le tiers ».
II. mise en place d’une progressivité plus cohérente de l’imposition des héritages, afin de limiter les effets de seuil existants
L’article 4 réforme tout d’abord les tarifs des droits de mutation à titre gratuit applicables. C’est en ce sens que des seuils de 15 000 €, 50 000 €, 150 000 €, 300 000 €, 600 000 € et 1 200 000 € sont proposés, afin de lisser la progressivité réelle de l’imposition au titre des droits de mutation à titre gratuit (DMTG). La même logique est bien évidemment appliquée au barème applicable aux successions entre personnes mariées ou pacsées. Enfin, en ce qui concerne le barème applicable pour les autres situations familiales ou en l’absence de liens familiaux, les montants de seuils sont simplement arrondis car le dispositif apparaît d’ores et déjà équilibré.
Article 4
L’article 777 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 777. – Les droits de mutation à titre gratuit sont fixés aux taux indiqués dans les tableaux ci-après, pour la part nette revenant à chaque ayant droit :
« Tableau I
« Tarif des droits applicables en ligne directe :
Fraction de la part nette taxable | Tarif applicable (%) |
---|---|
N’excédant pas 15 000 € |
5 |
Comprise entre 15 001 € et 50 000 € |
10 |
Comprise entre 50 001 € et 150 000 € |
15 |
Comprise entre 150 001 € et 300 000 € |
20 |
Comprise entre 300 001 € et 600 000 € |
30 |
Comprise entre 600 001 € et 1 200 000 € |
40 |
Au-delà de 1 200 001 € |
45 |
« Tableau II « Tarif des droits applicables entre époux et entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité :
Fraction de la part nette taxable | Tarif applicable (%) |
---|---|
N’excédant pas 15 000 € |
5 |
Comprise entre 15 001 € et 50 000 € |
10 |
Comprise entre 50 001 € et 150 000 € |
15 |
Comprise entre 150 001 € et 300 000 € |
20 |
Comprise entre 300 001 € et 600 000 € |
30 |
Comprise entre 600 001 € et 1 200 000 € |
40 |
Au-delà de 1 200 001 € |
45 |
Fraction de la part nette taxable | Tarif applicable (%) |
---|---|
Entre frères et sœurs vivants ou représentés : |
|
N’excédant pas 25 000 € |
35 |
Supérieure à 25 000 € |
45 |
Entre parents jusqu’au 4e degré inclusivement |
55 |
Entre parents au-delà du 4e degré et entre personnes non-parentes |
60 |
« Sous réserve des exceptions prévues au I de l’article 794 et aux articles 795 et 795-0 A, les dons et legs faits aux établissements publics ou d’utilité publique sont soumis aux tarifs fixés pour les successions entre frères et sœurs. »
L’article 5 propose l’intégration dans la part nette taxable prise en considération de l’ensemble des successions perçues dans le passé par l’ayant droit. Il permet ainsi de traiter équitablement, d’un point de vue fiscal, des personnes percevant un seul héritage ou plusieurs héritages au cours de sa vie.
Article 5
Au début du b du 2 du C du VI de la section II du chapitre Ier du titre IV de la première partie du livre Ier du code général des impôts, il est ajouté un article 787 D ainsi rédigé :
« Art. 787 D. – Pour la perception des droits de mutation par décès dus sur la part nette de tout héritier, donataire ou légataire au titre de l’article 777, est ajoutée à la valeur des biens compris dans la déclaration de succession celle des biens déjà reçus dans le cadre de successions antérieures et, lorsqu’il y lieu à application d’un tarif progressif, en considérant ceux de ces biens dont la transmission n’a pas encore été assujettie au droit de mutation à titre gratuit comme inclus dans les tranches les plus élevées de l’actif imposable. »
L’article 6 propose ainsi de rétablir l’abattement à son niveau antérieur de 150 000 €
Article 6
Au premier alinéa du I de l’article 779 du code général des impôts, le montant : « 100 000 » est remplacé par le montant : « 150 000 » .
III. Simplifier l’assiette des droits de succession pour en accroître la lisibilité et l’équité
L’article 7 propose l’intégration des assurances vie dans l’assiette des droits de succession qui permettra de simplifier le dispositif et d’en accroître la progressivité, sans que cela ne se traduise par une hausse de fiscalité pour la classe moyenne mais seulement pour les foyers fiscaux utilisant le dispositif dans un but très clair d’optimisation fiscale, et ceci sur des montants très conséquents.
Article 7
I. – L’article 757 B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est abrogé ;
2° Le II est supprimé.
II. – Au début du premier alinéa du I de l’article 990 I du code général des impôts, les mots : « Lorsqu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 757 B, » sont supprimés.
L’article 8 propose de ramener l’exonération existante de 75 % à 25 %. Afin d’éviter une application trop brutale, l’article prévoit l’organisation d’une période transitoire de 10 ans permettant de lisser les effets de seuil générés par une telle mesure.
Article 8 :
Au premier alinéa de l’article 787 B du code général des impôts, les mots : « 75 % de leur valeur » sont remplacés par les mots : « 65 % de leur valeur à compter du 1er janvier 2023, 50 % de leur valeur à compter du 1er janvier 2025, 35 % de leur valeur à compter du 1er janvier 2028 et de 25 % de leur valeur à compter du 1er janvier 2030 ».
L’article 9 vise à supprimer plusieurs exonérations partielles de droits de succession en raison de la nature des biens transmis dont le bien-fondé n’est pas établi et qui contribue de facto à générer des inégalités de traitement entre les contribuables.
Article 9 :
I. – Les articles 793, 793 bis, 793 quater, 1055 bis et 1840 G du code général des impôts et le 7 du IV de l’article 1727 et le 3 de l’article 1929 du même code sont abrogés.
II. – Le second alinéa de l’article L. 181 B du livre des procédures fiscales est supprimé.
III. – Le code forestier est ainsi modifié :
1° L’article L. 312-7 est abrogé ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 312-11, les références : « , L. 312-5 et L. 312-7 » sont remplacées par la référence : « et L. 312-5 ».
IV. – Les articles L. 322-16 et L. 371-11 du code rural et de la pêche maritime sont abrogés.
L’article 10 vise à harmoniser les dispositifs existants dans les outremers en matière de droits de mutation à titre gratuit pour les immeubles et droits immobiliers en vigueur à Mayotte à l’ensemble des outremers.
Article 10
I. – À l’article 1135 ter du code général des impôts, les mots : « à Mayotte » sont remplacés par les mots : « dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution » .
II. – À la fin de l’intitulé du 14° ter de la section IX du chapitre IV du titre IV de la première partie du livre Ier du code général des impôts, les mots : « à Mayotte » sont remplacés par les mots : « dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ».