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Marché de l'art

Art comme stratégie patrimoniale et fiscale efficace

Et si l’art était un levier stratégique pour votre entreprise ? Au-delà des avantages fiscaux et de la décoration des bureaux, investir dans l’art permet aux entreprises de toutes tailles d’acquérir un actif durable qui véhicule leurs valeurs. Encore faut-il savoir s’y aventurer avec les bons repères. L’avocate Ophélie Dantil, experte en fiscalité du marché de l’art, livre ses conseils pour accompagner les entreprises dans cette démarche, à la croisée de la culture, de la stratégie et de la fiscalité.

 

Longtemps cantonné à l’image du luxe ou du mécénat, l’investissement artistique séduit aujourd’hui un nombre croissant d’entreprises de toutes tailles. Dans un contexte économique incertain, l’art s’impose comme un actif tangible, porteur de sens, et… fiscalement avantageux.

 

Dans cet article, Me Ophélie Dantil décrypte les opportunités qu’offre ce type d’investissement, les dispositifs à connaître, et les écueils à éviter pour bâtir une collection cohérente, pérenne et valorisante. Un éclairage essentiel pour conjuguer art, fiscalité et stratégie d’entreprise.

 

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Me Ophélie Dantil, avocate spécialisée en droit fiscal et en fiscalité du marché de l’art, devant une oeuvre de Vicki Sher, représentée par la Galerie Louis Gendre.

 

L’art, un actif tangible à fort potentiel… quand il est bien pensé

Alors que les marchés financiers demeurent incertains et que les stratégies d’investissement se réinventent, l’art n’est plus seulement un objet de passion ou de prestige : il devient un outil de gestion d’actifs, de différenciation et d’optimisation fiscale.

Certes, le marché de l’art traverse actuellement une phase plus contrastée – certaines œuvres revendues récemment l’ont été à perte – mais cela souligne d’autant plus la nécessité d’une stratégie réfléchie, structurée, et accompagnée d’expertise.

En tant qu’avocate spécialiste en droit fiscal, j’observe une montée en puissance de l’investissement artistique dans les entreprises, qui y voient un levier à la fois culturel, financier et symbolique. Cette dynamique touche aujourd’hui des structures de toutes tailles, bien au-delà des grands groupes du luxe ou de la tech.

Trop souvent cantonné à une fonction décorative élitiste, l’art est en train de prendre une place stratégique dans les portefeuilles patrimoniaux. En tant qu’actif tangible, il échappe aux logiques boursières classiques. Il incarne des valeurs pérennes : rareté, histoire, émotion.

Certaines entreprises ont bâti de véritables collections structurées, à l’image de la Fondation d’entreprise Hermès ou de la collection d’art de la Société Générale. Plus discrètement, des PME comme le groupe immobilier Pichet, ont investi dans des œuvres contemporaines, exposées dans ou hors leurs espaces de travail, renforçant ainsi leur image et leur attractivité.

 

Un cadre fiscal incitatif… à condition d’être bien accompagné

En France, depuis 2003, le législateur a décidé de faire confiance aux entreprises comme soutien de la créativité artistique contemporaine en leur permettant de déduire de leur résultat imposable le prix d’acquisition d’œuvres d’art originales d’artistes vivants, sous certaines conditions (article 238 bis AB du CGI), notamment d’exposition publique. Ce dispositif s’applique aussi bien aux grandes entreprises qu’aux TPE/PME, puisque chaque année l’entreprise peut déduire un cinquième du coût de l’œuvre dans la limite de 20 000 euros ou 0,5% de son chiffre d’affaires si celui-ci est supérieur.

 

A titre d’exemple, une entreprise peut acquérir une œuvre en année N pour une valeur de 100 000 euros et déduire au titre de l’année et des 4 années suivantes 20 000 euros par an. Soit une économie d’impôt au terme des 5 ans de 25 000 euros.

 

À l’international, des régimes fiscaux encore plus avantageux existent. En Belgique, par exemple, certaines acquisitions peuvent être amorties en deux ans. Mais ces dispositifs nécessitent une structuration précise : un mauvais montage peut entraîner une requalification ou un redressement. C’est pourquoi je recommande aux entreprises de s’entourer de professionnels spécialisés – avocats fiscalistes, commissaires-priseurs, experts indépendants – pour construire une stratégie sur-mesure.

 

Comment bâtir une collection d’entreprise cohérente ?

Avant de se lancer, il est crucial de poser un cadre :

  • Pourquoi investir dans l’art ? (valorisation patrimoniale, stratégie RSE, attractivité RH…)

  • Quel positionnement ? (art contemporain, art africain, photographie, etc.)

  • Avec qui ? (galeristes, experts, consultants, maisons de ventes)

  • Comment évaluer ? Une base de données comme Artprice permet d’avoir une première estimation des cotes d’artistes.

  • Où acheter ? Les ventes aux enchères offrent de la transparence, mais les galeries permettent un accompagnement personnalisé.

  • Comment financer ? en fonction de la structure juridique existante, il faut travailler sur les flux financiers : prestations de services, prêts, achat, location, fonds de dotation…il existe de multiples possibilités pas assez exploitées.

  • Et ensuite ? Assurer, conserver, valoriser et communiquer sur la collection.

Certaines entreprises mettent en place un comité artistique interne, mêlant direction générale, communication, RH et experts externes. Ce comité guide les choix d’acquisition en cohérence avec les valeurs et l’image de l’entreprise.

 

L’art comme diplomatie d’entreprise

Investir dans l’art, c’est aussi construire une identité de marque forte. L’œuvre devient outil de communication, vecteur de storytelling. Le groupe LVMH organise régulièrement des expositions autour de sa collection, renforçant son soft power à l’international. La Caisse des Dépôts expose dans ses locaux des œuvres contemporaines françaises, affirmant son engagement pour la création.

Même à plus petite échelle, les entreprises peuvent prêter des œuvres à des musées, organiser des expositions temporaires dans leurs bureaux, ou participer à des événements culturels locaux. Ces actions contribuent à leur ancrage territorial et à leur rayonnement.

 

Et les petites entreprises dans tout ça ?

Contrairement à une idée reçue, l’investissement artistique n’est pas réservé aux grandes entreprises du CAC 40. Une PME ou une startup peut tout à fait démarrer une collection, en fonction de ses moyens, et en lien avec sa mission. J’accompagne par exemple une jeune entreprise de la tech engagée dans la durabilité, qui collectionne des œuvres d’art éco-conçues, réalisées par des artistes locaux. Cela alimente leur communication, crée un environnement de travail inspirant, et donne du sens à leur projet.

Beaucoup de petites entreprises ignorent encore les possibilités fiscales ou ne savent pas par où commencer. Pourtant, avec un budget bien défini et un bon accompagnement, il est tout à fait possible de constituer un patrimoine artistique valorisant.

 

Un investissement exigeant, mais porteur de sens

Loin de l’achat coup de cœur ou de l’effet de mode, investir dans l’art exige rigueur, vision et accompagnement. Il ne s’agit pas simplement de défiscaliser ou de décorer des bureaux, mais de construire un actif durable, porteur de valeurs et de sens.

L’art, bien pensé, est un outil puissant de stratégie d’entreprise, au croisement du patrimoine, de la communication et de l’engagement sociétal. C’est en ce sens que je recommande une approche structurée, transversale, et ouverte, y compris aux plus petites structures.

 

Oser l’art est à la portée de tous !

Publié le mercredi 11 juin 2025 par Artprice

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