En ce mois de juin à Paris, Christie’s et Sotheby’s organisent des ventes couvrant six siècles d’histoire de l’art européen. Parmi les pièces phares à découvrir ou à acquérir cette semaine figurent le chef-d’œuvre de Jean Siméon Chardin, Le Melon entamé, provenant des collections Marcille et Rothschild, ainsi qu’une Odalisque redécouverte d’Anne-Louis Girodet Trioson, mise en vente pour la première fois chez Christie’s. Chez Sotheby’s, une redécouverte notable concerne l’éminent artiste du Quattrocento, Taddeo di Bartolo, et une occasion rare se présente pour acquérir un superbe diptyque religieux issu de l’atelier d’Albrecht Bouts.
Jean-Baptiste Siméon CHARDIN (1699-1779)
Le Melon entamé. Christie’s. Estimation : 8,7 m$ – 13m$
Ce chef-d’œuvre de Chardin provient initialement de la collection Jacques Roëttiers de La Tour, qui fut orfèvre du roi de 1761 à sa mort en 1784. Il a intégré la collection de la baronne Charlotte de Rothschild à la fin du 19e siècle pour rester dans la famille Rothschild jusqu’à aujourd’hui, conservant ainsi une provenance ininterrompue depuis sa création.
La description au catalogue de Christie’s qualifie cette œuvre comme presque parfaitement conservée.” Par sa taille exceptionnelle, sa conception monumentale, sa composition à la fois élégante et dynamique, richement colorée et exécutée en couches éblouissantes de glacis poudreux, frappant par ses qualités douces et enveloppantes de lumière et d’atmosphère, le Melon entamé présente toutes les facettes du génie virtuose de Chardin dans la phase finale et la plus accomplie de sa maturité créative.”
À sa virtuosité plastique et sa provenance prestigieuse s’ajoute un autre atout pour attirer les acheteurs internationaux : le tableau détient un Certificat de libre circulation de bien culturel (CBC), ce qui signifie qu’il est libre de quitter le territoire français pour n’importe quel grand musée ou collection privée du monde.
Anne-Louis GIRODET (1767-1824)
L’Odalisque. Christie’s. Estimation : 80 000 – 120 000$
Girodet, élève du grand David (1748-1825), qui le prit dans son atelier en 1785, a développé un langage plastique audacieux et sensuel. Cette beauté intemporelle coiffée d’un turban est un sujet très rare sur le marché des enchères. La toile, provenant directement d’un don de l’artiste aux aïeux des actuels propriétaires, est mise en vente pour la première fois depuis sa création. Son format modeste (40,3 x 32,7 cm) en fait un chef-d’œuvre abordable autour de 100 000$, tandis que les plus beaux portraits féminins de grandes dimensions dépassent les 200 000$, jusqu’à avoisiner les 400 000$.
Taddeo DI BARTOLO (1362/63-1422)
Saints Jean-Baptiste, Louis de Toulouse et Paul. Sotheby’s. Estimation : 130 000 – 195 000$
La vente Sotheby’s débutera le 19 juin avec un important triptyque de Taddeo di Bartolo, daté de la première décennie du Quattrocento, estimé entre 130 000 et 200 000$. Cet immense artiste a peint les plus grands polyptyques de l’époque, tels que le majestueux triptyque pour la Collegiata di Montepulciano et le singulier heptaptyque à double face pour San Francesco al Prato à Pérouse (1403). Inédits depuis au moins un siècle, ces panneaux constituent une redécouverte particulièrement remarquable, souligne Sotheby’s.
La Vierge en prière/Le Christ de douleurs. Sotheby’s. Estimation : 217 000 – 326 000$
Un Christ couronné d’épines sur un fond d’or, associé à une Vierge de douleur : cet ensemble, réalisé pour la première fois dans les années 1450 par le père d’Albrecht, Dirk Bouts, a connu un tel succès qu’il fut reproduit à plusieurs reprises dans l’atelier du maître et, par la suite, dans celui de son fils. Une version de très belle qualité de ces deux panneaux, attribuée à l’atelier de Dirk Bouts, est conservée à la National Gallery de Londres. Les autres versions connues de ce diptyque sont considérées comme étant de la main de son fils Albrecht et de son atelier.
Un tel diptyque en si bon état constitue une rare opportunité d’acquisition. Selon Sotheby’s, ils “font partie des exemplaires les meilleurs et les plus aboutis parmi ceux aujourd’hui répertoriés, dont les plus éminents sont conservés dans les plus grandes institutions muséales internationales, du Louvre au musée d’Ottawa, du Museum of Western Art de Tokyo au Metropolitan Museum de New York.”
Les deux tableaux faisaient partie de la célèbre collection de la Duchesse de Berry, qui les tenait de son époux, le prince Lucchesi-Palli. Ils furent vendus – sous le nom de Dürer – lors de la dispersion des œuvres de leur palais vénitien en 1865. On peut ensuite suivre leur parcours et leurs diverses attributions à travers deux importantes collections du XIXe siècle, celles de Jean-Baptiste Auguiot, administrateur du Louvre, et de Jean Dollfus, avec à chaque fois une évolution de leur attribution.