23,5 m$ pour la toile Apocalypse Now en novembre 2013 ; puis 21 m$ avec If You en mai 2014, Christopher WOOL est l’une des signatures incontournables des cessions contemporaines, au même titre qu’un Jeff KOONS ou qu’un Gerhard RICHTER.
L’une des raisons de ce succès hors norme passe par une actualité dense et prestigieuse depuis deux ans, appuyée par son arrivée dans l’une des galeries les plus puissantes de la planète, une société qui se déploie désormais dans sept pays et dont le directeur s’impose comme l’un des plus grands prescripteurs du marché de l’art : Larry Gagosian. L’empire Gagosian se décline en 12 galeries dans le monde (New York, Londres, Paris, Rome, Athènes, Genève, Hong Kong) et sa la force de frappe se mesure aussi aux performances de ses protégés.
Une autre raison à ce succès phénoménal passe par la revalorisation en cours des plus grands peintres abstraits de notre temps (américain surtout, chinois également). L’impératif compulsif des oeuvres de Cy TWOMBLY (né en 1928 et mort en 2011) démontre par exemple cette poussée spectaculaire des prix de la peinture abstraite américaine. Pour la première fois de l’histoire, l’une de ses oeuvres passait le seuil de 10 m$ en 2011 (Untitled, 1967, porte un nouveau record à 13,5 m$, 11 mai 2011, Christie’s New York). Twombly a dépassé ce seuil à quatre reprises depuis.
Après Twombly, la nouvelle génération de peintres abstraits est portée par l’envergure de l’artiste américain Christopher WOOL, qui s’envisage d’ailleurs plus comme un artiste conceptuel que comme un peintre. Considéré comme l’un des artistes les plus influents de notre époque et parfois défini comme le plus grand peintre américain aujourd’hui, il s’évertue depuis plus de trente ans à déconstruire les fondements de l’image.
L’artiste a participé à la Biennale de Venise en 2011, à une première grande exposition en France en 2012 (Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 30 mars-19 août) puis au Musée Solomon R. Guggenheim de New York (25 octobre 2013 - 22 janvier 2014). Sa présence va croissant dans les classements des plus belles enchères d’art contemporain. Si en 2010, il tutoyait déjà Jean-Michel BASQUIAT, CHEN Yifei, Richard PRINCE et Jeff KOONS en tant que challenger de la peinture contemporaine, aujourd’hui, son indice de prix affiche une performance hors norme. Peu d’artistes peuvent en effet se vanter d’afficher un indice en hausse de 400 % depuis l’année 2000 !
Les prix se sont considérablement affolés à partir de 2010 , année ou son œuvre Blue Fool, littéralement Imbécile Bleu, une large peinture sur émail présentant de grosses lettres capitales bleues, peintes au pochoir sur un support aluminium blanc, décroche 4,4 m$ (Blue Fool, le 11 mai 2010 chez Christie’s New York). Le langage visuel est distant, systématique, le lettrage convoque la culture populaire, le choix du mot - privé de ponctuation - peut-être motivé par la révolte, l’absurdité, le sens tragique ou l’humour… bref, la toile s’impose tandis que l’oeuvre joue à l’insaisissable. Wool déconstruit la peinture traditionnelle et son lot d’icônes, signe sa décadence, pour faire de l’oeuvre peinte un nouvel espace subversif. Blue Fool est issue de la série des Word paintings commencée en 1987. Elle est aujourd’hui sa série la plus cotée sur le marché des enchères tant elle a bouleversé le sens de la peinture abstraite. C’est une version noire de cette oeuvre, c’est-à-dire l’inscription Fool en lettrage noir sur fond blanc, qui plante en 2012 le nouveau record d’enchère de l’artiste à près de 6,8 m$ (Untitled est adjugée 4,35 m£ chez Christie’s Londres le 14 février 2012). Ce même Fool que l’on s’arrachait 6,8 m$ en 2012 était d’ailleurs accessible pour 380 000 $ en 1999 (Untitled (Fool), le 19 mai 1999 chez Christie’s, New York). L’acquéreur inspiré de cette toile en 1999 a ainsi gagné plus de 6,4 m$ en 13 ans.
Christopher Wool est ainsi devenu l’un des artistes les plus performants de la décennie, un leader des salles de ventes, et pour cause : il s’est arraché plus de 26 m$ d’oeuvres de Wool en salles en 2012 (hors frais vendeurs), plus de 68,6 m$ en 2013, et déjà 43,8 m$ sur le premier semestre 2014 (19 peintures vendues).
Dans les années 90, un dessin de grand format changeait des mains entre 1 500 et 10 000 $… un budget à peine suffisant pour acheter une estampe aujourd’hui.