Aux enchères le 9 mai dernier chez Christie’s, le célèbre portrait réalisé par le père du pop art a battu tous les records pour une œuvre d’art du XXe siècle.
L’œuvre Shot sage blue Marilyn appartenant à la fondation zurichoise Thomas et Doris Ammann était proposée à l’encan à New York lors des grandes ventes de mai de Christie’s. Cataloguée sans garantie de vente ni mise à prix inférieure, l’œuvre devait ainsi correspondre à son estimation de 200m$, faute de quoi elle serait retournée à son propriétaire. L’issue de cette vacation du 9 mai était incertaine et même s’il n’y pas eu de surenchères, le chef-d’œuvre a trouvé acquéreur auprès du marchand d’art new-yorkais Larry Gagosian.
Si certaines de ses œuvres ont déjà dépassé la barre des 100m$, Andy WARHOL (1928-1987) se trouve ici propulsé devant Picasso et juste derrière LEONARDO DA VINCI en termes de records d’adjudication. Alex Rotter, directeur du département d’Art Moderne, d’Après-Guerre et Contemporain chez Christie’s, s’est pressé de mettre en avant le fait que cette Marylin soit «le tableau le plus important à être proposé aux enchères depuis une génération» et qu’il mérite sa place aux «côtés de la Naissance de Vénus de Botticelli, de la Joconde de Léonard de Vinci et des Demoiselles d’Avignon de Pablo PICASSO: la “Marilyn” de Warhol est l’une des plus grandes œuvres peintes de tous les temps.» Alex Rotter se veut familier des grands maîtres : en novembre 2017, il vendait le Salvator Mundi (救世主) de Léonard de Vinci pour 450m$, tableau demeurant le record absolu dans l’histoire des enchères.
Le président de la fondation Ammann Georg Frei ne s’est pas privé de l’analogie à la Joconde, arguant que «Marilyn, la femme, n’est plus. Tout ce qui reste, c’est ce sourire énigmatique qui la lie à un autre mystérieux sourire: celui de la Mona Lisa.»
Shot Sage Blue Marilyn, l’histoire d’une œuvre exceptionnelle
« Ce tableau, c’est la quintessence du pop. Il marque non seulement une étape importante dans la carrière de Warhol et dans l’art contemporain, mais aussi dans l’histoire de l’art toute entière », explique Johanna Flaum, directrice de Christie’s International. Elle affirme également que c’est la 1ère fois en un quart de siècle qu’une Marylin de Warhol est mise aux enchères. En effet, si ses multiples circulent massivement sur le marché, ses pièces majeures demeurent rares, offrant peu de possibilité aux collectionneurs de lever la main pour emporter un chef-d’œuvre de l’artiste. Sa provenance est exceptionnelle : celle de deux marchands d’art très influents, Thomas et Doris Ammann, dont l’impact sur l’héritage de Warhol a été incommensurable, notamment par leur contribution au premier catalogue raisonné des œuvres de l’artiste.
Sage Blue Marilyn est acquise il y a 40 ans auprès de Samuel Irving Newhouse, célèbre collectionneur d’art. Il possède à l’époque également une Orange Marilyn de la même série sur fond orange vif, achetée 17,3 m$ chez Sotheby’s NY en 1998, probablement acquise plus de 200m$ par le milliardaire Ken Griffin après la mort d’Irving Newhouse en 2017.
Marilyn, égérie de Warhol et de toute une époque
Comme Warhol l’a lui-même déclaré : « Je n’ai pas l’impression de représenter les principaux sex-symbols de notre époque dans certaines de mes photos, comme Marilyn Monroe ou Elizabeth Taylor. Je vois juste Monroe comme une autre personne. Quant à savoir si c’est symbolique de peindre Monroe avec des couleurs aussi violentes : c’est la beauté, et elle est belle, et si quelque chose est beau, ce sont de jolies couleurs, c’est tout. »
Profondément touché par la mort de l’actrice, il commence à immortaliser son visage peu de temps après. L’œuvre, basée sur une photographie publicitaire recadrée du film Niagara, est alors détournée 10 ans plus tard sans autorisation et sans créditer le réalisateur Henry Hathaway. Cette encre et acrylique sur toile d’un mètre sur un mètre aux couleurs vives, avec de légers débords sur les lèvres, sur fond vert céladon appartient à une série limitée de cinq portraits : les « Shot Marilyns» réalisés en 1964. Seule Shot Red Marilyn était passée aux enchères, vendue 4m$ en 1989 puis 3,6m$ en 1994 chez Christie’s New York.
Ces portraits doivent leur nom à un épisode survenu à l’atelier new-yorkais d’Andy Warhol. L’artiste performeuse Dorothy Podber lui aurait demandé si elle pouvait les «shooter», pensant naïvement que cette dernière souhaitait les prendre en photo, il acquiesça et elle tira alors sur les œuvres avec une arme. Tournant cet incident à son avantage, Warhol a réussi à rendre ces toiles plus exceptionnelles encore, de quoi les faire entrer davantage dans la légende.
La manne des Marilyn
Avec pas moins de 3104 Marilyns de l’artiste passées aux enchères, le sujet n’est jamais épuisé. Impressions, sérigraphies, œuvres peintes aux coloris changeants sont autant de variantes d’une seule et même image reproduite comme une véritable marque de fabrique. Parmi les plus beaux résultats figurent la White Marilyn vendue chez Christie’s NY à plus de 29,8m$ en 2014 . Plus récemment, le 15 novembre 2021, c’est Nine Marilyns《瑪麗蓮・夢露九宮格》 pièce maîtresse de la vente de la collection Macklowe qui remportait 47,4m$ chez Sotheby’s NY.
Plus de cinquante ans après sa disparition, la star aux boucles blondes conserve un statut d’icône, de beauté universelle et incontestée qui ne manque pas d’inspirer nombre d’artistes. Loin des records d’adjudications d’Andy Warhol et parmi les plus connus, on retrouve Monroe à travers l’objectif plutôt classique d’un Cecil BEATON ou Bert STERN ; ou le visage complètement déformé de Weegee, Marilyn Monroe (Distorsion), voire même recouverte de diamants à la Vik Muniz qui avec « Marilyn Monroe (from Pictures of Diamond Dust) frappe l’un de ses plus beaux records aux enchères. La beauté iconique de Marilyn fait décidément vendre!