Art Contemporain Africain : année record aux enchères

31/03/2023 Par Artprice
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L’art contemporain africain est devenu incontournable sur le Marché de l’Art global. Tandis que les sociétés de ventes Piasa, Artcurial, Bonhams ou Sotheby’s lui consacrent des sessions dédiées, Christie’s et Phillips recherchent constamment des œuvres d’artistes africains pour alimenter leurs ventes généralistes d’art contemporain dont les coups de marteau retentissent à travers toute la planète.

 

L’enjeu devient conséquent pour ces acteurs du marché qui, en plus de constater un élargissement considérable de leur clientèle sur ce secteur, voient s’accélérer les transactions haut de gamme. Les adjudications à plus de 100 000$, de 500 000$, voire supérieure au million ne sont plus si rares et cette dynamique des prix incite l’ouverture du marché à de nouveaux artistes africains. L’offre ne cesse donc de s’élargir, avec un record de plus de 2700 œuvres d’artistes africains vendues aux enchères en 2022 : presque deux fois plus qu’avant la pandémie de Covid.

 

L’enjeu devient conséquent pour ces acteurs du marché qui, en plus de constater un élargissement considérable de leur clientèle sur ce secteur, voient s’accélérer les transactions haut de gamme.

 

Outre les collectionneurs du continent africain et les français fidèles et actifs depuis longtemps, les acheteurs se manifestent de plus en plus fermement depuis le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Asie. Rappelons à ce propos qu’en mars 2022, le fameux artiste ghanéen de 38 ans Amoako Boafo vendait à Shanghai, sous la direction de Christie’s, sa toile Orange shirt (2019) plus d’1,3 millions de dollars. La réussite de cette première vente réalisée en Chine continentale illustre combien les artistes africains célèbres sont désormais attendus de ce côté du globe. Cet élargissement géographique de l’offre et la croissance perpétuelle du nombre de collectionneurs consolident la place de l’art contemporain africain sur le Marché de l’art global.

 

Les résultats n’ont d’ailleurs jamais été si puissants, puisque les œuvres des artistes contemporains de naissance africaine ont généré 63m$ aux enchères l’an dernier, contre un précédent record établi autour de 47m$ en 2021. A l’issue du premier semestre 2022, nous constations que le poids économique de l’art contemporain africain aux enchères avait triplé à l’échelle de la décennie mais il a aussi maintenu un rythme exceptionnel sur l’ensemble du second semestre si bien que son produit des ventes s’avère finalement cinq fois plus important au terme de l’année 2022 qu’en 2012.

Les bases se consolident pour les principaux acteurs du marché

Paris est une place de marché incontournable pour les collectionneurs d’art contemporain  africain. En France, la maison de vente Piasa a été la première, il y a sept ans, à créer un département dédié à l’art contemporain africain sous l’impulsion de Christophe Person qui, après avoir passé près de cinq ans au sein de Piasa, est entré chez Artcurial pour y diriger le département d’Art Contemporain Africain (2021). Christophe Person vient d’ailleurs d’ouvrir sa galerie éponyme à Paris pour présenter des artistes africains “en évitant une production commerciale avec une esthétique répétitive, voire un peu trop facile ou racoleuse”, confiait-il au Quotidien de l’Art en décembre dernier. Cette nouvelle fenêtre ouverte sur la création contemporaine africaine paraît importante au moment où Paris redouble d’attractivité avec les arrivées récentes sur la place des galeries Skarstedt, David Zwirner, Peter Kilchmann, Hauser & Wirth.

A Paris, trois ventes dédiées à l’art moderne et contemporain africain au minimum sont organisées chaque semestre. Piasa et Artcurial continuent à en développer le marché à l’heure ou la société britannique Bonhams, elle aussi engagée sur le marché de l’art africain, met un pied à Paris et à Bruxelles, via le rachat de Cornette de Saint Cyr. Les perspectives de développement sur le secteur pourraient en être renforcées en Europe. 

 

Artcurial, pionnière pour avoir organisé sa première vente dédiée à la création contemporaine africaine en 2010, développe aussi le marché à Marrakech où la 4e édition d’Un hiver marocain affiche un résultat de 3 millions de dollars, dont 150 000$ pour la toile Flamme de Mohamed MELEHI (1936-2020) et 113 000$ pour un grand tableau d’Aboudia Abdoulaye DIARRASSOUBA (1983).

 

Evolution de l’indice des prix d’Aboudia aux enchères (copyright artprice.com)

 

En parallèle, Piasa, qui entend replacer les artistes africains et leurs œuvres dans un contexte global, africain et mondial pour les ancrer dans l’histoire, récolte les fruits de son  travail de fond avec un “sold out” sur les artistes sénégalais lors de sa vente du 9 novembre 2022 (Afrique + Art Moderne et Contemporain) : tous les dessins au format cartes postales d’Abdoulaye Samb se sont vendus, bien que ce soit le tout premier passage aux enchères de l’artiste. Ce succès inédit démontre que les collectionneurs français sont prêts à s’engager financièrement lorsque le travail est bon, y compris pour des artistes n’ayant pas encore établi de cote officielle sur le marché des enchères. Cette vacation de novembre récompense aussi les noms phares du marché avec de belles ventes sur des œuvres d’El Anatsui (88 600$), de Barthélémy Toguo, de Frédéric Bruly Bouabré et de Chéri Samba. 

 

Places de marché et artistes les plus performants

Les acteurs anglo-saxons exploitent quant à eux de plus en plus la demande en art contemporain africain. Phillips, qui a initié la flambée des prix de Amoako BOAFO (1984) en présentant sa première toile aux enchère en 2020 (The Lemon Bathing Suit vendue 881 000$) a fait découvrir à son réseau de collectionneurs de nouveaux artistes ghanéens à travers une exposition-vente dédiée, qui s’est tenue à Londres en février 2022 (Birds of a Feather) avec les oeuvres d’Awanle Ayiboro Hawa Ali, Courage Hunke, James Mishio, Araba Opoku, Abdur Rahman Muhammed et Kwaku Yaro. Christie’s et Sotheby’s se livrent quant à elles une véritable course aux records dans les plus hautes sphères de prix. Citons les 2,19m$ obtenus pour Toyin Ojih Odutola chez Sotheby’s en novembre 2021, ou les 4,47m$ pour une toile de Njideka Akunyili Crosby chez Christie’s en novembre 2022. Les adjudications les plus puissantes ne proviennent donc ni de Paris, ni de Marrakech mais de New York, tandis que le marché commence à battre son plein à Hong Kong, où la maison de ventes chinoise Holly International remporte deux nouveaux records d’artistes : celui de l’artiste ghanéen Isshaq Ismail avec 341 000$ pour Epoch 1 décrochés fin juillet 2022, et celui du peintre ivoirien Aboudia Diarrassouba avec 614 000$ enregistrés fin novembre pour une toile de quatre mètres intitulée Jeux d’enfants.

 

Isshaq Ismail : distribution du produit des ventes aux enchères par segment de prix (copyright artprice.com)

 

Ces records hongkongais ont bousculé le classement des 500 artistes des plus performants de l’année 2022, dans lequel se distinguent quatre artistes contemporains africains. En premier lieu, Aboudia se hisse à la 128e position grâce à un saisissant produit de ventes dépassant les 15,6m$ aux enchères, puis arrive Isshaq Ismail avec la 352e performance mondiale établie à 5 millions de dollars annuel (un succès fulgurant qui le propulse devant William Kentridge et Njideka Akunyili Crosby, dont les produits de ventes annuels se hissent à 4,7 millions chacun). Voici l’un des grands bouleversements de l’année écoulée : la Chine joue désormais un rôle déterminant sur la santé économique du marché de l’art contemporain africain, comme sur la cote de ses créateurs.

Communiqué d'Artprice