Fiscalité immobilière : de nombreux changements à prendre en compte !

15/01/2015 Par Pierre Appremont
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Dans un contexte d’internationalisation des règles fiscales, l’immobilier est de plus en plus mis à contribution pour redresser les finances de la France

Trois grandes tendances se dégagent aujourd’hui : l’internationalisation de la fiscalité immobilière, la mise à contribution de l’immobilier pour faire face au déficit budgétaire de la France, et l’incitation fiscale liée à la construction et à l’urbanisme. Revue de détail des nouvelles règles.

I. Internationalisation de la fiscalité immobilière

  • La modification de la convention fiscale franco-luxembourgeoise (avenant du 5 septembre 2014)

Pendant encore un an, les plus-values réalisées par une société luxembourgeoise, lors de la cession de titres d’une société française propriétaire d’actifs immobiliers situés en France, ne sont imposables qu’au Luxembourg et peuvent y être exonérées.

Cette situation devrait toutefois évoluer dès le 1er janvier 2016 :

l’avenant du 5 septembre indique que les plus-values réalisées en cas de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière seront imposables dans l’Etat de situation des immeubles. Si l’Etat est la France, l’imposition sera alourdie.

  • Transparence sur le prix de transfert

Il concerne toutes les opérations réalisées entre sociétés d’un même groupe, généralement situées dans des Etats différents. Depuis quelques temps, l’administration fiscale entend lutter contre les transferts de profits qui devraient être imposés localement (en l’occurrence, en France) vers des entités situées dans des États où la fiscalité est moins lourde. En France, un arsenal de règles a donc été progressivement mis en place pour contrôler ce type d’opérations. Cela ne concernait pas véritablement l’immobilier jusqu’alors ; cette situation est en train de changer.

Ainsi, depuis décembre 2013, les entreprises concernées doivent transmettre, spontanément et annuellement à l’administration fiscale française, les principes sur lesquels reposent leur politique de prix de transfert.

A noter que certaines sociétés sont dispensées de déclaration afin d’éviter que les transactions portant sur des montants faibles soient concernés et que des groupes purement français soient soumis à une obligation qui n’a pas réellement de sens pour eux.

Le dispositif de sanctions pour les entreprises ne respectant pas cette obligation a été renforcé par l’article 78 de la loi de finances pour 2015 : l’amende encourue est (selon les cas) de 10.000 € ou de 0,5 % du montant des transactions, ou de 5 % des bénéfices transférés au sens de l’article 57 du CGI.

  • L’intégration horizontale ou la nouvelle faculté de consolidation des résultats des sociétés françaises d’un groupe international.

Le gouvernement consacre l’intégration fiscale « horizontale »

La cour administrative d’appel de Versailles a confirmé la faculté pour des sociétés françaises de bénéficier d’une jurisprudence communautaire récente quant à la mise en place d’une intégration horizontale.

Cette décision va dans le sens du principe de liberté d’établissement. Il a été jugé que la situation avant cette décision établissait une discrimination entre les sociétés françaises détenues par une société mère établie en France et les sociétés françaises détenues par une société mère établie à l’étranger.

Ce dispositif d’intégration fiscale va permettre de consolider les résultats fiscaux des sociétés françaises détenues par une société mère située dans l’UE.

Avant de mettre en place une intégration horizontale et de déterminer les sociétés françaises qui en seraient membres, il est nécessaire d’en vérifier, par le biais de simulations chiffrées le cas échéant, toutes les conséquences afin de s’assurer que l’opération se révèlera fiscalement favorable.

  • La représentation fiscale

Lorsqu’une personne physique ou morale non résidente de France réalisait une plus-value-immobilière en France, elle était auparavant dans l’obligation de désigner, en France, un représentant fiscal accrédité, responsable du calcul et du paiement lié à cette plus-value. Cette obligation générait des coûts significatifs et s’appliquait même en cas de moins-value.

La 2ième loi de finances rectificative pour 2014 supprime pour les personnes physiques et les sociétés ayant leur siège dans un Etat membre de l’UE ou de l’E.E.E. (l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein) cette obligation.

Cet assouplissement législatif s’applique à compter du 1er janvier 2015 pour les personnes physiques et aux exercices clos à compter du 31 décembre 2014 pour les personnes morales.

  • Plus-values des particuliers non-résidents de France : réduction de la fiscalité en vue

Le dispositif fiscal applicable aux plus-values immobilières réalisées par des non-résidents, prévoyait, d’une part, l’application d’un prélèvement à la source sur les plus-values de 33,1/3 %, ramené à 19 % lorsque le cédant était domicilié dans l’Union Européenne ; d’autre part, l’application des prélèvements sociaux de 15,5 % (CSG / CRDS / autres prélèvements sociaux). Ce dispositif est remis en cause par plusieurs décisions de jurisprudence et par des procédures devant les juridictions communautaires.

 

II. Impact du déficit budgétaire de la France : l’immobilier mis à contribution

a. Les droits d’enregistrement sur les ventes immobilières évoluent avec :

  • La pérennisation de l’augmentation de la TPF sur les ventes d’immeuble

La loi de finances pour 2015 rend pérennes les augmentations de taux qui auront été décidées avant février 2016. La quasi-totalité des départements devrait avoir porté le taux de la TPF à 4,5 % avant cette date, si bien que le montant total de la TPF applicable aux cessions de biens immobiliers devrait être généralisé à 5,81 %.

  • La procédure de calcul de l’assiette des droits d’enregistrement en cas de cession de sociétés à prépondérance immobilière simplifiée

L’assiette des droits d’enregistrement applicable aux cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière est, à nouveau, le prix de cession des titres (ou leur valeur vénale si elle est supérieure).

  • La non déductibilité de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France

La taxe sur les bureaux en IDF n’est plus déductible de l’assiette de l’IS.

  • La taxation des surfaces de stationnement en Ile-de -France à compter de 2015

La taxe sera déclarée et payée selon les mêmes modalités que la taxe sur les Bureaux, à savoir avant le 1er mars de chaque année. Par dérogation, pour l’année 2015 le paiement de la Taxe pourra s’effectuer jusqu’au 1er septembre 2015.

  • La mise en place d’une taxe additionnelle à la taxe foncière et à la CFE en Ile- de-France.

Son taux sera déterminé par le Conseil Régional, étant précisé que son produit est plafonné à 80 millions d’euros.

III- Construction et urbanisme

Plusieurs mesures ont été votées, ayant pour motivation d’inciter la construction soit par voie d’aide directe, soit par mesures de simplification.

  • La redevance pour création de bureaux en Ile-de-France : opérations de reconstruction

La 2ième loi de finances rectificative pour 2014, prévoit le rétablissement de l’exonération de redevance pour création de bureaux en Ile-de-France, les opérations de reconstruction, à hauteur des surfaces de bureaux préexistantes.  Cette exonération est rétablie pour les avis de mise en recouvrement émis à compter du 1er décembre 2014.

En définitive, seules auront été soumises à la redevance, les opérations de reconstruction ayant donné lieu à un permis de construire à compter du 1er janvier 2014 et pour lesquelles l’avis de mise en recouvrement a été émis avant le 1er décembre 2014.

  • La simplification de la procédure de la LASM

Pour mémoire, la LASM (Livraison A Soi-Même) est une opération qui a pour objet d’appliquer la TVA au prix de revient d’un bien réalisé par le contribuable lui-même et non acquis auprès d’un tiers.

La loi de simplification de la vie des entreprises supprime différents cas de LASM et notamment :

  • la LASM applicable aux immeubles construits par l’entreprise ne faisant pas l’objet d’une vente dans les 2 années de l’achèvement, qui concerne tout particulièrement les promoteurs ;

  • les biens construits par l’entreprise (y compris les immeubles) pour son propre usage lorsqu’en cas de LASM la totalité de la TVA y afférant serait déductible. Il s’agit du cas des entreprises ayant une activité totalement soumise à la TVA, et ayant donc un droit à déduction de 100 %.

Dans cette hypothèse, la LASM est une opération dite "blanche" qui n’entraîne aucun paiement de TVA, mais génère une obligation administrative.

  • L’incitation aux opérations sur terrains à bâtir

L’aménagement des plus-values sur les terrains à bâtir pour les personnes physiques (article 4 de la loi de finances pour 2015) fait l’objet d’un abattement exceptionnel :

(- 30 %) sur les plus-values de cession de terrains à bâtir, étendu aux cessions d’immeubles objet d’une promesse de vente en 2015, réalisées dans les zones tendues d’habitat, lorsque le cessionnaire s’engage, par une mention portée dans l’acte authentique d’acquisition, à démolir les constructions existantes en vue de réaliser et d’achever des locaux destinés à l’habitation dans un délai de 4 ans à compter de la date d’acquisition.

Les droits de mutation sur les transmissions à titre gratuit de terrains à bâtir (article 8 de la loi de finances pour 2015) font l’objet d’une exonération :

Le régime de la donation de terrains à bâtir est aligné sur celui de la donation d’immeubles neufs à usage d’habitation, en prévoyant un abattement dégressif en fonction du lien de parenté entre le donateur et le bénéficiaire. Pour en bénéficier l’acte authentique doit être signé entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015.

L’exonération à concurrence de 100.000 € pour les donations de logements neufs sera limitée aux immeubles qui seront effectivement neufs au moment de la donation (jamais occupés ou utilisés sous quelque forme). Le cas échéant le donataire doit prendre l’engagement pour lui et ses ayants cause, de réaliser et d’achever des locaux neufs destinés à l’habitation dans un délai de 4 ans à compter de la date de l’acte authentique.

L’exonération des plus-values immobilières est étendue aux cessions destinées à la construction de logements sociaux (article 9 de la loi de finances pour 2015)

Cette exonération des plus-values devient applicable aux cessions réalisées au profit de bailleurs privés, à proportion des logements sociaux réalisés. Elle prend la forme de l’engagement du cessionnaire par une mention portée dans l’acte authentique d’acquisition, à réaliser et à achever des logements sociaux dans un délai de 4 ans.

  • La modification du mécanisme Duflot Pinel

L’aménagement du régime "Duflot-Pinel" (article 5 de la loi de finances pour 2015)

Avec la loi de finances pour 2015 (article 5), ce mécanisme est assoupli par l’introduction d’une possibilité d’opter pour une durée d’engagement de 6 ans ou 9 ans. Une possibilité de prolonger l’engagement a également été introduite. A compter du 1er janvier 2015, il devient également possible de louer à un ascendant ou à un descendant (sous réserve de respecter les conditions de ressources du locataire).

Par ailleurs, pour les contribuables ayant procédé à un investissement "Duflot-Pinel" sous forme de parts de SCPI, la réduction d’impôt est désormais calculée sur 100 %, et non plus 95 %, du montant de la souscription retenue dans la limite de 300 000 €. Ce changement s’applique aux souscriptions dont la date de clôture est postérieure au 1er septembre 2014.

Le "Duflot-Pinel" reste soumis au plafonnement général des avantages fiscaux à 10.000 €.



Article de Pierre Appremont du 14 janvier 2015

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