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Crédit-bail immobilier et report d'imposition : impossibilité d'invoquer l'irrégularité de sa propre option fiscale

Le juge de l'impôt nous rappelle qu'un contribuable ne peut se prévaloir de l'irrégularité formelle d'une option fiscale qu'il a lui-même choisie pour échapper à ses conséquences fiscales ultérieures.

 

Cette décision s'inscrit dans le cadre juridique du report d'imposition des plus-values prévu par l'article 93 quater du CGI. Ce dispositif permet, sous certaines conditions, de reporter l'imposition d'une plus-value résultant d'un changement de régime fiscal consécutif à l'acquisition d'un immeuble précédemment donné en sous-location.

 

Plus précisément, l'article 93 quater-IV du CGI prévoit que l'imposition de la plus-value résultant du changement de régime fiscal peut, sur demande expresse du contribuable, être reportée jusqu'au moment de la transmission de l'immeuble ou, le cas échéant, de la transmission ou du rachat des titres de la société propriétaire.

 

Le 3 du IV de cet article dispose que l'acte constatant le transfert de propriété doit indiquer si le nouveau propriétaire, ou les associés s'il s'agit d'une société, demandent le report de l'imposition. À défaut, le report d'imposition n'est pas applicable.

 

L'article 41 novovicies de l'annexe III au CGI précise les obligations déclaratives, notamment l'obligation de joindre à la déclaration annuelle un extrait ou une copie de l'acte comportant la demande de report d'imposition.

 

Rappel des faits :

En 2007, la SCI M, dont M. B. est associé, a souscrit un contrat de crédit-bail portant sur un ensemble immobilier. La société sous-louait cet immeuble et tirait de cette activité des revenus imposés dans la catégorie des BNC.

 

Par acte authentique du 26 septembre 2014, la SCI a levé l'option d'achat et acquis l'ensemble immobilier. Aucune option pour le report d'imposition n'a été mentionnée dans cet acte initial. Toutefois, par acte rectificatif du 1er juin 2015, les associés de la société ont sollicité le report de l'imposition de la plus-value née de la levée de l'option d'achat sur le fondement du IV de l'article 93 quater du CGI.

 

L'ensemble immobilier ayant été revendu en 2017, M. B. a déclaré au titre de cette année une plus-value d'un montant de 644 900 €. Suite à une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notifié à M. B. des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales, portant le montant de la plus-value imposable à 787 694 euros.

 

Après rejet de ses réclamations, M. B. a saisi le tribunal administratif, qui a rejeté ses demandes. Il a fait appel devant la CAA de Toulouse.

 

M. B. soutient principalement que la plus-value n'était pas imposable en 2017 mais aurait dû l'être en 2014, année désormais prescrite. Selon lui, l'option pour le report d'imposition était irrégulière car elle n'avait pas été mentionnée dans l'acte initial du 26 septembre 2014 constatant le transfert de propriété, comme l'exige l'article 93 quater-IV-3 du CGI. L'acte rectificatif du 1er juin 2015 ne pouvait, selon lui, régulariser cette omission.

 

La Cour administrative d'appel de Toulouse vient de rejetter la requête de M. B. sur le fondement de deux principes essentiels.

  • Tout d'bord, la Cour rappelle que la levée d'option d'un contrat de crédit-bail peut générer une plus-value imposable lorsqu'elle s'accompagne d'un changement de régime fiscal. En l'espèce, la SCI M a cessé son activité de sous-location (relevant des BNC) au profit d'une activité de location directe (relevant des revenus fonciers). Ce changement de régime fiscal a rendu immédiatement imposable la plus-value acquise à cette date, sauf option pour le report d'imposition.
  • Puis, la Cour énonce le principe suivant :

l'administration fiscale est en droit d'opposer au contribuable les conséquences du régime fiscal pour lequel il a opté, sans que ce contribuable puisse utilement se prévaloir, ultérieurement, de ce qu'il ne remplissait pas les conditions auxquelles le bénéfice de ce régime est subordonné, ce qui aurait permis à l'administration de le remettre en cause dès les premiers effets de l'option.

 

Appliquant ce principe à l'espèce, la Cour constate que, malgré l'absence d'option pour le report d'imposition dans l'acte initial du 26 septembre 2014, M. B. a manifesté sans ambiguïté sa volonté de bénéficier de ce régime par :

  • l'acte notarié rectificatif du 1er juin 2015 ;
  • la mention expresse d'une plus-value en report d'imposition dans la déclaration 2035 de la SCI ;
  • la mention de cette plus-value dans sa propre déclaration 2042 de 2015 ;
  • le report du montant de cette plus-value sur sa déclaration de revenus 2042 au titre de 2017.

Par conséquent, même si l'administration aurait pu refuser le bénéfice du report en raison du défaut de mention dans l'acte initial, M. B. ne peut ultérieurement se prévaloir de cette irrégularité pour échapper à l'imposition de la plus-value en 2017, année de la cession du bien.

 

Publié le lundi 31 mars 2025 par La rédaction

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