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Plus-values immobilières

Résidence principale et exonération de plus-value immobilière : quand le faisceau d'indices emporte la conviction du juge

Cette décision favorable aux contribuables s'inscrit dans la lignée d'une jurisprudence désormais bien établie sur les critères de qualification de la résidence principale. Le juge de l'impôt adopte une approche fondée sur un faisceau d'indices pour caractériser la résidence principale Elle rappelle l'importance pour les contribuables de conserver des éléments probants (factures, attestations, documents administratifs) permettant de justifier, en cas de contestation, l'affectation d'un bien immobilier à leur résidence principale.

 

La notion de résidence principale n'est pas définie par la loi fiscale, mais la jurisprudence et la doctrine administrative ont précisé qu'il s'agit du lieu où le contribuable réside habituellement et effectivement, et où se situe le centre de ses intérêts familiaux et professionnels. Cette qualification est une question de fait qui s'apprécie au cas par cas, sous le contrôle du juge de l'impôt.

 

L'administration fiscale précise :

Sont considérés comme résidences principales au sens de l'article 150 U-II-1° du CGI, les immeubles ou parties d'immeubles constituant la résidence habituelle et effective du propriétaire. Les droits relatifs à ces biens peuvent également bénéficier de cette exonération.

A. Résidence habituelle et effective

1. Résidence habituelle

La résidence habituelle doit s'entendre du lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l'année.

Il s'agit d'une question de fait qu'il appartient à l'administration d'apprécier sous le contrôle du juge de l'impôt. Dans le cas où le contribuable réside six mois de l'année dans un endroit et six mois dans un autre, la résidence principale est celle pour laquelle l'intéressé bénéficie des abattements en matière de taxe d'habitation.

2. Résidence effective

Il doit s'agir de la résidence effective du contribuable. Une utilisation temporaire d'un logement ne peut être regardée comme suffisante pour que le logement ait le caractère d'une résidence principale susceptible de bénéficier de l'exonération. Lorsqu'un doute subsiste, le contribuable est tenu de prouver par tous moyens l'effectivité de la résidence.

 

BOI-RFPI-PVI-10-40-10, n°30

 

En cas de contestation par l'administration fiscale de la qualification de résidence principale, il appartient au contribuable d'en apporter la preuve, par tout moyen. La jurisprudence a progressivement dégagé différents indices permettant d'établir cette qualification, tels que la consommation d'eau et d'électricité, l'assujettissement à la taxe d'habitation, les attestations de tiers, ou encore les déclarations administratives.

 

Rappel des faits :

M. et Mme B ont fait l'objet d'un ESFP, à l'issue duquel l'administration fiscale a remis en cause l'exonération d'imposition de la plus-value réalisée lors de la cession de leur maison d'habitation située au 40 rue Desbiey à Bordeaux. L'administration considérait que ce bien ne constituait pas leur résidence principale au moment de la vente.

Suite à cette remise en cause, les contribuables ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux pour un montant total de 242 741 €.

M. et Mme B ont alors saisi le Tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la décharge de ces impositions, en soutenant que l'immeuble vendu constituait bien leur résidence principale à la date de la cession et que, par conséquent, la plus-value réalisée était exonérée d'imposition en application de l'article 150 U du Code général des impôts.

 

Les époux B font valoir plusieurs indices justifiant de la réalité de l'habitation à titre de résidence principale du bien vendu :

  • Des factures de consommation d'eau montrant une consommation de 88 m³ entre août 2018 et juillet 2019, dont 55 m³ entre le 1ᵉʳ janvier et le 11 juillet 2019, auxquels ils ajoutaient 6 m³ correspondant à la consommation mensuelle lissée sur la période de décembre 2018 à juillet 2019, période pendant laquelle ils déclaraient avoir résidé dans le bien.
  • Des factures d'électricité faisant état d'une consommation du compteur secondaire de 1 593 kWh pendant 7 mois, et d'une consommation sur le compteur principal, ouvert le 15 mai 2017, de 8 401 kWh entre cette date et l'ouverture du nouveau contrat par les acquéreurs.
  • Un avis d'imposition à la taxe d'habitation 2019 établi à leur nom pour l'immeuble en question.
  • Une déclaration à l'impôt sur la fortune mentionnant ce bien comme leur résidence principale.
  • Une attestation d'un notaire ayant constaté que les requérants et leur famille résidaient à cette adresse.
  • Des photographies, diverses factures et des attestations de tiers concordantes avec leurs allégations.

 

Le Tribunal administratif de Bordeaux vient de faire droit à la demande des contribuables

 

  • Le tribunal a tout d'abord examiné les factures de consommation d'eau. Il a relevé que la consommation établie par les requérants (60 m³ pour une famille de 5 personnes, dont 3 enfants, pendant 7 mois) était cohérente avec les données objectives fournies par l'INSEE pour le département de la Gironde en 2019 (entre 32 et 50 m³ par an, soit entre 19 et 29 m³ sur 7 mois).
  • Le tribunal a ensuite analysé les factures d'électricité, notant que la consommation constatée (1 593 kWh pour le compteur secondaire pendant 7 mois et 8 401 kWh pour le compteur principal) était compatible avec la présence d'une famille de 5 personnes à cette adresse en tant que résidence principale.
  • Le tribunal a également pris en compte les éléments administratifs et fiscaux produits par les contribuables : leur assujettissement à la taxe d'habitation 2019 pour l'immeuble concerné, leur déclaration à l'impôt sur la fortune mentionnant ce bien comme résidence principale, ainsi que l'attestation d'un notaire ayant constaté leur résidence effective.
  • Enfin, le tribunal a considéré que les photographies, factures et attestations de tiers présentées venaient corroborer l'ensemble de ces éléments.

Sur la base de ce faisceau d'indices convergents, le tribunal a conclu que M. et Mme B avaient fixé, à la date de la cession, leur résidence habituelle et effective au 40 rue Desbiey à Bordeaux. Par conséquent, ils étaient en droit de bénéficier de l'exonération de la plus-value en litige prévue par l'article 150 U, II-1 du CGI.

 

TL;DR

Le tribunal confirme l'approche par faisceau d'indices pour caractériser la résidence principale, en combinant des éléments matériels (consommation d'eau et d'électricité), administratifs (taxe d'habitation, déclaration ISF/IFI) et testimoniales (attestations de tiers et de notaire).

Le tribunal procède à une analyse précise et chiffrée des consommations d'eau et d'électricité, en les comparant aux moyennes statistiques départementales établies par l'INSEE et en tenant compte de la composition familiale des contribuables. 

 

Publié le mardi 22 avril 2025 par La rédaction

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