Le juge de l'impôt nous rappelle que la contrepartie d'une prestation de services individualisée, même baptisée « subvention », entre pleinement dans le champ d'application de la TVA.
L'article 256 du CGI dispose que sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. Cette notion de prestation effectuée à titre onéreux implique l'existence d'un lien direct entre la prestation fournie et la contrepartie reçue, cette dernière devant être individualisable et constituer la rémunération effective du service rendu.
L'article 266 du CGI prévoit quant à lui que la base d'imposition est constituée, pour les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations.
En application de ces dispositions, sont soumises à la TVA les sommes dont le versement est en lien direct avec des prestations individualisées en rapport avec le niveau des avantages procurés aux personnes qui les versent.
S'agissant des subventions, la doctrine BOFIP (BOI-TVA-BASE-10-10-50) souligne :
[...] Lorsqu'un organisme est financé par des sommes qualifiées d'aides, de subventions, d'abandons de créances ou de dons, il convient de rechercher successivement :
- si les sommes versées constituent en fait la contrepartie d'une opération réalisée au profit de la partie versante ;
Si tel est le cas, le terme de subventions est impropre. Il s'agit en effet du prix payé pour un service rendu ou pour une livraison de biens. Cette opération entre dans le champ d'application de la TVA et la « subvention » est taxable, sauf si l'opération bénéficie d'une exonération. Ce principe s'applique quel que soit le statut de la partie versante (personne de droit public ou de droit privé) ou la dénomination donnée aux sommes (subventions, crédits budgétaires, aides, abandons de créances, dons).
Rappel des faits :
Le 26 octobre 2010, l'ADEME conclut avec l'association C et la société AL une convention de financement portant sur l'accompagnement du programme dénommé PACTE Eau chaude sanitaire "lequel avait pour objet de lancer un appel à projets pour susciter des solutions d'équipements d'eau chaude sanitaire pour les logements collectifs et individuels".
Les prestations confiées à l'association C et à la société AL dans le cadre de cette convention étaient définies dans une annexe technique. Ces prestations se déclinaient en cinq volets distincts, chacun correspondant à une mission spécifique clairement identifiée.
Chacun de ces cinq volets comportait des prestations qualifiées de « livrables » devant être remises à l'ADEME selon un calendrier précis. L'annexe technique de la convention précisait également la répartition détaillée des tâches entre l'association C et la société AL.Un échéancier détaillé fixait les dates de remise prévues pour chaque volet du programme de travail et pour la fourniture de chaque livrable. L'annexe financière à la convention complétait ce dispositif en précisant le coût total de l'opération, tant pour l'association C que pour la société AL et stipulait enfin que l'aide serait versée par tranches successives.
L'association C a fait l'objet d'un redressement de TVA sur une somme perçue de l'ADEME. L'administration fiscale considérait que cette somme, bien que qualifiée de subvention, rémunérait des prestations de services spécifiques et devait donc être taxée. L'association a contesté cette analyse, estimant qu'il s'agissait d'une aide publique hors champ de la TVA.
Dans un premier temps, le TA de Paris a donné raison à l'association et prononcé la décharge des rappels de TVA. Le ministre a fait appel estimant que la nature même des obligations de l'association envers l'ADEME caractérisait une opération économique relevant du champ de la TVA.
La Cour administrative d'appel de Paris vient d'infirmer le jugement de première instance et de donner raison au Ministre en remettant à la charge de l'association C les rappels de TVA.
- Le juge a d'abord relevé que l'ADEME avait confié à C des missions précises et détaillées dans le cadre d'un programme dont l'agence avait la responsabilité. Il ne s'agissait donc pas d'un soutien à l'activité générale de l'association, mais bien de la commande d'une expertise pour les besoins propres de l'agence.
- Il a ensuite mis en évidence l'existence de « livrables » à remettre à l'ADEME qui prenaient des formes diverses selon la nature des missions : rapports d'étude, état de l'art documenté, référentiel méthodologique, synthèses des journées d'échange, bulletins semestriels d'information, rapport de synthèse finale, et articles de valorisation scientifique.
- Enfin, le juge a constaté que le versement de l'aide n'était pas forfaitaire mais échelonné, conditionné à la présentation d'états récapitulatifs attestant de l'exécution des dépenses, elles-mêmes évaluées sur la base d'un coût journalier des personnels mobilisés.
Au vu de ces éléments, la Cour a conclu que la subvention avait pour contrepartie des prestations de services individualisées procurant un avantage direct à l'ADEME. Le lien direct entre les sommes versées et les services rendus étant établi, les conditions d'assujettissement à la TVA étaient réunies.
5. Il ressort de cette convention et de ses annexes que la subvention reçue par l'association COSTIC a été versée par l'ADEME en contrepartie de prestations de services individualisées, qui ont un lien direct avec les avantages retirés par l'agence pour la conduite d'un appel à projet dont elle avait la responsabilité, et que le versement de cette subvention était subordonné à la réalisation, par l'association, des prestations qu'elle s'était engagée à fournir. Par suite, les subventions reçues doivent être regardées comme entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, tel que défini par les dispositions précitées du code général des impôts.
Lorsqu'une convention comporte...
- la définition précise de prestations identifiées,
- la production de livrables appropriables,
- un calendrier d'exécution contraignant,
- un mécanisme de versement fractionné conditionné à la justification de l'avancement des travaux,
- et une méthode de calcul de la rémunération fondée sur le temps passé,
...il existe une forte présomption que les sommes versées constituent la contrepartie de prestations de services soumises à la TVA et non des subventions échappant à cette taxe.