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Remboursement de crédit de TVA : quand l'exigence déclarative n'est pas disproportionnée

Cette décision s'inscrit dans la lignée d'une jurisprudence constante qui, tout en reconnaissant l'importance du principe de neutralité de la TVA, admet que les États membres puissent subordonner le remboursement des crédits de taxe au respect de certaines formalités, dès lors que ces dernières ne sont pas excessives.

 

Le régime de déduction et de remboursement de la TVA est encadré par plusieurs textes de droit interne et de droit européen. L'article 168 de la directive TVA (Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006) affirme le droit pour l'assujetti de déduire la TVA grevant ses acquisitions de biens et services, tandis que son article 178 précise les conditions formelles pour exercer ce droit. L'article 183 autorise les États membres à définir les modalités de remboursement lorsque le montant des déductions excède celui de la TVA due.

 

En droit interne, ce régime est transposé aux articles 271 et 273 du CGI complétés par les articles 208 et 242-0 A à 242-0 K de l'annexe II du même code. Ces dispositions précisent notamment que le droit à déduction s'exerce par l'imputation de la taxe déductible sur la taxe due, et que l'excédent non imputé peut faire l'objet d'un remboursement selon des modalités réglementaires. De façon essentielle, l'article 208 de l'annexe II au CGI exige que le montant de la TVA déductible soit mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe.

 

Rappel des faits :

La société d'assurance britannique HCCI disposait d'une succursale française à Strasbourg qui exerçait principalement une activité de garantie des maîtres d'ouvrage en matière de construction, activité exonérée de TVA conformément à l'article 261 C 2° du CGI.

Toutefois, en 2016 et 2017, dans le cadre de son activité de garantie de bonne fin des travaux, la succursale a été amenée à fournir des travaux immobiliers aux maîtres d'ouvrages en se substituant à des constructeurs défaillants. Ces prestations ont été réalisées soit directement, soit via un commissionnaire agissant pour son compte. Contrairement à son activité principale d'assurance, ces opérations de travaux immobiliers étaient soumises à la TVA.

La société HCCI n'a déposé aucune déclaration de TVA pour ces opérations taxables. Son numéro de TVA intracommunautaire (FR16503657635), attribué lors de la création de sa succursale, a été invalidé dans la base VIES (système d'échange d'informations sur la TVA).

Les 5 décembre 2018 et 19 décembre 2019, la société a néanmoins saisi l'administration fiscale de deux demandes de remboursement de crédits de TVA non imputables au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, pour des montants respectifs de 496 588,09 € et 265 486,89 €.

Face au rejet implicite de ses demandes, elle a saisi le tribunal administratif de Strasbourg, qui a rejeté sa requête par un jugement du 19 septembre 2022.

 

La société HCCI a fait appel de ce jugement.

 

Elle soutient qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de satisfaire à la condition de déclaration de la TVA déductible en raison de contraintes techniques et administratives. Selon elle, l'invalidation de son numéro de TVA l'a empêchée de télédéclarer ses opérations conformément à l'obligation légale, et l'administration lui aurait refusé la possibilité de déposer des déclarations papier. Elle invoque une violation du principe de neutralité de la TVA, du principe de sécurité juridique, de confiance légitime, d'égalité de traitement et de coopération loyale.

Sur le fond, elle affirme qu'elle réalisait des opérations soumises à la TVA lorsqu'elle mettait en œuvre la garantie de livraison en s'entremettant entre le constructeur défaillant et le maître d'ouvrage, ce qui lui conférait le droit de déduire la TVA ayant grevé ces opérations. Elle estime avoir justifié par les pièces produites de cette taxe déductible.

 

La Cour Administrative d'Appel de Nancy vient de rejetter la requête de la société HCCI 

 

  • La Cour rappelle qu'en vertu de l'article 208 de l'annexe II au CGI, la demande de remboursement d'un crédit de TVA non imputable est subordonnée à la mention de ce crédit sur les déclarations que le redevable est tenu de déposer. Or, il est constant que la succursale française de HCCI n'a déposé aucune déclaration de TVA, ne respectant donc pas cette condition fondamentale.
  • La Cour examine si, à la lumière du principe de neutralité de la TVA, ce manquement formel pourrait être surmonté. Elle rappelle que l'administration ne peut refuser le remboursement d'un crédit de TVA en l'absence du respect d'une condition de forme sans examiner les conditions de fond, sauf si cette exigence formelle n'apparaît pas disproportionnée par rapport aux nécessités de vérification du bien-fondé de la demande.

En l'espèce, la Cour estime que l'exigence formelle n'est pas disproportionnée, pour plusieurs raisons :

    • La succursale s'est abstenue de déposer ses déclarations de TVA alors qu'elle y était tenue de plein droit pour ses opérations taxables.
    • L'assujettissement à la TVA et les obligations déclaratives ne sont pas subordonnés à une décision ou autorisation préalable de l'administration.
    • La société n'établit pas l'existence d'une erreur de sa part sur sa situation au regard de la TVA.
    • Elle n'apporte pas la preuve que son numéro de TVA a été invalidé par les services fiscaux de leur propre initiative, l'administration soutenant au contraire que cette désactivation est intervenue à la demande de la société.
    • Les démarches alléguées par la société pour régulariser sa situation ne sont pas établies, les courriels produits concernant manifestement une autre société.

La Cour conclut que la société HCCI n'a pas engagé de démarches en vue de régulariser sa situation avant de saisir l'administration de ses demandes de remboursement.

Dans ces conditions, le refus de remboursement opposé par l'administration ne méconnaît pas les principes invoqués par la requérante.

 

Enfin, concernant l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH, la Cour considère que même si l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent constitue un bien au sens de ces stipulations, le droit au respect des biens ne fait pas obstacle au droit des États de mettre en œuvre les lois nécessaires pour assurer le paiement des impôts. La mise en œuvre de ces dispositions n'apparaît pas disproportionnée en l'espèce, compte tenu du comportement de la société.

 

Publié le jeudi 27 mars 2025 par La rédaction

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