A l’initiative du gouvernement, la loi de finances rectificative pour 2009 a renforcé les modalités d’imposition des activités occultes et illicites. M. J-J Urvoas, Garde des sceaux, a donné des directives aux procureurs généraux -Circ., CRIM n° 2016-06/E1/02.06.2016, NOR JUSD 1614914C- et a fixé des objectifs prioritaires au rang desquels la lutte contre la délinquance économique et financière. Outre l’aspect purement pénal, le but est d’accroitre la capacité du fisc à appréhender les revenus tirés de la délinquance.
La loi aligne les modalités d’imposition des activités illicites sur celles des activités occultes (délai de reprise allongé, imposition d’office…). Pour lutter contre l’économie du crime et la taxer, la loi de finances rectificative 2009 a créé deux mécanismes de taxation spécifiques :
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une présomption de revenus en cas d’activité délictuelle ; la procédure de flagrance permet en outre à l’administration de prendre des mesures conservatoires sur les biens du contribuable se livrant à ces activités illicites ;
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une procédure d’évaluation forfaitaire minimale du revenu global imposable à l’impôt sur le revenu. Ce nouveau régime s’inspire du dispositif existant dit « des signes extérieurs de richesse » et vient l’adapter à la criminalité des cités.
Toute la problématique de ces mesures maintenant déjà anciennes était sans doute de masquer le fait que le fisc éprouvait des difficultés à traiter le régime de la preuve pour établir la base imposable. En donnant à l’administration des méthodes qui se rapprochent du calcul d’un forfait, le fisc a fait acte d’autorité mais n’a rien ajouté à sa crédibilité.
Avec un peu de recul, une étude comparative entre l’application des nouvelles dispositions et les anciennes méthodes, appréhendées par le biais de la jurisprudence, s’impose pour déterminer le bénéfice du gain fiscal de la réforme .
Introduction
Activités occultes et activités illicites. Les activités souterraines font partie intégrale de l’activité économique au point qu’il faille en tenir compte dans le calcul du PIB. [ 1 ] . Ce point de vue économique et amoral n’est pas privilégié en Droit. Il ne faut pas confondre « activités occultes » et « activités illicites ».
Les activités occultes ont un objet licite mais sont menées frauduleusement alors que les activités illicites sont répréhensibles en tant que telles.
A suivre l’actualité des faits divers, les contribuables peuvent avoir l’impression que de nombreux trafics. [ 2 ] existent et se posent la question de leur gestion fiscale. Les règles de droit applicables existent bel et bien au plan pénal mais l’intérêt fiscal est sans doute très en retrait des attentes du dispositif dans la mesure où les contribuables poursuivis sont souvent insolvables. A tout le moins, ils ont intérêt à paraître comme tels en utilisant des prête-noms. L’article 18 de la loi de finances rectificative pour 2009 n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 a néanmoins introduit de nouvelles règles afin d’assurer le traitement de ces activités illicites.
Afin de sanctionner efficacement l’exercice d’une activité occulte, plusieurs dispositions spécifiques figurent au livre des procédures fiscales (LPF) : allongement du délai de reprise. [ 3 ] , mise en œuvre de la procédure d’évaluation d’office sans envoi préalable d’une mise en demeure, exclusion du régime simplifié d’imposition en taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et en bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et du régime de la franchise en base de TVA, application d’une sanction de 80%.
Dans cette optique, l’Administration fiscale partage des informations avec l’institution judiciaire et policière et on a créé des passerelles entre justice et administration fiscale en aménageant le secret professionnel. [ 4 ] .
La levée des obstacles rencontrés par l’administration fiscale.
Deux dispositifs spécifiques de taxation des revenus issus d’activités illicites s’appliquent depuis 2010 : le premier est fondé sur une présomption de revenus (dit « taxation des prises »), le second est fondé sur les éléments de train de vie du délinquant.
En vertu de l’article 1649 quater-0 B bis du CGI , lorsqu’il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d’une des procédures prévues par le code de procédure pénale : enquête de flagrance, enquête préliminaire ou information judiciaire qu’une personne a eu la libre disposition d’un bien ou d’une somme d’argent en relation avec les infractions poursuivies, elle est présumée avoir disposé d’un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien ou au montant de la somme d’argent à sa disposition.
Sont visés les crimes et délits de trafic de stupéfiants (C. pén. art. 222-34 à 222-39) ; les crimes en matière de fausse monnaie (C. pén. art. 442-1 à 442-7) ; les crimes et délits en matière de législation sur les armes (C. défense, art. L. 2331-1, 2339-2 à L. 2339-11) ; les délits à la réglementation sur les alcools et le tabac (CGI, art. 1810) et le délit de contrefaçon (CPI, art. L. 716-9).
Une information devra avoir été portée à la connaissance de l’administration fiscale par le ministère public à l’occasion d’une instance devant les juridictions civiles ou criminelles, par l’autorité judiciaire dans le cas où celle-ci disposerait d’indications de nature à faire présumer une fraude fiscale, ou par des agents de police judiciaire dans le cadre d’échanges de renseignements avec les services fiscaux, par levée du secret professionnel.
Les personnes en cause, sauf pour elles à apporter la preuve contraire, sont présumées avoir perçu un revenu. [ 5 ] équivalent à la valeur vénale du bien considéré. Lorsque plusieurs personnes ensemble auront eu la disposition de biens illicites, la base de ce revenu, sauf preuve contraire, sera répartie proportionnellement entre elles. La présomption de revenus instituée par la loi a été étendue après discussion à l’Assemblée Nationale au cas de la disposition d’une somme d’argent. [ 6 ] , produit direct d’une des infractions visées, alors que la rédaction initiale s’en tenait aux biens faisant l’objet de ces infractions ou ayant permis ou visant leur réalisation. L’imposition pourra donc être effectuée sur la base du montant en cause.
Pour écarter la présomption de disposition de drogue et d’espèces saisies, le contribuable peut certes invoquer le fait qu’il n’avait pas la libre disposition. [ 7 ] des produits stupéfiants et de la somme d’argent dès lors qu’il les détenait sous la contrainte de " réels trafiquants " mais ces allégations ne doivent pas être contredites par ses propres déclarations lors de son interrogatoire de première comparution dont il ressort qu’il a agi seul. En d’autres termes, pour être imposé sur une base du prix de gros de la drogue, il convient de pouvoir donner les noms des complices du réseau de distribution.
L’application de la flagrance fiscale aux activités illicites. L’article L. 16-0 BA du LPF prévoit que les agents des services fiscaux peuvent mettre en œuvre la flagrance fiscale sur le fondement d’informations délivrées à la suite d’une procédure judiciaire, de même nature que celles que mentionne l’article 1649 quater-0 B bis. La transmission de ces informations devra avoir été réalisée suivant les mêmes modalités (par le ministère public, par l’autorité judiciaire ou par des agents de police judiciaire) que celles que prévoit ledit article ; les activités susceptibles de faire l’objet de la procédure de flagrance seront également les mêmes que celles visées par celui-ci (trafic de stupéfiants, fausse monnaie, infractions à la législation sur les armes, délits au regard de la réglementation sur les tabacs et les alcools, contrefaçon).
Dans ce cadre, le montant des saisies conservatoires sera égal au montant des revenus déterminés au regard de la valeur vénale des biens objet du trafic ou l’ayant permis ou y visant.
L’introduction d’un dispositif de taxation forfaitaire en fonction du train de vie. Un nouvel article 1649 quater-0 B ter a aussi été créé. Il prévoit que, si l’administration est informée par la police judiciaire, dans le cadre des échanges de renseignements légalement prévus par levée du secret professionnel, de la disposition par un contribuable des éléments de patrimoine, elle peut, en cas de « disproportion marquée » entre le train de vie de ce contribuable et ses revenus, porter la base d’imposition à l’impôt sur le revenu à une somme forfaitaire, déterminée en appliquant à ces éléments un barème.
I.Les règles de procédure applicables
L’administration dispose de moyens renforcés afin de sanctionner plus efficacement les contribuables se livrant à des activités occultes (A). Le régime des activités occultes avant la réforme introduite par la loi de finances 2009 a servi de base au régime des activités illicites. La démarche de contrôle (B) d’une activité illicite s’apprécie selon les enjeux et l’ampleur des investigations à mener.
Le traitement fiscal des activités illicites a été aligné sur celui des activités occultes. Jusqu’à peu, un contribuable devait être considéré comme exerçant une activité occulte au sens fiscal lorsqu’il n’avait pas respecté ses obligations déclaratives professionnelles dans les délais légaux et qu’il n’avait pas accompli les formalités auxquelles il était tenu lors de la création de son activité auprès d’un centre de formalités des entreprises (CFE).
Le caractère illégal des activités illicites, pénalement répréhensibles, permettant de présumer le non-respect de toutes les obligations liées à leur exercice, l’administration considérait que l’activité était nécessairement occulte.
Cette position a néanmoins été contestée par un arrêt rendu par le Conseil d’Etat [7], s’agissant des règles de procédure applicables aux détournements de fonds. La Haute Cour a considéré que l’activité d’un salarié qui détourne des fonds n’est pas au nombre de celles qui doivent être déclarées auprès d’un CFE. [ 8 ] . En conséquence, l’administration n’était pas en droit d’appliquer les dispositions dédiées aux activités occultes — au cas particulier, évaluation d’office sans mise en demeure préalable et allongement du délai de reprise — pour procéder à la taxation des revenus qui en proviennent. L’argumentaire développé, s’agissant des détournements de fonds, aurait pu être transposé et s’étendre à d’autres activités illicites et afin de résoudre cette difficulté, l’article 18 de la loi de finances rectificative pour 2009 a aligné le traitement fiscal des activités illicites sur celui des activités occultes en faisant expressément référence à la première notion dans la définition de la seconde.
A. Introduction de nouvelles règles
Les activités occultes. La mise en œuvre de la taxation prévue à l’article 1649 quater-0 B bis nécessite, au préalable, que l’administration fiscale soit informée de la disposition des biens ou sommes d’argent conformément aux dispositions légales autorisant la levée à son profit du secret professionnel pesant sur le ministère public (LPF, art. L. 82 C), l’autorité judiciaire (art. L. 101 du même Livre) ou les agents et officiers de police judiciaire (art. L. 135 L du même Livre).
Jusqu’en 2009, un contribuable devait être considéré comme exerçant une activité occulte au sens fiscal lorsqu’il n’avait pas rempli ses obligations déclaratives professionnelles dans les délais légaux et qu’il n’avait pas accompli les formalités auxquelles il était tenu lors de la création de son activité auprès d’un centre de formalités des entreprises (CFE).
La découverte d’une activité occulte emporte les conséquences. [ 9 ] suivantes pour le contribuable :
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l’allongement du délai de reprise de 3 à 10 ans, prévu au 3ème alinéa. [ 10 ] des articles L. 169 et L. 176 du LPF et au 2ème alinéa de l’article L. 174 du même livre, sous réserve des mesures de tempérament prévues au BOI 13 L-4-97 ;
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l’allongement d’un an de la durée de I’ESFP, prévu au dernier alinéa de l’article L. 12 du LPF lorsque l’activité occulte est découverte au cours de cette procédure (BOI 13 L-5-93 et "13 L-5-93) ;
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l’application de la procédure de taxation d’office (art. L. 68 du LPF) et d’évaluation d’office (art. L. 73 du LPF) sans envoi préalable d’une mise en demeure, même si ce dernier est préconisé dans certaines hypothèses (poursuites pénales ultérieures, notamment) ;
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l’exclusion du régime simplifié en TVA et en BIC (art. 302 septies A et 302 septies A bis du CGI) et du régime de la franchise en base de TVA (art. 293 B du CGI) lorsque l’activité occulte est soumise à cette dernière (note CF 1 n° 950/2004 du 20 décembre 2004)3 ;
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l’application d’une majoration de 80 % sur les droits rappelés mis à la charge du contribuable (art. 1728-1-c du CGI et BOI 13 N-1—07 n° 69 à 74). Compte tenu du principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères, applicable aux sanctions fiscales, la pénalité de 80 % prévue à l’article 1728-1-c du CGI en cas de découverte d’activité occulte s’applique aux seules activités illicites exercées à compter du 1° janvier 2010.
Dispositions introduites par I’article 18 de la loi de finances rectificative pour 2009.
Afin de résoudre les difficultés posées par les décisions jurisprudentielles rendues en matière de détournements de fonds. [ 11 ] , l’article 18 de la loi de finances rectificative pour 2009 aligne désormais le traitement fiscal des activités illicites sur celui des activités occultes, en faisant expressément référence à la première notion dans la définition de la seconde.
Désormais, un contribuable exerce une activité occulte lorsque :
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il n’a pas rempli ses obligations fiscales dans les délais légaux ;
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et soit il n’a pas accompli les formalités auxquelles il était tenu lors de la création de son activité auprès d’un CFE, soit il exerce une activité illicite.
Ces deux conditions doivent être cumulativement remplies.
La notion d’activité illicite englobe toutes les activités passibles de sanctions pénales et notamment les opérations économiques portant sur des produits interdits (trafic de stupéfiants, d’amphétamines…) ou exercées dans des conditions illégales (commerce de marchandises et matériels divers volés, de produits de contrefaçon et de contrebande…) et les autres agissements illégaux (détournement de fonds, proxénétisme, braquage. . ..).
La date présumée de commencement d’activité est normalement retenue comme le fait générateur de l’obligation d’inscription au CFE. Le dossier d’instruction ou le jugement précisent la période qui doit être retenue pour établir l’imposition. Une activité considérée comme professionnelle, exercée à titre habituel et source de revenus caractérise des relations d’affaires imposables. Ainsi par exemple, le délit d’ouverture d’un débit de boissons sans déclaration préalable se poursuit par l’intervention renouvelée du tenancier et présente dès lors, aussi longtemps que dure l’exploitation illicite d’un établissement dépourvu d’existence légale, le caractère d’une infraction successive.footnot:[ Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 16 juin 1973, 71-92.269, Publié au bulletin ]. C’est la répétition des actes illicites sur une période plus ou moins longue et avec l’intention d’en tirer profit qui définit le support légal de l’impôt (art.371 AJ 7°, ann. II CGI). Le niveau des revenus tirés de l’activité illicite ou le rapport entre les revenus licites et illicites sont des indicateurs importants.
Le nouveau texte s’applique aux délais de reprise venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2009. Les années antérieures à 2007, pour lesquelles la prescription triennale était acquise au 31 décembre 2009, ne peuvent donc plus faire l’objet du délai de reprise étendu. En revanche, l’année 2007, pour laquelle le délai triennal expire le 31 décembre 2010, pourra faire l’objet de reprise jusqu’au 31 décembre 2017.
Présomption simple de disposition de biens. La présomption de disposition des biens peut être combattue par tout moyen, en apportant la preuve notamment : d’une absence de libre disposition des biens en cause ; du dépôt de la déclaration des revenus ayant permis l’acquisition de ces biens ou de leur acquisition à crédit. En ce qui concerne les sommes d’argent, la présomption peut être combattue en apportant la preuve notamment : d’une absence de libre disposition des sommes en cause, du caractère non imposable de ces sommes ou du fait qu’elles ont été imposées au titre d’une autre année.
Lorsque les agents des impôts sont informés pour un contribuable de la situation de fait mentionnée à l’article 1649 quater-0 B bis du CGI, ils peuvent modifier la base d’imposition sur le fondement des présomptions établies par cet article (LPF, art. L. 76 AA). À cet effet deux procédures différentes peuvent être mises en œuvre. Si, au titre de l’année d’imposition visée, le contribuable concerné avait déposé une déclaration de revenus, c’est une proposition de rectification (LPF, art. L. 57) qui lui sera adressée. Si, en revanche, l’intéressé n’avait pas respecté ses obligations déclaratives, c’est la procédure d’imposition d’office (LPF, art. L. 76) qui sera utilisée. A noter que la décision de faire application de la présomption de revenus de l’article 1649 quater-0 B bis du CGI est prise par un agent de catégorie A détenant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire. Il appartient à cet agent de viser la proposition de rectification ou la notification d’imposition d’office (LPF, art. L. 76 AA-2).
Le revenu imposable de l’année au cours de laquelle le contribuable concerné a eu la disposition d’un bien est équivalent à la valeur vénale de ce bien. S’il s’agit d’une somme d’argent, le revenu imposable au titre de l’année au cours de laquelle le contribuable en a disposé est égal au montant de cette somme. Lorsque plusieurs personnes ont la libre disposition de ces biens ou sommes, la base du revenu imposable est, sauf preuve contraire, répartie proportionnellement entre ces personnes. Ces revenus sont soumis également à la CSG et à la CRDS.
Au cours de la conférence de presse « Lutte contre la fraude fiscale » du 24 novembre 2011, la ministre du Budget a donné l’exemple suivant d’application des dispositions de l’article 1649 quater-0 B bis du CGI : « Dans le cadre d’une enquête de flagrance, un service de police judiciaire interpelle une personne au volant d’un véhicule de grosse cylindrée d’une valeur de 18 000 €, qui détient par ailleurs 200 grammes de cocaïne estimés à 12 000 €, et 60 000 € en espèces. Ces informations consignées par procès-verbal sont transmises aux services fiscaux. Sur la base de ces informations, les services de la Direction générale des finances publiques procèdent au contrôle de ce contribuable et déterminent le revenu imposable en fonction de la valeur des stupéfiants, des sommes saisies et de la valeur du véhicule au volant duquel cette personne a été interpellée (dès lors que cette voiture a servi à convoyer des stupéfiants), soit au total 90 000 €. Le montant des impôts rappelés est de plus de 29 000 € augmentés d’une majoration de 80 %. Au total, ce sont plus de 48 000 € qui seront réclamés au contribuable ».
Cette analyse fiscale est assez antithétique avec les faits. [ 12 ] car si les biens et la somme d’argent saisis ont été confisqués par les services de police ou gendarmerie et si cette confiscation a été confirmée par une décision définitive de la juridiction pénale, ces circonstances sont sans incidence sur leur caractère de revenus imposables mais alors justement que le contribuable n’a pas eu la libre disposition des revenus issus de la vente des stupéfiants. [ 13 ] . L’imposition de revenus présumés mais non disponibles est en contradiction avec le commentaire administratif général paru au BOFiP. [ 14 ] mais conforme à la présomption de disponibilité introduite par l’art.1649 quater O B bis.
La taxation forfaitaire. L’article 1649 quater-0 B ter liste un certain nombre d’éléments de train de vie et fixe pour chacun d’eux le barème applicable : cinq fois la valeur locative cadastrale de la résidence principale ; cinq fois la valeur locative cadastrale des résidences secondaires ; la valeur de la voiture neuve avec abattement de 50 % après trois ans d’usage ou, dans le cas d’une prise en location, cinq fois le prix toutes taxes comprises de cette location ; la valeur de la motocyclette neuve avec abattement de 50 % après trois ans d’usage ; le montant des dépenses dans les clubs de sports et de loisirs ; le montant des dépenses de voyages, séjours en hôtels, locations saisonnières ; la valeur du bien neuf, lorsque celle-ci est supérieure à 1 000 euros, des appareils électroménagers, équipements son-hifi-vidéo, matériels informatiques ; la valeur vénale des articles de joaillerie et en métaux précieux.
La somme forfaitaire déterminée en application du barème précité est majorée de 50 % lorsque le contribuable a disposé de plus de quatre des éléments susmentionnés. Il est précisé que la « disproportion marquée » entre le train de vie d’un contribuable et ses revenus « est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l’application du barème et de la majoration […] est, pour l’année d’imposition, au moins égale au double du montant du revenu net global déclaré, y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l’impôt par l’application d’un prélèvement ». Les éléments dont il est fait état pour la détermination de la base d’imposition sont ceux dont ont disposé, pendant l’année de l’imposition, les membres du foyer fiscal. Pour les éléments dont disposent conjointement plusieurs personnes, la base est fixée proportionnellement aux droits de chacune d’entre elles.
Au cours de la conférence de presse « Lutte contre la fraude fiscale » du 24 novembre 2011, la ministre du Budget a donné l’exemple suivant d’application des dispositions de l’article 1649 quater-0 B ter du CGI : « Dans le cadre d’une enquête préliminaire, un service de police judiciaire constate qu’une personne, auteur présumé d’un trafic de cigarettes, dispose : de deux véhicules récents d’une valeur à neuf de 45 000 € et 30 000 € ; d’un abonnement annuel à un club de sport d’un montant de 3 500 € ; de voyages réalisés pendant l’année d’un montant de 18 000 € ; d’une montre d’une valeur totale de 7 000 €. Ces informations consignées par procès-verbal sont transmises aux services fiscaux qui procèdent au contrôle de ce contribuable. Le contribuable n’ayant rien déclaré et son train de vie étant élevé, son revenu imposable est redressé sur la base d’une somme forfaitaire qui s’élève à 103 500 € (établi d’après le barème de l’article 1649 quater-0 B ter du CGI), soit un montant d’impôt correspondant de 37 425 € ».
B. Démarche de contrôle suivie par l’administration
Une même affaire peut suivre successivement une procédure de contrôle sur pièces, puis une vérification de comptabilité et un examen de situation fiscale d’ensemble. [ 15 ] . Le plus important, et ce qui constitue l’essentiel du dispositif, est que certaines garanties soient accordées au contribuable. Mais, sachant que les grandes évolutions, pour ne pas dire révolutions, naissent souvent de l’exagération fiscale, il est important d’afficher des garanties à la défense et de véritablement les assurer.
Procédure de contrôle des revenus catégoriels. Comme pour procéder au contrôle d’une activité déclarée, le fisc a le choix entre le contrôle sur pièces et la vérification de comptabilité.
Lorsque l’administration dispose de suffisamment d’éléments pour qualifier les revenus, déterminer le montant annuel du chiffre d’affaires ou des recettes illicites et le résultat imposable, les rehaussements peuvent être notifiés directement du bureau, par l’envoi d’une proposition de rectification n° 2120. Le contrôle sur pièces n’est pas à exclure dès lors que les défaillances du contribuable sont dûment établies et les droits éludés déterminés avec suffisamment de précision.
Tel peut notamment être le cas lorsque les renseignements régulièrement obtenus auprès du juge ou d’un officier de police judiciaire, en application des dispositions des articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du LPF permettent de qualifier l’activité, d’établir l’appréhension des sommes par le contribuable et de déterminer le montant du résultat annuel.
En effet, selon une jurisprudence constante, l’administration n’est pas tenue d’engager un débat oral avec le contribuable avant de lui notifier des rehaussements fondés sur des éléments qu’elle a recueillis dans l’exercice de son droit de communication. [ 16 ] .
La vérification générale de comptabilité. Les revenus provenant d’une activité illicite sont imposables dans la catégorie des BIC ou des BNC, selon sa nature. Les contribuables sont alors théoriquement tenus à des obligations déclaratives et comptables et le contrôle conduit à ce titre entre dans le champ de la vérification de comptabilité telle que définie à l’article L. 13 du LPF. L’opportunité d’engager une telle procédure doit néanmoins être appréciée en fonction de la nature et de l’ampleur des investigations à mener et de la nécessité éventuelle de pouvoir consulter les comptes bancaires du contribuable. La vérification de comptabilité est engagée dans les conditions de droit commun sous réserve des règles procédurales propres aux activités occultes précisées supra.
Examen contradictoire de situation fiscale personnelle. Les dispositions de l’article L. 47 C du LPF autorisent l’administration, lorsqu’elle découvre au cours d’un ESFP l’existence d’une activité occulte ou des conditions d’exercice non déclarées, à tirer les conséquences qui s’y rattachent sans pour autant avoir à procéder à une vérification de comptabilité. Les conditions de mise en œuvre de ces dispositions sont précisées aux BOI 13 L—6-98 et 13 L-5—98. Pour autant, le contrôle des activités illicites est généralement engagé suite à des informations communiquées par un magistrat ou par un officier de police judiciaire (art. L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du LPF précités). En conséquence, dès lors que l’administration dispose d’éléments relatifs à l’exercice d’une activité illicite préalablement à l’engagement du contrôle, les dispositions de l’article L. 47 C du LPF ne sont pas applicables. En pareil cas, les revenus illicites BIC ou BNC doivent faire l’objet d’une vérification de comptabilité pour éviter tout risque de procédure puisque le service sera amené à consulter des comptes bancaires « mixtes », qui retracent à la fois des opérations personnelles et d’autres liées à l’activité illicite.
Mise en œuvre des dispositions de l’article L. 170 du LPF. La prorogation de prescription qui figure au 3è alinéa de l’article L.169 du LPF ne peut pas être mise en œuvre pour procéder aux rectifications portant sur les activités illicites exercées avant l’année 2007.
Toutefois, les dispositions de l’article L. 170 du LPF permettent de déroger à la prescription triennale afin de réparer les omissions ou insuffisances d’imposition révélées notamment par une instance devant les tribunaux. Dans ce cas, les rehaussements peuvent être effectués jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la décision qui a clos l’instance et au plus tard jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
En conséquence, lorsque des activités illicites sont révélées par une instance devant les tribunaux et que les éléments obtenus auprès du juge permettent d’établir de manière avérée et pratiquement incontestable les faits et les montants imposables, l’administration a pu mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 170 du LPF.
Les garanties des contribuables. L’Assemblée Nationale, avec l’avis favorable de la commission des finances, a adopté trois amendements présentés par le Gouvernement en vue d’indiquer explicitement les garanties offertes aux contribuables dans la mise en œuvre du dispositif.
En premier lieu , la notion de « disposition » des biens faisant l’objet des infractions concernées ou ayant permis ou visant leur réalisation, qui déclenchera la présomption de revenus de trafics illicites, a été précisée comme « libre disposition », de sorte que la mesure vise les seules personnes ayant réellement tiré un revenu d’activités délictueuses. En effet, celles qui n’auront eu que la garde temporaire des biens ne seront pas imposées à ce titre.
En deuxième lieu , le régime de la « preuve contraire » que pourront apporter les personnes faisant l’objet de la présomption de revenus issus de trafics illicites a été développé. Les intéressés pourront établir cette preuve par tout moyen. Ils pourront ainsi présenter des éléments justifiant qu’ils n’avaient pas la libre disposition des biens en cause, qu’ils ont déclaré les revenus ayant servi à acquérir ces biens, ou qu’ils les ont acquis à crédit.
En troisième lieu , la mise en œuvre de la présomption de revenus créée par le présent article a été expressément subordonnée au visa d’un agent supérieur de l’administration fiscale. Il a été disposé de même en ce qui concerne l’application de la procédure de flagrance fiscale attachée à ce dispositif.
A suivre : Fiscalité des activités illicites ou quand les présomptions simplifient le travail administratif (Partie II)