Dans cette nouvelle décision le juge de l'impôt annule des redressements fiscaux de près de 300K€ pour un vice de procédure simple mais déterminant : l'absence de signature sur l'avis de réception d'une demande d'éclaircissements adressée au contribuable.
Pour mémoire, l'article L. 16 du LPF permet à l'administration fiscale de demander au contribuable des éclaircissements et des justifications concernant sa situation fiscale, notamment au sujet de ses revenus, de ses charges ou de ses avoirs. L'article L. 16 A précise que ces demandes doivent fixer au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois, et qu'en cas de réponse insuffisante, l'administration doit adresser une mise en demeure au contribuable, lui accordant un nouveau délai de trente jours pour compléter sa réponse.
En cas d'absence de réponse à ces demandes, l'article L. 69 du LPF autorise l'administration à recourir à la procédure de taxation d'office. Cette procédure, plus défavorable au contribuable, inverse la charge de la preuve en lui imposant de démontrer le caractère excessif de l'imposition établie.
Le contentieux fiscal est par ailleurs encadré par des règles de recevabilité, notamment l'article R. 199-1 du LPF qui impose un délai de recours de deux mois à compter de la notification de la décision de l'administration sur la réclamation préalable.
Rappel des faits :
M. B A et son épouse ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle (ESFP) portant sur les revenus qu'ils ont perçus au cours des années 2017, 2018 et 2019. À l'issue de cette procédure, l'administration fiscale a procédé à des redressements et a mis à leur charge des cotisations supplémentaires d'IR et de prélèvements sociaux, pour un montant total (droits et pénalités), de 96 532 € au titre de 2017, 94 677 € au titre de 2018 et 162 409 € au titre de 2019.
M. A a contesté ces impositions par une réclamation préalable, qui a été rejetée le 23 juillet 2022. Il a ensuite saisi le TA de Versailles par une requête enregistrée le 28 septembre 2022, demandant la décharge des impositions mises à sa charge et à celle de son épouse à hauteur de 96 532 € pour 2017, 95 127 € pour 2018 et 108 280 € pour 2019.
M. A soulève plusieurs moyens à l'appui de sa requête :
- Concernant la régularité de la procédure, il conteste avoir reçu une demande d'éclaircissements ou de justifications de la part de l'administration fiscale.
- Sur le fond, il invoque :
- Un cas de force majeure l'ayant empêché de produire certains documents ;
- L'absence d'acceptation de la taxation d'office ;
- L'inexactitude du décompte établi par l'administration, qui aurait qualifié de revenus toutes les sommes figurant sur ses comptes bancaires sans vérifier s'il s'agissait d'opérations au débit ou au crédit, sans s'assurer de l'absence de double compte, et sans vérifier que les revenus appartenaient bien à son foyer fiscal.
Le Tribunal vient de faire droit à la demande des époux A
Concernant la régularité de la procédure, le tribunal a examiné le moyen soulevé par M. A concernant l'absence de réception de la demande d'éclaircissements ou de justifications. Il a constaté que si l'administration produisait bien une lettre du 24 février 2021 envoyée à l'adresse du contribuable, l'avis de réception postal qui l'accompagne ne comportait pas de signature permettant d'établir que M. et Mme A ont effectivement reçu cette lettre à la date indiquée du 26 février 2021.
Le tribunal en déduit que l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle a régulièrement notifié la demande d'éclaircissements prévue à l'article L. 16 du LPF.
Cette irrégularité étant de nature à entacher l'ensemble de la procédure d'imposition, le tribunal a prononcé la décharge des impôts auxquelles M. A et son épouse ont été assujettis au titre des années 2017 à 2019, dans la limite des sommes demandées par le requérant.
TL;DR
L'administration fiscale doit être en mesure de prouver, par une signature sur l'avis de réception, que le contribuable a effectivement reçu la demande d'éclaircissements ou de justifications prévue à l'article L. 16 du LPF.
D'où l'intérêt de vérifier systématiquement les conditions dans lesquelles les demandes d'éclaircissements ou de justifications ont été notifiées à leurs clients, car une irrégularité à ce stade peut entraîner la décharge totale des impositions, sans même qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens de fond.