Accueil > Outils fiscaux > Contrôle et contentieux > Communication des renseignements obtenus de tiers : les limites de l'obligation de l'administration fiscale en matière de documents accessibles au contribuable
Contrôle et contentieux

Communication des renseignements obtenus de tiers : les limites de l'obligation de l'administration fiscale en matière de documents accessibles au contribuable

Nouvelle décision qui illustre l'application de l'exception à l'obligation de communication : même si l'administration n'a pas prouvé avoir satisfait à sa mission de communication, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du LPF est écarté car les documents étaient directement et effectivement accessibles au contribuable.

 

L'article L. 76 B du LPF impose à l'administration d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers utilisés pour fonder les impositions. Cette information doit être suffisamment précise pour permettre au contribuable de demander la communication des documents correspondants avant la mise en recouvrement.

 

Cette obligation vise à permettre au contribuable de prendre connaissance de la teneur et de l’origine de ces éléments, afin de pouvoir utilement en discuter la portée.

 

Le non-respect par l'administration de cette garantie constitue une erreur substantielle. Il entache la procédure d'irrégularité, et entraîne la décharge des impositions fondées sur l'utilisation de ces renseignements et documents.

 

Cette obligation de communication connaît toutefois une limite : l'administration n'est pas tenue de communiquer les documents qui, à la date de la demande, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration elle-même. La charge de la preuve est double : il appartient à l'administration de prouver qu'elle a satisfait à son obligation de communication, mais si elle invoque l'accessibilité directe des documents, il incombe au contribuable d'établir qu'il ne pouvait effectivement y avoir accès.

 

Rappel des faits :

M. B et Mme D ont cédé, par acte sous seing privé du 21 avril 2015, l'ensemble des participations détenues par M. B dans la société civile CHL Invest, au prix de 3 948 685,19 €. À la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a estimé que les contribuables avaient minoré le montant de la plus-value de cession déclarée au titre de l'année 2015 et qu'ils avaient indûment opté pour le prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu concernant leurs activités professionnelles exercées à titre individuel.

L'administration a notifié ces rectifications par une proposition en date du 27 février 2017. Les observations des contribuables n'ayant pas conduit à une modification de la position de l'administration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2017, pour un montant total de 961 230 € en droits et pénalités.

 

Après rejet de leur réclamation, les contribuables ont saisi le tribunal administratif de Lille, qui a rejeté leur demande par jugement du 28 mars 2024.

 

Ils ont fait appel devant la CAA de Douai.

 

M. B et Mme D soutiennent principalement que l'administration n'avait pas satisfait à son obligation de communication des documents obtenus de tiers, en violation de l'article L. 76 B du LPF. Ils contestent avoir reçu les documents demandés par leur conseil dans un courrier du 19 avril 2017, et estiment que cette irrégularité substantielle les ont privés d'une garantie justifiant la décharge des impositions. 

 

La Cour vient de rejeter la demande 

 

  • Concernant la régularité de la procédure d'imposition au regard de l'obligation de communication des documents obtenus de tiers, la Cour constate  que l'administration n'a pas rapporté la preuve de la communication effective des documents demandés.

En effet, les courriers et courriels invoqués par l'administration n'étaient pas accompagnés d'une preuve de leur réception par les destinataires.

  • Toutefois, la Cour écarte le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du LPF, en relevant que les documents en cause étaient directement et effectivement accessibles aux contribuables dans les mêmes conditions qu'à l'administration.

La Cour relève en effet, qu'il s'agissait principalement d'actes auxquels M. B était lui-même partie (contrats de cession, d'apport, actes de donation) et de procès-verbaux de réunions tenues en sa présence, voire sous sa présidence. En sa qualité de gérant de société et de porteur de parts, M. B n'établit pas, ni même n'allègue sérieusement, qu'il ne pouvait avoir accès à ces documents dans les mêmes conditions que l'administration.

 

 

TL;DR

Communication fiscale : les limites de l'article L. 76 B du LPF

  • Dans cette décision, la CAA de Douai écarte le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de communication des documents obtenus de tiers (Art. L. 76 B du LPF), malgré l'absence de preuve de transmission par l'administration.
  • La Cour considère que cette obligation ne s'applique pas lorsque les documents sont "directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration" - en l'espèce, des actes auxquels le contribuable était lui-même partie (contrats, donations) et des procès-verbaux de réunions tenues en sa présence ou sous sa présidence en tant que gérant.

Le contribuable n'ayant pas établi qu'il ne pouvait y avoir accès, l'exception à l'obligation de communication s'applique, rendant inopérant le vice de procédure invoqué.

 

 

Publié le jeudi 27 mars 2025 par La rédaction

4 min de lecture

Avancement de lecture

0%

Partages :