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Marché de l'art

Le marché de l’art est-il prêt à rebondir après un premier trimestre en sourdine ?

Le début d’année a manqué de souffle : de grandes adjudications quasi-inexistantes, des chefs-d’œuvre peinant à arriver sur le marché et les résultats globaux érodés. Mais le mois de mai, porté par les prestigieuses ventes new-yorkaises, pourrait bien raviver les ardeurs d’un marché en attente de renouveau.

 

Après un premier trimestre à la peine, le marché de l’art semble retenir son souffle. Les chiffres sont clairs : le volume de ventes fléchit pour la première fois depuis la crise du Covid-19, et les résultats globaux affichent une baisse comparable aux débuts d’année les plus timides de la dernière décennie. La mécanique des enchères, fragilisée par un manque de lots emblématiques et une prudence généralisée, peine à retrouver son rythme.

Mais alors que s’ouvrent les grandes ventes de prestige de mai, une nouvelle dynamique pourrait s’amorcer. Ce mois stratégique, traditionnellement l’un des plus actifs du calendrier, parviendra-t-il à remettre le marché en mouvement ? Tour d’horizon des chiffres, signaux et attentes.

 

L’essoufflement du premier trimestre ramène le marché 15 ans en arrière

Le marché de l’art fonctionne par cycles, et l’élan amorcé en 2021 après la parenthèse Covid semble désormais loin derrière nous. Porté par un effet de rattrapage, le rebond post-pandémie avait propulsé les ventes à des sommets inédits en 2022 et 2023. Mais la mécanique s’essouffle, freinée par les incertitudes géopolitiques et économiques qui ont pesé depuis sur l’ensemble des marchés.

 

Dans la continuité du ralentissement amorcé l’an passé, le premier trimestre 2025 confirme la tendance : le chiffre d’affaires plafonne à 1,24 milliard de dollars, soit un repli de -5,5 % sur un an. Surtout, ce niveau accuse une chute de près d’un quart par rapport à celui enregistré en 2016, avant la pandémie. Hors année Covid, c’est tout simplement le plus faible premier trimestre que le marché ait connu depuis 15 ans.

 

Transactions : une baisse à relativiser à l’aune du record de l’an dernier

Avec 170 600 œuvres adjugées, le marché du Fine Art enregistre une légère baisse de -2,5 % au premier trimestre 2025. Ce recul – qui correspond à environ 5 000 œuvres vendues en moins – traduit un léger essoufflement, après quatre années d’accélération soutenue des transactions. Il faut aussi rappeler que la comparaison se fait avec un record absolu : le premier trimestre 2024 avait marqué un sommet historique avec 175 033 lots vendus, un niveau jamais atteint auparavant.

 

Dans le détail, ce ralentissement reflète une accalmie générale. Rien d’inquiétant : ce mouvement ne remet pas en cause la dynamique de fond. Avec près de 170 600 œuvres vendues en trois mois, le marché signe encore son deuxième meilleur premier trimestre jamais enregistré, confirmant la solidité et la profondeur de la demande mondiale.

 

Evolution-T1-FR

 

Enchère maximale à 14 m$ : un sommet bien plus bas que l’an dernier

Le Top 10 des meilleures adjudications du premier trimestre 2025 confirme le repli du marché haut de gamme, comme l’ont révélé les derniers chiffres d’Artprice. Ce palmarès trimestriel accuse une baisse de -42% par rapport à l’an dernier, et s’effondre de près de -85% par rapport à 2020.

Le ticket d’entrée a dégringolé, et aucun lot n’atteint les 15 millions de dollars, bien loin des sommets d’antan. À la première place : Sabado por la Noche (Saturday Night) (1984) de Jean-Michel BASQUIAT (1960-1988), vendu 14,47 m$ chez Christie’s Hong Kong. Un joli coup de projecteur sur la toile, qui avait changé de mains pour 10,63 m$ chez Christie’s Londres en 2019, soit une revalorisation de +36% en cinq ans.

De quoi prouver que les grands acheteurs répondent toujours présents face aux chefs-d’œuvre. Mais ce palmarès dévoile surtout une pénurie criante : entre 2021 et 2024, les plus belles pièces grimpaient entre 43 et 92 millions de dollars, bien loin devant la tableau de Basquiat.

La raréfaction des œuvres ultra-premium nous fait même remonter vingt ans en arrière. Il faut revenir à 2005 pour retrouver une enchère maximale aussi “modeste” sur un T1, avec le Pâtissier de Cagnes de Chaïm Soutine, vendu 9,4 m$ à Londres.

 

CHaim Soutine

Chaïm SOUTINE (1894-1943)

Le Pâtissier de Cagnes (c.1922-1923). Huile/toile, 65 x 50 cm

Christie’s Londres, 07/02/2005. Prix : 9,46 m$

Regain de dynamisme sur les lots millionnaires

Le très haut de gamme tourne au ralenti : au premier trimestre 2025, seulement quatre œuvres dépassent la barre des 10 millions de dollars. Un contraste frappant avec les années fastes, où une vingtaine d’œuvres franchissaient régulièrement ce seuil en l’espace de trois mois, portées par une offre riche en chefs-d’œuvre.

Pourtant, certains signaux confirment que le marché ne baisse pas les bras. Le nombre d’adjudications millionnaires repart nettement à la hausse : 170 lots millionnaires sont enregistrés sur le trimestre, contre 144 l’an dernier à la même période. Une progression de +18%, qui témoigne d’un réel appétit de la part des collectionneurs.

Bien que les œuvres à plus de 10 millions ait manqué à l’appel, le retour à la croissance pourrait passer par les gammes de prix comprises entre 1 et 10 millions $.
Œuvres millionnaires aux enchères — T1 2020-2025

  • T1 2020 : 126 œuvres millionnaires — marché ralenti par le COVID-19
  • T1 2021 : 167 œuvres — reprise confirmée
  • T1 2022 : 224 œuvres — montée en puissance
  • T1 2023 : 260 œuvres — record historique
  • T1 2024 : 144 œuvres — repli brutal
  • T1 2025 : 170 œuvres — regain de dynamisme

 

Retour des chefs-d’œuvre : mai rallume les projecteurs du marché de prestige

Après un premier trimestre placé sous le signe de la retenue, le marché de l’art retrouve un second souffle en ce mois de mai, période stratégique s’il en est. Comme chaque année, les grandes maisons de ventes dévoilent à New York leurs catalogues les plus prestigieux. Et cette saison, les chefs-d’œuvre sont bel et bien au rendez-vous.

Christie’s a ouvert le bal avec Peupliers au bord de l’Epte (image ci-après), une toile magistrale de Claude Monet, estimée jusqu’à 50 millions de dollars. L’œuvre fait partie d’une série d’exception, dont neuf exemplaires sont conservés dans les collections permanentes des plus grands musées du monde, de Paris à Tokyo. Avec une provenance irréprochable – Durand-Ruel l’ayant exposée puis conservée dans sa collection familiale jusqu’en 1955 – la toile a aussi voyagé de Boston à Paris, prêtée à des institutions de premier plan. Un tel pedigree laissait présager une vente à la hauteur du génie impressionniste : 42,96 millions de dollars, établissant ainsi un record pour la série des Peupliers.

Claude Monet

 

Chez Sotheby’s, un autre joyau attire l’attention : Grande tête mince (Grande tête de Diego), bronze monumental signé Alberto GIACOMETTI (1901-1966) en 1955 et estimé à plus de 70 millions de dollars. Considéré comme l’une des œuvres les plus puissantes de l’artiste, ce buste rare — l’un des six tirages connus — s’apprête à raviver la compétition au sommet du marché ce 13 mai. Deux versions avaient déjà fait sensation aux enchères : 53,3 m$ chez Christie’s en 2010, puis 50 m$ chez Sotheby’s en 2013.

 

Toujours chez Sotheby’s, Saint Georges. Couchant (Venise), chef-d’œuvre néo-impressionniste de Paul Signac, estimé entre 7 et 10 millions de dollars. Peinte en 1905, cette vue flamboyante de la basilique San Giorgio Maggiore témoigne de la fascination de l’artiste pour Venise et de sa virtuosité à capter la lumière en touches éclatantes. Conservée dans une même collection privée française depuis 70 ans, l’œuvre n’a jamais quitté l’Hexagone – jusqu’à aujourd’hui.

 

Dans quelques jours, c’est l’univers pop de Roy LICHTENSTEIN (1923-1997) qui promet d’attirer foule de collectionneurs. Sotheby’s prépare une vente monographique exceptionnelle : quarante œuvres retraçant quarante ans de création, depuis ses débuts expressionnistes jusqu’aux fameuses toiles inspirées de la bande dessinée. Plusieurs pièces proviennent directement de la maison de l’artiste à Southampton, dont certaines réalisées dans son atelier personnel. Dessins, sculptures, peintures : la collection pourrait dépasser les 35 millions de dollars. « Ce groupe phénoménal offre un siège au premier rang face au génie de Lichtenstein », souligne David Galperin, responsable de l’art contemporain chez Sotheby’s New York.

 

Enfin, un événement sans précédent viendra clore le mois : la dispersion de la collection Jordan & Thomas A. Saunders, l’une des plus impressionnantes collections de maîtres anciens jamais réunies. Avec 56 œuvres signées Rubens, Frans Hals, Jan van Kessel ou encore Luis Meléndez, la vente du 21 mai s’annonce comme un tournant. Estimée entre 80 et 120 millions de dollars, elle pourrait bien battre tous les records dans cette catégorie.

 

En somme, après un début d’année mesuré mais déjà marqué par un frémissement sur les lots millionnaires, le mois de mai insuffle une nouvelle énergie au marché de l’art. L’envie de collectionner, de vendre, de faire vibrer les enchères serait-elle enfin de retour?

Publié le lundi 19 mai 2025 par La rédaction

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