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Plus-values immobilières

Plus-value et construction occasionnelle : le juge exige un lien entre les factures d'achat de matériaux et la construction de l'immeuble cédé

Le juge de l'impôt vient de rendre une décision en matière de plus-value immobilière d'une construction occasionnelle, dont la sévérité nous interpelle, en ce sens que pour la détermination du prix d'acquisition, il subordonne la prise en compte des  factures d'achat de matériaux à une preuve rigoureuse du lien desdites factures avec l'immeuble cédé

 

Pour mémoire, postérieurement à l’achèvement de l’immeuble, l’article 150 VB-II-4° du CGI prévoit que les dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement, de rénovation ou d’amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise, viennent en majoration du prix d’acquisition lorsqu’elles n’ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu et qu’elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives.

 

En revanche, en cas de construction réalisée par le cédant sur un terrain dont il était antérieurement propriétaire (ce que l’on appelle communément une construction occasionnelle), il n’ y a pas «stricto sensu» de majoration du prix d’acquisition.

 

Dans ce cas, le prix d’acquisition c'est, outre le coût d'acquisition du terrain, le prix de la construction.

 

Le Bofip précise :

En cas de construction par le cédant sur un terrain dont il était antérieurement propriétaire, le prix d'acquisition à retenir est constitué par :

- le coût des travaux de construction, d'une part. Ces travaux s'entendent notamment des frais d'architecte, des taxes et participations liées à la construction, et des factures et mémoires des entrepreneurs de tous les corps d'état. Il est précisé que si les travaux ne sont pas réalisés par une entreprise, ils s'entendent du prix d'achat des matériaux pour la construction, et le cas échéant, du coût de la main d'œuvre employée (salaires versés aux ouvriers et charges sociales y afférentes). En revanche, le travail personnellement effectué par le contribuable n'est pas pris en compte. La circonstance que ces dépenses aient été incluses dans la base d'une réduction d'impôt sur le revenu est sans incidence ;

- le prix d'acquisition du terrain, d'autre part.

Il est rappelé que la fraction de la plus-value afférente au terrain est déterminée en tenant compte de la date d'acquisition du terrain indépendamment de la date du début d'exécution des travaux de construction.

BOI-RFPI-PVI-20-10-20-10, n°110

 

Rappel des faits :

M. et Mme A ont cédé le 8 septembre 2017 un bien immobilier à Roquebrune-sur-Argens, comprenant un terrain à bâtir et une maison, en précisant que la cession portait sur leur résidence principale. Cependant, lors d'une procédure contradictoire, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération de la plus-value au motif que le bien ne constituait pas leur résidence principale. Suite à cette procédure, l'administration a recalculé la plus-value en majorant le prix d'acquisition pour inclure certaines dépenses liées à la construction (taxe d'aménagement, redevances, etc.), mais n'a pas pris en compte d'autres frais invoqués par les époux A.

Ces derniers ont déposé une requête auprès du Tribunal administratif de Toulon, demandant la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de taxe sur les plus-values qu'ils avaient acquittée, en raison de l'imposition de la plus-value réalisée lors de la cession de leur bien en 2017. Ils soutiennent notamment :

  • Que le prix de cession devait être diminué des frais de métrage et diagnostics (loi Carrez, termites, performance énergétique, risques naturels, etc.).
  • Que le prix d'acquisition devait être majoré des dépenses liées à l'achat de matériaux pour la construction.

Le DDFiP du Var a conclu au rejet de leur requête, arguant que les demandes supplémentaires n'étaient pas fondées faute de justificatifs probants.

 

Le contentieux porte essentiellement sur la détermination de la plus-value imposable. Si l'administration a accepté, dans le cadre de la procédure, de majorer le prix d'acquisition de certaines dépenses de construction (notamment les travaux réalisés par des entreprises pour 79 450 €) et de diverses taxes (taxe d'aménagement, redevance d'archéologie préventive, etc.), les contribuables contestent encore le refus de prise en compte des frais de métrage et diagnostics dans le prix de cession, ainsi que celui des factures d'achat de matériaux dans le prix d'acquisition.

 

Le Tribunal vient de rejeter la requête des époux A.

  • S'agissant de la réduction du prix de cession :
    • Sur les frais de métrage et diagnostics, le tribunal rejette leur déduction faute de justificatifs probants, un simple devis non signé et non accompagné d'une preuve de paiement étant insuffisant...rejet tout a fait justifié, il n'y a pas de débat
  • Sur la majoration du prix d'acquisition :

Concernant les factures d'achat de matériaux, le tribunal adopte une position rigoureuse sur deux points.

  • D'une part, il rejette leur prise en compte en l'absence de production des factures et de précision sur leur montant ;
  • D'autre part, et c'est là l'apport principal (et contestable) de la décision, il considère que même si ces factures avaient été produites, elles ne pourraient être admises dès lors qu'elles ont été établies au nom du contribuable et non des entreprises intervenues sur le chantier, sans démonstration d'un lien avec les opérations de construction de l'immeuble cédé.

Le tribunal écarte également l'argument tiré de la doctrine administrative, citée ci-avant (BOI-RFPI-PVI-20-10-20-10) qui prévoit la prise en compte du prix d'achat des matériaux lorsque les travaux ne sont pas réalisés par une entreprise. Il juge que les conditions d'application de cette doctrine ne sont pas remplies, faute de démonstration du lien entre les factures et les travaux de construction.

 

D'une part, les requérants ne produisent pas lesdites factures ni même ne précisent leur montant indépendamment des dépenses de construction déjà admises par l'administration préalablement à la saisine du tribunal. De plus, l'administration fait valoir sans être contredite que les factures d'achats de matériaux produites au cours de la procédure de rectification contradictoire ont été éditées au nom de Mme A elle-même et non des entreprises intervenues sur le chantier, sans indiquer aucun lien avec les opérations de construction effectuées sur le bien cédé. Par suite, à défaut de justificatif probant, de telles dépenses ne sauraient être admises en majoration du prix d'acquisition, en application des dispositions précitées du 4° du II de l'article 150 VB du code général des impôts.

D'autre part, les requérants invoquent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 110 de l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-20-10-20-10 publiée le 12 septembre 2012, selon lequel : " En cas de construction par le cédant sur un terrain dont il était antérieurement propriétaire, le prix d'acquisition à retenir est constitué par : / - le coût des travaux de construction, d'une part. Ces travaux s'entendent notamment () des factures et mémoires des entrepreneurs de tous les corps d'état. Il est précisé que si les travaux ne sont pas réalisés par une entreprise, ils s'entendent du prix d'achat des matériaux pour la construction, et le cas échéant, du coût de la main d'œuvre employée (salaires versés aux ouvriers et charges sociales y afférentes). En revanche, le travail personnellement effectué par le contribuable n'est pas pris en compte () ". Toutefois, ainsi qu'il a été dit, les factures d'achats de matériaux en cause ne sont pas produites. En tout état de cause, il n'est pas démontré de lien entre de telles factures et les travaux de construction du bien cédé. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de cette instruction administrative dont les conditions d'application ne sont pas remplies. Il s'ensuit que les prétendues factures d'achats de matériaux ne peuvent pas venir majorer le prix d'acquisition et réduire le montant de la plus-value imposable. 

 

Si le rejet par le tribunal des factures d'achat de matériaux en l'absence de production des factures et de précision sur leur montant nous semble logique, la nécessité de pouvoir établir le lien entre les factures d'achat de matériaux et la construction de l'immeuble cédé, même lorsque les travaux sont réalisés sans entreprise rajoute à la loi. .

Publié le vendredi 10 janvier 2025 par La rédaction

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