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Plus-values immobilières : l'exonération résidence principale ne résiste pas aux domiciliations de complaisance

Décision qui nous rappelle, en matière de plus-value immobilière, l'approche rigoureuse des juges quant à la démonstration de la résidence principale, et qui souligne la nécessité pour le contribuable d'apporter des preuves objectives et concordantes de l'occupation effective et habituelle du bien vendu.

 

Pour mémoire, l'article 150 U-II-1° du CGI dispose que l'exonération de plus-value immobilière s'applique aux immeubles ou parties d'immeubles qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession.

 

La notion de résidence principale n'est pas définie directement par le texte fiscal, mais a été largement précisée par la doctrine administrative et la jurisprudence. Elle s'entend du lieu où le contribuable réside habituellement et effectivement, et où se situe le centre de ses intérêts familiaux et professionnels. La preuve de cette occupation effective et habituelle incombe au contribuable.

 

En matière de contentieux fiscal, il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu de l'abstention éventuelle d'une partie à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter, si le contribuable remplit les conditions légales d'une exonération. Cette répartition de la charge probatoire impose au contribuable de fournir les éléments objectifs permettant d'établir la réalité de sa résidence principale.

 

Rappel des faits :

L'affaire concerne M.B, qui a vendu un studio situé 41 rue des Gâtines, dans le 20ème arrondissement de Paris, le 10 novembre 2016. Ayant considéré que ce logement constituait sa résidence principale, il a refusé de déposer une déclaration de la plus-value correspondante, et ce, malgré une mise en demeure de l'administration fiscale. En conséquence, l'administration a mis en œuvre une procédure de taxation d'office et l'a assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2016.

M. B... a contesté ces impositions devant le TA de Paris, qui a rejeté sa demande par un jugement du 7 décembre 2023. Le contribuable a alors fait appel de ce jugement devant la CAA de Paris.

 

L'instruction a révélé cependant un schéma plus complexe de domiciliations multiples et changeantes.

  • M.B a vécu à partir de 2004 dans un appartement rue Lisfranc avec sa compagne, où il résidait notamment de 2009 à 2010 et de 2017 à 2020.
  • Entre 2012 et 2014, il a déclaré comme résidence principale un appartement rue Nationale où vivait sa mère jusqu'à son décès, avouant même avoir créé "une apparence de domiciliation" pour bénéficier du caractère avantageux d'un bail social.

Cette multiplicité d'adresses déclarées comme résidences principales pour trois studios vendus successivement en 2008, 2011 et 2016 révèle une stratégie récurrente d'optimisation fiscale. 

 

M. B se prévaut pour autant de l'exonération résidence principale et pour étayer sa position, produit divers documents :

  • une déclaration de revenus mentionnant cette adresse en 2015,
  • des avis et courriers de la DGFiP et d'autres administrations adressés à cette adresse en 2015 et 2016,
  • des relevés bancaires (crédit renouvelable, compte inactif, livret d'épargne non mouvementé),
  • des avis d'appel de charges pour le studio, ainsi que des factures EDF.
  • Il a également fait état d'un procès-verbal d'huissier confirmant l'adresse par le voisinage et d'un tableau récapitulatif établi par ses soins.

 

La Cour vient de rejeter la requête de M.B 

 

Elle a examiné les éléments de preuve produits par M. B pour justifier l'exonération revendiquée.

 

Outre le contexte de "domiciliations multiples et changeantes" évoqué ci-avant (qui ne plaide pas en sa faveur) concernant les preuves spécifiques au studio du 41 rue des Gâtines, la Cour a jugé qu'elles étaient insuffisantes pour établir une occupation effective et habituelle :

  • Les déclarations d'adresse (déclaration de revenus 2014, courriers administratifs) ne suffisent pas à prouver une habitation réelle et continue.

  • Les relevés bancaires produits ne permettaient pas de déterminer sa résidence en 2015 et 2016, compte tenu de leur nature (crédit, comptes inactifs ou non mouvementés).

  • Les avis d'appel de charges ne renseignent pas sur l'occupation du logement.

  • Surtout, les factures EDF n'attestaient que d'une très faible consommation d'électricité (363 kWh sur une année pour les périodes relevées), suggérant une occupation occasionnelle plutôt qu'une résidence principale. La plupart de ces factures étaient d'ailleurs basées sur une consommation estimée (Seules deux factures mentionnant des relevés réels). 

  • Le procès-verbal d'huissier et les déclarations du voisinage manquaient de précision pour être déterminants.

  • Le tableau récapitulatif établi par le contribuable lui-même, outre des contradictions avec d'autres pièces, ne pouvait être considéré comme un élément objectif de preuve.

  • Enfin, la Cour a relevé que le studio de 13 m² avait également abrité le siège de l'activité professionnelle de M. B... jusqu'à fin 2015, ce qui était de nature à interroger sur son usage principal.

 

En l'absence d'éléments objectifs et probants, la Cour a logiquement conclu que M. B n'avait pas prouvé qu'il habitait habituellement et effectivement le studio du 41 rue des Gâtines avant sa cession en novembre 2016. L'administration était donc fondée à remettre en cause l'exonération.

 

 

TL;DR

 

Les indices utiles

  • La simple déclaration d'adresse n'est pas suffisante : Le fait de mentionner une adresse sur des documents administratifs ou bancaires ne constitue pas une preuve irréfutable de l'occupation effective et habituelle du logement.

  • La consommation d'énergie est un indicateur clé : Des relevés de consommation d'eau, de gaz ou d'électricité faibles sont souvent interprétés comme le signe d'une occupation occasionnelle ou très limitée, remettant en cause la qualité de résidence principale.

  • Des preuves objectives et concordantes sont exigées : Le contribuable doit produire un faisceau d'indices tangibles (factures de consommation significatives, relevés de courrier, attestations de voisinage détaillées, domiciliation des enfants à l'école, centre des intérêts professionnels et personnels) pour étayer sa position. Les tableaux récapitulatifs établis par le contribuable lui-même sont souvent considérés avec prudence.

  • Les antécédents sont pris en compte : Le fait que le contribuable ait par le passé déclaré plusieurs résidences principales successives, ou ait admis une domiciliation de complaisance, peut fragiliser sa crédibilité et renforcer la position de l'administration.

  • L'affectation professionnelle du bien est un facteur défavorable : Si le bien a également servi de siège social ou de lieu d'exercice d'une activité professionnelle, cela peut compromettre son statut de résidence principale exclusive.

Publié le vendredi 11 juillet 2025 par La rédaction

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