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Contrôle et contentieux

Avance de trésorerie et acte anormal de gestion : de la difficile justification d’un intérêt commercial propre

La juridiction administrative vient de rappeler la difficulté pour une société filiale qui a fait des avances de trésorerie à sa mère de prouver qu’elle a agi dans son intérêt propre  pour justifier d’une provision pour créance douteuse.

 

En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du CGI, le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Une provision ne peut dès lors être constituée en application du 5° du 1 de l’article 39 du même code qu’en vue de faire face à des pertes ou à des charges encourues dans le cadre d’une gestion commerciale normale.

 

Pour mémoire, l’entreprise est en principe libre de sa gestion et les dépenses qu’elle engage pour son fonctionnement constituent normalement des charges déductibles pour la détermination du résultat fiscal dès lors qu’elles satisfont aux conditions générales de déduction prévues par les dispositions au 1 de l’article 39 du code général des impôts (CGI) et ne sont pas exclues par une disposition particulière.

 

Il faut notamment que ces dépenses soient exposées dans l’intérêt de l’exploitation ou dans le cadre d’une gestion normale de l’entreprise.

Bien que l’administration ne soit pas autorisée à s’immiscer dans la gestion des entreprises, elle peut cependant conformément à une jurisprudence constante du Conseil d’État, remettre en cause les dépenses qui ne se rattacheraient pas à une gestion normale ou n’auraient pas été exposées dans l’intérêt direct de l’entreprise.

Rappel des faits

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Dans le cadre d’une convention de trésorerie, la société C détenue à 100% par la société OXF, a consenti en 2006 une avance de trésorerie de 417 153 € à la société OXF.

A la clôture de l’exercice 2008, la créance de la société CEFIM sur la société mère s’élevait à 326 363 €, correspondant au capital non remboursé ainsi qu’aux intérêts dûs.

La société C, estimant qu’il était probable que la société mère ne pût pas rembourser cette créance, a alors constitué une provision pour créance douteuse à hauteur de ce montant de 326 363 €.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, le service a remis en cause cette provision pour créance douteuse et l’a réintégrée dans le résultat de l’exercice clos en 2011, premier exercice vérifié.

Après mise en recouvrement de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés découlant de ce contrôle, la société a formé une réclamation préalable qui a été rejetée le 18 avril 2017.

Elle a alors demandé au TA d’Orléans de prononcer la décharge des droits auxquels elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2011.

Par un jugement du 24 mai 2018, le TA d’Orléans a rejeté sa demande.

La société a relèvé appel de ce jugement.

La Cour souligne qu’il appartenait à la société C, compte tenu du montant important de cette avance et de l’absence de garanties en cas de défaut de paiement, de justifier du fait qu’en consentant cette avance, elle a agi dans son intérêt propre.

Pour justifier de la constitution de cette provision, la société C fait valoir :

  • que l’avance de trésorerie accordé à la société mère lui a permis de bénéficier de commandes importantes de la part des autres filiales du groupe et de leur appui pour obtenir des marchés publics importants. La société en déduit qu’en accordant cette avance de trésorerie, elle a agi dans son propre intérêt.

  • qu’elle a agi afin de venir en aide à la société mère qui était alors en difficulté.

Toutefois, pour la Cour :

  • il est constant que la société CEFIM n’entretenait aucune relation commerciale avec la société mère.

« La circonstance que cette avance a bénéficié indirectement aux autres filiales du groupe avec lesquelles elle entretenait des relations commerciales ne saurait être valablement prise en compte pour justifier d’un intérêt commercial propre, l’avance en cause n’ayant pas été consentie au bénéfice de ces filiales. »

  • les difficultés financières de la société mère ne sont apparues qu’en 2007 et 2008.

« La société mère ne se trouvant pas dans une situation financière délicate à la date à laquelle l’avance a été accordée, cet argument ne peut ainsi être valablement retenu. »

« Au demeurant, le seul fait que la société mère était alors propriétaire de la marque C ne suffit pas à justifier du fait que la société C aurait eu un intérêt propre à éviter la liquidation de la société mère. »

Dans ces conditions, la société C ne justifiant pas d’un intérêt propre pour consentir cette avance, la Cour a estimé que c’était à bon droit que l’administration fiscale avait estimé que cette opération était étrangère à une gestion commerciale normale.

 

Publié le mardi 16 juin 2020 par La rédaction

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