Le Conseil Constitutionnel vient de conclure à la conformité partielle de la Loi de Finances pour 2019 par une décision en date du 28 décembre 2018 .
Cette décision entérine définitivement les dispositions de l’article 48 bis du PLF 2019 devenu article 109 de la loi .
Pour mémoire , cet article issu d’un amendement de Mme Bénédicte Peyrol adopté lors de l’examen de l’article 48 du projet (devenu article 108 de la loi) prévoit un assouplissement de l’abus de droit , dans la branche de fraude à la loi, pour l’appliquer aux opérations à motivation fiscale principale et non plus exclusive.
En pratique après l’article L. 64, il serait inséré un article L. 64 A ainsi rédigé :
« Art. L. 64 A. – Afin d’en restituer le véritable caractère et sous réserve de l’application de l’article 205 A du code général des impôts, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.
« En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige peut être soumis, à la demande du contribuable ou de l’administration, à l’avis du comité mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 64 du présent code. »_
L’idée est en réalité, d’aboutir à un abus de droit « à deux étages » :
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le premier étage serait un outil d’assiette, consistant à écarter des actes face à un montage dont l’objectif fiscal revêt un caractère « principal », sans pour autant appliquer automatiquement des majorations ;
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le second étage, en revanche, conserverait l’exclusivité fiscale et les majorations de 80 %, et donc sa nature répressive. Cette mesure est la traduction de la recommandation n° 6 du rapport d’information (N°1236) déposé par la Commission des Finances de l’AN le 12 septembre dernier et présentéde la députée LREM susvisée
« Recommandation n°6 : Assouplir l’abus de droit, dans la branche de fraude à la loi, pour l’appliquer aux opérations à motivation fiscale principale et non plus exclusive, tout en réservant les majorations prévues aux motifs exclusivement fiscaux, et mettre en place une procédure de rescrit sur la nature principale du motif fiscal d’une opération.»
L’initiative n’est pas nouvelle : l’article 100 du PLF2014 mettant en application les préconisations du rapport MUET-WOERTH prévoyait, au premier alinéa de l’article L. 64 du LPF, de remplacer les mots : « n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui » par les mots : « ont pour motif principal ».
En définitive cet article 100 avait subi la censure du Conseil constitutionnel (Décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013). En effet, compte tenu des conséquences fiscales (Amendes, pénalités, intérêts de retard) attachées à la procédure de l’abus de droit fiscal les sages avait déclaré l’article 100 contraire à la Constitution.
Toutefois à la différence de la tentative précédente la mesure adoptée prévoit que la majoration de 80 % prévue de l’article 1729-b du CGI ne s’appliquera qu’aux seuls abus de droit par fictivité et aux abus de droit à la motivation fiscale exclusive.
La mise en oeuvre de l’article L64 A nouveau conduira à une requalification du schéma (l’administration est en droit d’écarter) et non à l’application de pénalités de 80%.
Cet élargissement du champ d’application de l’abus de droit fiscal (Art. L. 64 A du LPF) s’appliquera aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021 portant sur des actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020.
Il est à craindre que, désormais, de nombreux schémas d’optimisation fiscale ne passent sous les fourches caudines de l’abus de droit fiscal.