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Contrôle et contentieux

Bases de données consultées par l'administration fiscale : l'exclusion du champ d'application de l'article L. 76 B du LPF

Nouvel éclairage sur l'interprétation de l'article L. 76 B du LPF, précisant notamment son champ d'application concernant les informations obtenues par l'administration fiscale via des bases de données. 

 

L'article L. 76 B du LPF impose à l'administration d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers utilisés pour fonder les impositions. Cette information doit être suffisamment précise pour permettre au contribuable de demander la communication des documents correspondants avant la mise en recouvrement.

 

Cette obligation vise à permettre au contribuable de prendre connaissance de la teneur et de l’origine de ces éléments, afin de pouvoir utilement en discuter la portée.

 

Le non-respect par l'administration de cette garantie constitue une erreur substantielle. Il entache la procédure d'irrégularité, et entraîne la décharge des impositions fondées sur l'utilisation de ces renseignements et documents.

 

Cette obligation de communication connaît toutefois une limite : l'administration n'est pas tenue de communiquer les documents qui, à la date de la demande, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration elle-même

 

Rappel des faits :

Dans cette affaire, M. et Mme A. ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle (ESFP) à l'issue duquel l'administration fiscale leur a notifié des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2017, assorties de la majoration prévue par l'article 1728-1-b du CGI.

Les contribuables ont contesté ces impositions devant le tribunal administratif de Melun, qui a rejeté leur demande par un jugement du 6 avril 2023.

Ils ont ensuite fait appel devant la Cour administrative d'appel de Paris.

 

La question de la résidence fiscale

Le litige portait principalement sur la détermination de la résidence fiscale des contribuables. L'administration fiscale considérait que M. et Mme A. avaient leur domicile fiscal en France au titre de l'année 2017, ce qui justifiait leur imposition en France sur l'ensemble de leurs revenus conformément à l'article 4 A du CGI

Si M. A. alléguait résider aux États-Unis et Mme A. en Espagne, la Cour constate que les époux n'apportent aucun élément probant à l'appui de leurs allégations, à l'exception de la simple mention d'une adresse pour M. A. et de documents évoquant un déménagement en Espagne pour Mme A., sans autres précisions.

Au contraire, l'administration s'est appuyée sur un acte de vente daté du 18 décembre 2018, montrant que la SCI Monakab, dont les époux A. étaient associés à parts égales, avait vendu un bien immobilier à Dagny (Seine-et-Marne) et que les requérants avaient bénéficié d'une exonération des plus-values immobilières au motif qu'il s'agissait de leur résidence principale. La Cour a donc estimé que c'est à bon droit que l'administration a considéré les contribuables comme ayant leur résidence fiscale en France en 2017, et ce même au regard des conventions fiscales franco-américaine du 31 août 1994 et franco-espagnole du 10 octobre 1995.

 

Le moyen tiré de la violation de l'article L. 76 B du LPF

Le moyen principal soulevé par les requérants concernait la violation alléguée de l'article L. 76 B du LPF.

 

Les époux A. soutenaient que l'administration s'était fondée sur des bases de données (DB, VD Orbis et opencorporates.com) pour établir leur résidence fiscale en France sans les avoir informés de la teneur et de l'origine de ces renseignements.

 

La Cour rappelle d'abord le cadre juridique applicable en précisant qu'il incombe à l'administration d'informer le contribuable, au plus tard avant la mise en recouvrement, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé d'y avoir accès. Elle précise également que l'administration est en principe tenue de communiquer au contribuable qui en fait la demande les renseignements et documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, sauf s'il s'agit de documents directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration.

 

Mais l'apport essentiel de cet arrêt réside dans la qualification que la Cour donne aux informations consultées sur les bases de données mentionnées :

  • Elle considère en effet que ces informations ne constituent pas des "documents obtenus des tiers" au sens de l'article L. 76 B du LPF. Par conséquent, l'administration n'était pas tenue de respecter les obligations d'information prévues par cet article concernant ces données.

La Cour ne précise pas expressément les raisons pour lesquelles elle considère que ces informations ne constituent pas des "documents obtenus des tiers", ce qui aurait été utile pour comprendre la portée exacte de sa décision.

M. et Mme A soutiennent que l'administration s'est fondée sur des bases de données DB, VD Orbis et opencorportes.com pour établir leur résidence fiscale en France.

Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les informations consultées sur ces bases de données sont au nombre des documents obtenus des tiers au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 76 B du LPF citées.

Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

 

Cette interprétation restreint le champ des garanties offertes au contribuable, alors même que les informations issues de ces bases peuvent jouer un rôle déterminant dans l'établissement de l'imposition. On peut s'interroger sur la compatibilité de cette position avec l'objectif de l'article L. 76 B qui est de permettre au contribuable de discuter de la teneur et de la portée des éléments utilisés contre lui.

Par ailleurs, cette décision pose la question de la définition même du "tiers" au sens de l'article L. 76 B du LPF. Les éditeurs ou propriétaires des bases de données ne devraient-ils pas être considérés comme des tiers par rapport à l'administration fiscale ?

Il sera intéressant de suivre l'évolution de cette jurisprudence, notamment pour voir si le Conseil d'État (en cas de pourvoi) confirmera cette interprétation restrictive ou s'il adoptera une position plus protectrice des droits des contribuables.

Publié le lundi 5 mai 2025 par La rédaction

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