Décision en matière de contrôle fiscal dans le cadre de la gestion informatisée des comptabilités des entreprises qui nous offre une nouvelle illustration des garanties procédurales auxquelles les contribuables sont en droit de s'attendre lors de vérifications fiscales inopinées.
L'article L47 du LPF dispose qu' :
En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil.
L'article L. 13 du LPF élargit le champ du contrôle aux systèmes informatisés, englobant l'ensemble des informations, données et traitements informatiques relatifs à la comptabilité et aux déclarations fiscales.
Enfin, l'article L. 47 A-3 du LPF détaille les procédures de copie et de sécurisation des données informatiques lors de tels contrôles, insistant sur l'intégrité des copies réalisées et la nécessité de signatures des parties sur les enveloppes contenant ces copies.
Il ressort de la Doctrine BOFIP :
Au cours de l’intervention inopinée informatique, les fichiers relatifs aux informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l’élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements visés à l’article L. 13 du LPF, peuvent être copiés, dans les conditions prévues par le III de l'article L. 47 A du LPF et l'article A. 47 A-3 du LPF.
Les fichiers sélectionnés sont ceux qui sont présents sur l’ordinateur du contribuable mais également ceux qui figurent sur tout autre support lisible sur cet ordinateur dès lors qu’ils entrent dans le champ défini par l’article L. 13 du LPF. Ainsi, par exemple, des sauvegardes de fichiers de caisse sur CD-Rom peuvent être copiées.
Les fichiers sélectionnés sont gravés sur deux supports externes (par exemple CD-Rom) fournis par l’administration, dont un est remis au contribuable et l’autre, conservé par l’administration.
Une empreinte numérique permet de garantir l’intégrité des copies.
[...]
Chacune des deux copies est mise dans une enveloppe sécurisée.
Le contribuable ou son représentant et le vérificateur apposent leur signature sur chacune des deux enveloppes.
Rappel des faits :
La SARL S, spécialisée dans le commerce de gros alimentaire, a fait l'objet d'un contrôle fiscal inopiné couvrant la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, étendu jusqu'au 30 novembre 2016 pour la TVA. Lors de ce contrôle, l'administration fiscale a procédé à la copie des fichiers informatisés de l'entreprise sur deux clés USB, placées dans des enveloppes scellées conformément aux prescriptions légales. Toutefois, lors d'une intervention ultérieure le 20 janvier 2017, ces enveloppes ont été ouvertes sans que la signature du contribuable n'y soit apposée, ce qui constitue une violation des procédures prévues par l'article L. 47 A-3 du LPF. De plus, la clé USB remise ultérieurement au vérificateur le 3 février 2017 présentait des anomalies, notamment une absence de signature et des restrictions d'accès, remettant en question l'intégrité des données examinées.
Suite à ces irrégularités, la SARL SNEHA a saisi le TA de Paris, demandant l'annulation des impositions et la décharge des pénalités et amendes imposées.
Le tribunal a rejeté la demande, conduisant la société à faire appel devant la CAA de Paris.
L'administration fiscale soutenait que cette irrégularité n'avait pas privé le contribuable d'une garantie substantielle pour trois raisons : l'absence de tentative d'ouverture des enveloppes constatée lors de leur ouverture, l'identité des empreintes numériques des deux clés USB, et le caractère inexploitable des fichiers qui étaient protégés par mot de passe.
La Cour vient de rejeter cette argumentation, en annulant la décision des juges du fond et en déchargeant la SARL S des rappels d'impôts
- Elle relève d'abord que le procès-verbal n'établit pas que les enveloppes ouvertes le 20 janvier étaient identiques à celles scellées le 13 janvier.
- Elle considère ensuite que l'identité des empreintes numériques prouve seulement l'absence de modification des fichiers, mais pas l'absence de consultation ou d'exportation.
- Enfin, elle note qu'aucun document ne permet de s'assurer que les fichiers de la clé USB du 13 janvier étaient identiques à ceux transmis le 3 février.
La Cour a ainsi jugé que l'absence de signature sur les enveloppes ouvertes le 20 janvier 2017 remettait en cause l'intégrité de la procédure de contrôle, compromettant ainsi la garantie procédurale offerte au contribuable. Elle a estimé que les tentatives de l'administration de justifier l'inexploitation des données par des moyens techniques tels que le mot de passe ou la complexité des intitulés des champs n'avaient pas suffi à pallier les irrégularités procédurales constatées.
Cette décision sert de rappel aux administrations fiscales sur l'importance du respect scrupuleux des procédures lors des contrôles inopinés, notamment en matière de gestion informatisée des données comptables.
Elle illustre également la protection offerte aux contribuables contre les impositions résultant de procédures entachées d'irrégularités, renforçant ainsi les garanties procédurales fondamentales au cœur de notre du droit fiscal.