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Contrôle et contentieux

Examen de comptabilité à distance et débat contradictoire : l'insuffisance de la simple information par mails

Le juge de l'impôt nous rappelle que la modernisation des procédures de contrôle ne peut se faire au détriment des garanties procédurales fondamentales, imposant à l'administration d'adapter ses méthodes pour préserver l'effectivité du débat contradictoire.

 

Pour mémoire l'article 14 de la LFR pour 2016 a institué une nouvelle procédure de contrôle fiscal des entreprises, « l'examen de comptabilité » pour moderniser les méthodes de contrôle.

 

Celle-ci est définie à l'article L. 13 G du LPF, qui dispose que :

"es agents de l'administration peuvent, lorsque des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables tiennent leur comptabilité au moyen de systèmes informatisés, examiner cette comptabilité sans se rendre sur place.

Cette disposition permet une dématérialisation des contrôles, particulièrement adaptée aux entreprises utilisant des systèmes comptables informatisés.

 

Le principe du débat oral et contradictoire constitue un pilier fondamental du droit fiscal français, garantissant au contribuable la possibilité de présenter ses observations et de débattre des constatations effectuées par l'administration. Ce principe trouve sa source dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, qui impose à l'administration de respecter un esprit de dialogue transparent, constructif et contradictoire.

 

Rappel des faits :

M. A, gérant de la SARL H exerce une activité de restauration rapide dans la Manche. Il détient 90% des parts du capital social, les 10% restants étant détenus par la SARL BEI, dont M. A est l'unique associé et gérant. 

La SARL H a opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes. Suite à un examen de comptabilité portant sur la période du 29 avril 2015 au 31 décembre 2015, l'administration fiscale a remis en cause l'imputation sur le revenu net global de M. A du déficit de 2015 dans la catégorie des BIC, considérant que ce déficit n'avait pas de caractère professionnel.

Cette contestation administrative s'appuie sur les dispositions de l'article 239 bis AB du CGI et du 1° du I de l'article 156-I-1° du même code, qui encadrent les conditions d'imputation des déficits professionnels. L'administration soupçonne vraisemblablement que l'activité de M. A ne présentait pas les caractères d'une activité professionnelle effective, justifiant ainsi la remise en cause de l'imputation déficitaire.

Par proposition de rectification du 16 octobre 2018, l'administration a notifié ses redressements à M. A..., conduisant à des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus. Après trois réclamations infructueuses, M. A... a saisi le tribunal administratif de Caen qui, par jugement du 31 mai 2024, lui a accordé la décharge intégrale des impositions litigieuses.

 

Le ministre a demandé à la cour d'annuler ce jugement.

 

Pour sa défense M.A s'est placé sous l'angle de la procédure et plus particulièrement sur l'insuffisance du débat oral et contradictoire :

  • Il fait valoir que malgré l'absence de déplacement sur place, l'administration devait lui offrir la possibilité d'un véritable débat sur les constatations effectuées et leurs conséquences sur son imposition personnelle.
  • Il souligne que les seuls courriels qui lui avaient été adressés personnellement se bornaient à l'informer des recherches et constatations effectuées par le service, sans l'inviter à engager un débat contradictoire. 

Pour défendre la régularité de son examen de comptabilité, l'administration souligne qu'une dizaine de courriels ont été échangés entre le service vérificateur et le cabinet comptable de la société, témoignant ainsi de l'existence d'un dialogue avec l'entreprise contrôlée. Elle met en avant le fait que l'avis d'examen de comptabilité préciseque l'examen se déroulerait dans le respect des principes d'impartialité, de neutralité et d'objectivité, dans un esprit de dialogue transparent, constructif et contradictoire (Référence à la charte des droits et obligations du contribuable vérifié).

 

La Cour vient de rejeter la requête de l'administration fiscale.

 

Elle a rappelé le principe en vertu duquel l'absence de déplacement du service de contrôle dans les locaux de l'entreprise ne doit pas avoir pour effet de priver le contribuable de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le service de contrôle. 

 

L'analyse factuelle menée par la cour révèle les insuffisances de la procédure suivie par l'administration. 

 

Ainsi, seuls deux courriels avaient été adressés directement à M. A : le premier, du 6 septembre 2018, l'informant de l'objet du contrôle, et le second, du 1er octobre 2018, l'informant des conclusions que le vérificateur estimait devoir tirer des constatations effectuées. La cour a souligné que ces courriels se bornaient à informer brièvement M. A sans l'inviter à engager un débat contradictoire.

 

La cour a également relevé l'absence totale de proposition d'entretien téléphonique ou d'entrevue dans les locaux de l'entreprise, qui auraient permis l'engagement d'un débat oral et contradictoire.

 

Cette situation révèle une carence procédurale de l'administration, qui n'a pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour respecter les droits du contribuable.

 

TL;DR

Pour les examens de comptabilité menés à distance. L'administration doit proposer au contribuable des modalités de dialogue adaptées, telles que des entretiens téléphoniques ou des entrevues, permettant un véritable débat sur les constatations effectuées et leurs conséquences fiscales.

La simple information du contribuable par courriels ne saurait suffire à satisfaire ces exigences.

 

Publié le vendredi 4 juillet 2025 par La rédaction

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