Il ressort de la jurisprudence du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation qu’ en présence de plusieurs opérations ou montages envisageables, une entreprise ou un particulier peut régulièrement choisir celle qui lui est, fiscalement, la plus avantageuse (CE 27 juin 1984 n° 35030, C.Cass, ch. com. du 10 décembre 1996 n° 2084).
En effet, rien n’interdit à un contribuable lorsqu’il a le choix entre deux solutions légales de retenir la moins onéreuse du point de vue fiscal, du moment que les actes juridiques expriment bien les rapports de droit et de fait entre les parties.
1. Donation-avant cession de titres
Le choix d’effectuer une donation avant cession de titres d’une société, plutôt que de céder ces derniers directement permet de gommer la plus-value de cession.
En effet, lors de la cession qui intervient généralement peu de temps après la donation, la plus-value est calculée d’après la valeur vénale des titres au moment de la donation.
En pratique, l’opération n’encourt aucune critique de la part de l’administration lorsque deux conditions sont vérifiées :
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la donation est préalable à la mutation à titre onéreux des titres, cette dernière ne devant pas être engagée lorsque la donation sera consentie,
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le prix de cession est appréhendé par le donataire, qui est alors le cédant.
Par principe, la donation doit être antérieure à la cession à titre onéreux du bien.
Si la vente était parfaite avant la donation, cette dernière ne porterait pas sur les titres sociaux mais sur la créance du prix de vente. L’impôt sur les plus-values serait donc exigible lors de la cession (antérieure à la donation) et par conséquent la purge de la plus-value liée à la donation ne pourrait s’opérer.
Il est donc primordial que techniquement la donation soit réalisée avant la cession.
Attention : de nouvelles "pratiques" se sont développées permettant d’atténuer le risque lié au non respect de la chronologie des opérations. (Rédaction astucieuse de clauses, qui peuvent différer le transfert de propriété au paiement complet du prix, prévoir une formation différée du contrat de vente ou faire échec à l’effet rétroactif des conditions suspensives) .
L’appréhension du prix de cession par le donataire L’opération envisagée ne pourra être contestée par l’administration que si cette dernière établit l’absence d’intention libérale lors de la donation.
Autrement dit, le dessaisissement du donateur doit être irrévocable afin que la donation ne soit pas entachée de fictivité. Les donateurs ne doivent, recevoir aucune contrepartie et surtout pas le prix de vente des parts. Ce prix ne doit pas être appréhendé directement ou indirectement par le donateur.
Le dessaisissement sur les droits donnés doit être totale et irrévocable.
Ainsi, l’acte de donation ne doit contenir aucune clause contraignant directement ou indirectement la donataire à céder les titres donnés. Par ailleurs, aucune convention ne doit contraindre le donataire à s’associer avec les donateurs pour l’utilisation des fonds provenant de la cession des titres.
En résumé si l’administration ne peut pas démontrer que les donateurs se sont réappropriés les gains de cession des titres précédemment donnés, la procédure de répression des abus de droits (Art L 64 du LPF) ne pourra être mise en œuvre.
Bien évidemment, le risque est plus important en présence de descendants mineurs. En effet, dans la mesure où ils n’agissent pas personnellement (ils sont représentés par leurs parents), une présomption d’appréhension du prix de vente des titres pèse sur eux.
2. Donation-avant cession d’immeubles
Si généralement les opérations de donation avant cession concernent des titres de société, elles peuvent également porter sur des immeubles.
Dans ce cas également, le dessaisissement du donateur doit être irrévocable afin que la donation ne soit pas entachée de fictivité. Le prix de vente ne doit pas pouvoir être appréhendé directement ou indirectement par le donateur.
Là encore, il appartient à l’administration qui invoque l’abus de droit d’en rapporter la preuve.
Ce qu’elle n’a pas fait, selon les juges du fonds dans une affaire où deux époux avaient fait donation à leurs quatre enfants d’un immeuble suivie de sa vente deux jours après et du remploi du prix de cession dans le capital d’une société civile immobilière constituée entre eux pour acquérir un nouvel immeuble (TA Orléans, 24 septembre 2002, n° 99-2109)
Au cas particulier, le tribunal administratif a jugé que l’administration n’établissait pas que les deux époux n’avaient, aucune intention libérale envers leurs enfants, mais uniquement le but exclusif d’éluder l’imposition de la plus-value immobilière à laquelle ils auraient dû être assujettis, et ce, alors même que :
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deux jours seulement séparaient l’acte de donation de l’acte de vente ;
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l’acte de donation ne comportait pas de clause d’interdiction d’aliéner ni de réserve d’usufruit ;- le prix de vente de l’immeuble était égal à l’évaluation mentionnée dans l’acte de donation.