La juridiction administrative nous rappelle que pour établir le manquement délibéré, l’administration doit apporter la preuve de l’intention de l’intéressé d’éluder l’impôt. Or, ni l’importance des sommes déduites à tort, ni le caractère insuffisant des justifications apportées par le contribuable ne suffisent, par elles-mêmes, à établir une telle intention.
Pour mémoire, les majorations sont applicables aux contribuables dont le caractère délibéré du manquement est établi par l’administration ou qui se sont rendus coupables de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du LPF ou de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat ou encore en cas d’application des dispositions de l’article 792 bis du CGI.
En application de l'article 1729 du CGI, le taux de la majoration des droits est de :
- 40 % en cas de manquement délibéré ou d’abus de droit ;
- 80 % en cas :
- de manœuvres frauduleuses,
- d’abus de droit s’il est établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire,
- de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat,
- d’application des dispositions de l’article 792 bis du CGI.
La pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l’administration doit apporter la preuve :
- d’une part, de l’insuffisance, de l’inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et,
- d’autre part, de l’intention de l’intéressé d’éluder l’impôt.
Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l’administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l’acte comportant l’indication des éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt.
Rappel des faits :
M. et Mme A sont les seuls associés de laSARL F société holding d’un groupe fiscalement intégré auquel appartient la SAS CAP dont elle détient l’entièreté du capital. A la suite d’une vérification de comptabilité de la SAS CAP, l’administration fiscale a adressé à M. et Mme A des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2012 à 2014 à raison des revenus regardés comme distribués par la société CAP.
L’administration les a également informés de la reprise au titre des mêmes années des pensions alimentaires versées et du crédit d’impôt sur le revenu ouvert par les sommes versées pour l’emploi d’un salarié à domicile. Les rectifications afférentes aux revenus distribués ont été assorties de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses et celles concernant les pensions alimentaires de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, majorations prévues par les dispositions de l’article 1729 du CGI.
Par un jugement du 15 avril 2020, le TA de La Réunion a rejeté la demande de M. et Mme A tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes.
Par un arrêt du 24 février 2022, la CAA de Bordeaux a rejeté l’appel qu’ils ont formé contre ce jugement.
M. A s'est pourvu en cassation contre cet arrêt uniquement en tant qu’il s’est prononcé, d’une part, sur les pénalités pour manquement délibéré dont a été assorti le redressement à raison des pensions versées à sa mère et, d’autre part, sur les pénalités pour manœuvres frauduleuses dont a été assorti le redressement à raison de la réintégration d’une somme de 98 301 euros dans les revenus du foyer de l’année 2014.
Le Conseil d'Etat vient de faire droit à la demande de M.A s'agissant du manquement délibéré de 40%.
La pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l’administration doit apporter la preuve, d’une part, de l’insuffisance, de l’inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d’autre part, de l’intention de l’intéressé d’éluder l’impôt, rappelle le Conseil d'Etat.
Au cas particulier le Conseil d'Etat a considéré que l'administration ne pouvait appliquer la pénalité pour manquement délibéré dans la mesure où elle n'établissait pas l'intention des époux A d'éluter l'impôt.
Pour juger que l’administration avait pu légalement assortir d’une pénalité pour manquement délibéré de 40 % les impositions supplémentaires découlant de la réintégration dans le revenu imposable de M. et Mme A… d’une partie des pensions alimentaires versées à la mère de M. A…, la cour administrative d’appel s’est bornée à relever, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de La Réunion, l’importance des pensions alimentaires déclarées comme déductibles et l’insuffisance des justifications apportées par les contribuables pour établir cette déductibilité, pour en déduire que l’administration établissait l’intention délibérée des contribuables d’éluder l’impôt.
Ce faisant, alors que ni l’importance des sommes déduites à tort, ni le caractère insuffisant des justifications apportées par le contribuable ne suffisent, par elles-mêmes, à établir une telle intention, la cour administrative d’appel de Bordeaux a entaché son arrêt d’erreur de droit.