Entretien avec Philippe Marini, Rapporteur Général de la commission des finances du Sénat, sénateur de l’Oise et maire de Compiègne.
Le Président de la République a, au cours d’une réunion d’arbitrage qui s’est tenue le 12 avril dernier à l’Elysée, dévoilé les grands axes de la réforme fiscale (Source : Les Echos) .
Une annonce, certes largement médiatisée, mais sans grandes surprises en définitive, étant donné que les mesures annoncées figuraient déjà, à quelques détails prés, dans le rapport général de Philippe Marini du 18 novembre dernier !
Le sénateur Marini que nous avions interviewé en février dernier sur les différentes pistes envisagées dans le cadre de la réforme du patrimoine, s’est de nouveau prêté au jeu des questions-réponses au cours d’un entretien qu’il a accordé à notre revue.
Fiscalonline : Quel regard portez-vous sur les mesures dévoilées ?
Philippe Marini : Les mesures dévoilées par le Gouvernement sont équilibrées et la réforme mérite donc d’être soutenue par la majorité.
En particulier, le bouclier fiscal était parfaitement légitime quand il a été créé puis renforcé, dans un contexte économique différent et dans une période de baisse des impôts. En outre, une procédure en cours de la Commission de Bruxelles, à l’issue incertaine, entendait forcer la France à inclure les impôts directs payés à l’étranger dans le calcul du droit à restitution, ce qui aurait achevé de saper la crédibilité de ce mécanisme. Dès lors, il est normal de le supprimer , sans pour autant renier ce que nous avons fait en 2007.
Mais cette suppression ne pouvait s’envisager qu’en révisant profondément l’ISF , impôt démagogique, devenu un totem absurde au fil du temps. D’une part, pour sa tranche inférieure, ce n’était plus un impôt sur la fortune, notamment sous l’effet de la hausse des prix de l’immobilier. D’autre part, pour ses tranches supérieures, les taux pratiqués n’avaient plus aucun sens au vu de la rémunération réelle du capital. Il est donc heureux que le futur collectif budgétaire prévoie de supprimer la première tranche de l’ISF et de ramener son barème à un niveau raisonnable, rendant supportable l’élimination du bouclier fiscal.
Fiscalonline : Pensez-vous que les différentes mesures proposées (exit tax, donation…) permettront de financer l’aménagement de l’ISF ?
Philippe Marini : La commission des finances du Sénat a entendu les services de Bercy à ce sujet dès le lendemain des annonces de François Baroin
Il nous a été indiqué que les mesures proposées financeraient la réforme.
A ce stade, j’en prends acte. Mais nous avons été très clairs : nous passerons au crible les méthodes d’évaluation de ces recettes supplémentaires et nous veillerons à ce qu’il y ait une marge de sécurité. Il est hors de question, à nos yeux, que la réforme se traduise par un surcroît de déficit.
Fiscalonline : L’abattement de 30 % sur la résidence principale sera-t-il maintenu ?
Philippe Marini : Il le sera d’autant plus que je vous rappelle que cet abattement n’est pas un « cadeau » tombé du ciel aux redevables propriétaires de leur logement, mais tout simplement l’application de la jurisprudence « Fleury », par laquelle la Cour de cassation a considéré que l’estimation de la valeur de la résidence principale doit tenir compte du fait qu’il s’agit d’un bien « illiquide ».
Toute velléité de suppression de cet abattement , qui n’existe d’ailleurs pas au sein de la majorité, risquerait donc de se révéler inopérante .
Fiscalonline : En votre qualité de parlementaire, envisagez-vous de déposer des amendements sur le texte qui sera présenté en mai prochain ? Si oui, dans quel sens souhaitez-vous amender le projet de loi ?
Philippe Marini : Le soutien global que j’apporte à la réforme ne m’empêchera pas de proposer des amendements au texte qui nous sera transmis par l’Assemblée nationale – et que je ne connais évidemment pas encore.
Ceux-ci pourraient être de plusieurs ordres :
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trouver des recettes complémentaires s’il s’avérait que, finalement, le compte n’y est pas ;
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engager le débat sur des recettes alternatives comme l’instauration d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu. A un certain niveau, cet effort ne concernerait, par définition, que des contribuables très aisés et rémunérés non seulement pour leur travail mais aussi pour leur capital, matériel et immatériel (cabinet de radiologie, réseau de relations professionnelles, etc.) ;
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à titre plus prospectif, explorer des voies de simplification radicale de notre fiscalité sur les revenus de l’épargne ou, plus modestement, d’évolution de l’imposition de l’assurance vie en vue de l’orienter plus nettement vers des supports actions.
Fiscalonline : Dans votre rapport, vous envisagiez une révision des paramètres de la réduction d’ISF au titre des investissements dans les PME. Qu’en est-il aujourd’hui ? Cette révision est-elle toujours d’actualité dans le cadre de la réforme à venir ?
Philippe Marini : J’ai surtout dit qu’en cas de suppression de l’ISF, il ne faudrait pas recréer ISF-PME , la niche ne devant pas survivre à l’impôt. Mais il me semble que la réforme envisagée, opérée en loi de finances pour 2011, permettra de ramener cette dépense fiscale à un niveau raisonnable.
En revanche, je serai vigilant face aux idées, que j’entends parfois, consistant à augmenter la puissance de la réduction d’impôt dite « Madelin », qui s’applique à l’IR, pour « compenser » la diminution prévisible d’ISF-PME.
Dans la période actuelle, creuser quelque niche fiscale que ce soit ne serait pas acceptable par nos concitoyens .
Fiscalonline : Alors que la « plus-value immobilière » était au centre de toutes les polémiques et de tous les débats, elle brille aujourd’hui par son absence. Doit-on conclure que le régime de taxation des plus-values immobilières (qu’il s’agisse de la résidence principale ou de la résidence secondaire) ne sera pas retouché ?
Philippe Marini : Encore une fois, si les mesures proposées par le Gouvernement (ou d’autres, comme la tranche supérieure d’IR) suffisent à équilibrer la réforme, nous n’allons pas pénaliser « gratuitement » l’investissement en alourdissant la fiscalité des plus-values.
En revanche, si ces mesures se révélaient insuffisantes, il s’agirait effectivement de pistes qui mériteraient d’être étudiées de près , même si la loi de finances pour 2011 a déjà alourdi ces prélèvements afin de financer la réforme des retraites.
En tout état de cause, il ne saurait être question de revenir sur l’exonération des plus-values issues de la cession de la résidence principale.
Propos recueillis par Nicolas BOUSSEAU - ©2011 Fiscalonline.com