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Impôt sur la fortune

Rappel des critères exigeants concernant la qualification de holding animatrice

Une récente décision rendue en matière d'ISF-PME participe de la construction prétorienne de la notion de Holding animatrice.

 

Pour mémoire, la qualification de holding animatrice implique donc un double test : d'une part, la holding doit participer activement à la conduite de la politique du groupe, d'autre part, elle doit exercer un contrôle effectif sur ses filiales. Ces deux conditions cumulatives distinguent la holding animatrice de la simple société de portefeuille pratiquant la gestion passive de participations.

 

Rappel des faits :

Les époux L ont souscrit en deux temps aux augmentations de capital de la société F : 66 670 € le 15 juin 2009 et 66 670 € le 7 mai 2010. Cette société holding avait pour objet la mise en relation d'investisseurs redevables de l'ISF avec des PME nécessitant des financements.

Au moment du premier investissement,  n'avait pris aucune participation dans une société opérationnelle. Ce n'est que le 29 juillet 2009 qu'elle a acquis 49% du capital de la société CP, soit postérieurement au premier versement mais antérieurement au second.

Les contribuables ont revendiqué la réduction ISF-PME sur la totalité de leurs versements, considérant que F exerçait une activité d'animation de groupe éligible au dispositif fiscal.

L'administration fiscale a contesté l'éligibilité des investissements par une proposition de rectification du 7 décembre 2012, remettant en cause la qualification de holding animatrice de F. Après rejet de la réclamation contentieuse des contribuables, ces derniers ont saisi le tribunal judiciaire de Lyon qui, par jugement du 8 décembre 2021, les a déboutés de leurs demandes.

 

En appel, les contribuables ont, sur le fond, soutenu que F exerçait bien une activité d'animation, notamment par l'imposition de statuts-types, de contrats d'animation et de pactes d'actionnaires aux sociétés cibles. L'administration fiscale a maintenu sa position, soulignant que l'animation devait être réelle et effective, non seulement potentielle. 

 

La Cour vient de rejeter l'appel des époux confirmant le jugement en toutes ses dispositions.

 

L'exigence d'animation effective au moment de l'investissement

 

La Cour d'appel de Lyon pose un principe fondamental :

une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice, ce rôle devant être effectif

Pour le premier investissement de juin 2009, Fne détenait aucune participation et se trouvait "seulement en phase d'étude de dossiers d'investissement".

Cette solution écarte définitivement l'animation potentielle ou future. Une holding ne peut prétendre exercer une activité d'animation au seul motif qu'elle a vocation à investir ultérieurement dans des PME. L'animation doit être constatée factuellement au moment où les contribuables souscrivent à son capital, excluant les montages consistant à collecter des fonds en anticipation d'investissements futurs.

 

Les limites du pouvoir minoritaire dans l'animation

Pour la période postérieure à l'acquisition de 49% de CP, la Cour établit que

le niveau de participation minoritaire de la société holding au sein des sociétés opérationnelles ne lui permettait notamment pas de nommer ni de révoquer les dirigeants sociaux, prérogative la plus couramment exercée par une société holding animatrice

Cette situation révèle l'importance du pouvoir de nomination des dirigeants comme critère d'appréciation de l'animation. La Cour considère implicitement que l'influence sur la gouvernance constitue un marqueur essentiel du pouvoir d'animation, dépassant les simples droits patrimoniaux liés à la participation. L'analyse du pacte d'actionnaires illustre parfaitement cette distinction. Bien que F dispose d'un droit de veto sur certaines décisions par l'intermédiaire du conseil de direction, la Cour souligne que..

...ce droit ne lui permettait pas, par nature, d'imposer une délibération au conseil

Le droit de blocage, caractéristique des investisseurs minoritaires soucieux de protéger leurs intérêts, ne s'assimile pas au pouvoir de direction positive requis pour l'animation.

 

L'insuffisance des arrangements contractuels

La décision opère également une distinction majeur entre les conditions d'investissement et l'exercice effectif de l'animation. Les contribuables se prévalaient de ce que F avait

imposé aux fondateurs de la société opérationnelle un modèle de statuts-types, un contrat d'animation et un pacte d'actionnaires.

La Cour considère que ces éléments, relevant de la phase pré-investissement, ne démontrent pas l'exercice d'un pouvoir d'animation postérieur.

Cette approche révèle que les exigences contractuelles posées par un investisseur avant son entrée au capital, si légitimes soient-elles pour sécuriser l'investissement, ne caractérisent pas l'animation du groupe. L'animation implique une intervention continue dans la conduite des affaires, non la seule définition de conditions d'investissement.

 

L'importance des moyens propres

Soulignons que la Cour accorde une attention particulière à l'absence de moyens humains propres de F. Elle relève qu'il ne résulte

ni du rapport de gestion, ni du bilan des actifs de la société holding que celle-ci ait été dotée de moyens humains propres,

les bilans ne comportant "aucune mention de charges salariales".

 

Autrement dit l'animation suppose des moyens dédiés permettant d'exercer effectivement le contrôle et la direction des filiales. Une holding qui s'appuie exclusivement sur des prestataires externes, fût-ce par l'intermédiaire d'un GIE, peine à démontrer qu'elle exerce une activité d'animation autonome plutôt qu'une simple gestion de portefeuille externalisée.

 

La distinction investisseur/entrepreneur

L'arrêt souligne que le pacte d'actionnaires "désigne la société holding comme un investisseur, tandis que l'associée historique est appelée 'l'entrepreneur'". Cette qualification contractuelle, loin d'être anodine, traduit la répartition effective des rôles au sein de la société cible.

La Cour en déduit que F exerçait essentiellement "un droit d'information, de contrôle de gestion et de conseil" caractéristique "d'un investisseur dans une PME, qui vise à s'assurer de la pérennité de la valeur de ses participations, et non de l'animation d'un groupe". Cette distinction éclaire la frontière entre protection légitime d'un investissement et exercice d'un pouvoir d'animation.

 

L'appréciation concrète de l'animation

La décision insiste sur la nécessité de

la démonstration concrète d'une prévalence de la société holding dans la conduite des affaires de la société opérationnelle, à tout le moins de l'influence déterminante de ses choix stratégiques sur l'évolution de la société opérationnelle

Autrement dit l'animation ne se présume pas mais doit être établie par des éléments factuels précis.

 

La Cour écarte les éléments produits par les contribuables, relevant qu'ils concernaient soit "des demandes d'information dans le cadre de la 'pré-étude' du dossier d'investissement", soit de simples "reports d'information" témoignant de l'exercice du droit d'information. Ces éléments, caractéristiques de la surveillance d'un investissement, ne démontrent pas l'exercice d'un pouvoir de direction.

 

Cette décision confirme que l'animation ne peut résulter de la seule détention d'une participation, fût-elle significative, mais suppose l'exercice effectif d'un pouvoir de direction se traduisant par une influence déterminante sur la conduite des affaires.

Publié le vendredi 6 juin 2025 par La rédaction

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