Par un arrêt du 26 janvier 2018 (n°408219 « SAS EBM »), le Conseil d’Etat a jugé que, s’agissant du régime fiscal d’exonération quasi-totale applicable aux plus-values sur cession de titres de participations, la condition de détention d’au moins 5 % du capital s’apprécie à la date de la cession et non de manière continue sur une période de deux ans.
Article d’Emmanuel du Douët et Philippe Brisson, avocat associé et avocat du cabinet BIGNON LEBRAY - 9 mars 2018
Cette décision, qui va à l’encontre de la doctrine administrative, est l’occasion de faire un point sur la notion de titres de participation et sur les évolutions récentes qu’elle a connues.
En principe , les plus-values réalisées par les sociétés soumises à l’IS sont traitées fiscalement comme un revenu imposable au taux normal de l’IS. Par exception , les plus-values de cession de titres de participations peuvent bénéficier au plan fiscal d’un régime d’exonération quasi-totale (exonération à hauteur de 88% de la plus-value brute) lorsque les conditions suivantes sont remplies :
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les titres cédés sont des « titres de participations » ;
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les titres cédés ont été détenus au moins 2 ans.
En application de l’article 219 I a quinquies du CGI, constituent des titres de participation pour l’application de ce régime :
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les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable (« définition comptable ») ;
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les actions acquises en exécution d’une offre publique d’achat ou d’échange par l’entreprise qui en est l’initiatrice ; et
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les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères à condition de détenir au moins 5 % des droits de vote de la société émettrice, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d’un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, à l’exception des titres des sociétés à prépondérance immobilière (« définition fiscale »).
Définition comptable des titres de participation
Au plan comptable, les titres de participation sont ceux « dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise, notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d’en assurer le contrôle ». Cette définition, issue de l’ancien plan comptable général de 1982, a été confirmée récemment par le Conseil d’Etat (Arrêt du 20 mai 2016, n° 392527, min. c/ Selarl L).
Il existe par ailleurs une présomption simple selon laquelle constituent des participations les titres représentant une fraction du capital supérieure à 10 % (Présomption reprise à l’article R. 123-184 du Code de commerce et dans la doctrine administrative - BOI-BIC-PVMV-30-10-20170503 §30).
Définition fiscale des titres de participation
La définition fiscale des titres de participations renvoie, quant à elle, aux titres bénéficiant du régime « mère-fille » (Articles 216 et 145 du CGI), c’est-à-dire les titres représentant au moins 5 % du capital de la société émettrice.
Toutefois, la loi de finances rectificative pour 2016 (n° 2016-1918 du 29 décembre 2016) a ajouté une condition supplémentaire à cette définition fiscale. Désormais, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017, pour que les titres ouvrant droit au régime « mère-fille » soient considérés comme des titres de participation au plan fiscal, la société les détenant doit détenir au moins 5 % des droits de vote de la société émettrice.
Analyse de l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 janvier 2018, « SAS EBM »
L’arrêt qui nous intéresse aujourd’hui apporte des précisions sur la définition fiscale des titres de participation, et plus précisément sur l’appréciation du critère de détention d’au moins 5 % de la société émettrice.
Dans la présente affaire, l’administration fiscale a remis en cause l’exonération quasi-totale appliquée pour le calcul de son résultat fiscal par la société EBM sur la plus-value à long terme résultant de la cession, le 5 janvier 2007, d’actions de la société Intherior qu’elle détenait, au motif que ces actions ne constituaient des titres de participation ni au plan comptable ni au plan fiscal. Le tribunal administratif de Strasbourg, puis la cour administrative d’appel de Nancy ont confirmé la position de l’administration. La société EBM s’est pourvue en cassation.
Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi de la société EBM mais, au sein de son argumentation, apporte une précision contraire à la position de l’administration et des juges du fond.
Dans un premier temps, le Conseil considère que la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ni d’insuffisance de motivation en jugeant qu’ « au regard des éléments produits devant elle, ni l’intention de la société requérante d’exercer une influence sur la société émettrice, ni son intention d’en assurer le contrôle n’étaient caractérisées » et que par conséquent la définition comptable de titres de participation n’était pas remplie.
Dans un second temps, le Conseil considère que la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur en jugeant que les actions en cause ne constituaient pas non plus des titres de participation au plan fiscal, pour la seule et unique raison que ces actions n’étaient pas, à la date de leur cession, inscrites en comptabilité au compte titres de participation ni à une subdivision spéciale d’un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable.
Il convient de rappeler, bien que ce n’était pas un point abordé dans la présente affaire, que l’inscription ou non de titres ouvrant droit au régime « mère-fille », sans revêtir sur le plan comptable le caractère de titres de participation, dans un sous-compte spécial de plus-values à long terme constitue une décision de gestion, opposable à la société comme à l’administration (Conseil d’Etat, 29 mai 2017 n° 405083, Sté Vivendi).
En revanche , le Conseil rejette l’argumentation de l’administration et des juges du fond selon laquelle le simple fait que les actions en cause n’ont pas représenté durant deux années consécutives précédant leur cession au moins 5 % du capital de la société émettrice empêchait de qualifier ces actions de titres de participation au plan fiscal.
En effet, pour le juge suprême, « il résulte des termes mêmes du b de l’article 145 du CGI que la condition (…) de détention d’au moins 5 % du capital de l’émettrice s’apprécie à la date du fait générateur de l’impôt - c’est-à-dire, s’agissant d’une plus-value de cession, à la date de la cession - et non de manière continue sur une période de deux ans. »
Par conséquent, la doctrine administrative selon laquelle « la condition de détention d’au moins 5 % du capital et 5 % des droits de vote de la société émettrice pendant au moins deux ans doit donc toujours être respectée pour bénéficier de l’imposition au taux réduit » (BOI-BIC-PVMV-30-10-20170503 § 260) apparaît contraire à la loi et ne peut donc plus être opposée aux sociétés pour leur refuser, sur ce seul argument, le bénéfice du régime d’exonération quasi-totale d’imposition des plus-values réalisées sur cession de titres.