Le Conseil d'Etat rappelle s'agissant du traitement fiscal d’une opération impliquant une société de droit étranger, que le juge de l'impôt doit identifier dans un premier temps, au regard de l’ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l’opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.
Rappel des faits :
La société de droit suisse P a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, à l’issue de laquelle l’administration fiscale a notamment estimé que cette société avait commis un acte anormal de gestion en renonçant à percevoir des loyers en contrepartie de la mise à disposition, au bénéfice de son unique associé et à titre gratuit, de deux appartements dont elle est propriétaire, situés à Cannes, et qu’elle était passible de l’impôt sur les sociétés en France à raison de ces bénéfices.
Par un jugement du 29 octobre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la société P tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été ainsi assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012, de la retenue à la source qui lui a été réclamée au titre des années 2011 et 2012, et des pénalités correspondantes.
La requérante se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 30 juin 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement.
Le Conseil d'Etat vient de rejeter le pourvoi de la société P
Le Conseil d'Etat rappelle tout d'abord comment déterminer si une société de droit étranger est assimilable à une société par action au sens de l'article 206 du CGI
Pour la haute juridiction, c'est la forme sociale qui prévaut, le caractère civil ou commercial de l’objet de cette société n'a pas à entrer en ligne de compte.
Une société anonyme de droit français est assujettie à l’impôt sur les sociétés à raison de sa forme sociale, quel que soit son objet.
Dès lors qu’il constate qu’une société de droit étranger doit être assimilée à un type de société de droit français passible de l’impôt sur les sociétés à raison de sa forme sociale, il appartient au juge de l’impôt d’appliquer à cette société le régime fiscal correspondant, sans qu’ait d’incidence la circonstance que le droit étranger en cause ne prévoirait pas de structure comparable aux types de sociétés de droit français mentionnés à l’article 8 du CGI
Au cas particulier, la société de droit suisse avait la nature de société de capitaux et la responsabilité de son associé était limitée au montant de ses apports.
Partant, la société suisse devait être assimilée à une société anonyme de droit français pour l’application des dispositions de l’article 206 du CGI, sans qu’il y ait lieu de s’interroger :
- sur le caractère civil ou commercial de son objet
- et sur l’absence en droit suisse de structure sociale comparable aux sociétés civiles françaises.
Le Conseil d'Etat confirme l'acte anormal de gestion et l'imposition à l'impôt sur les sociétés en France en application de la convention fiscale franco-suisse
Constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Au regard de ces principes, la circonstance qu’une renonciation à recettes par une société de capitaux au bénéfice de ses associés serait conforme à l’objet social de l’entreprise n’est pas à elle seule de nature à faire regarder cette renonciation comme étant dans l’intérêt propre de l’entreprise, ni que satisfaire par cette gratuité l’un des objets pour lequel la société a été créée soit une contrepartie suffisante.
Pour le Conseil d'Etat, en mettant à la disposition gratuite de son unique associé deux appartements situés à Cannes, la société P a renoncé sans contrepartie à percevoir des recettes . Cette renonciation à loyer est constitutive d'un acte anormal de gestion.
La circonstance qu’une renonciation à recettes par une société de capitaux au bénéfice de ses associés serait conforme à l’objet social de l’entreprise n’est pas à elle seule de nature à faire regarder cette renonciation comme étant dans l’intérêt propre de l’entreprise, ni que satisfaire par cette gratuité l’un des objets pour lequel la société a été créée soit une contrepartie suffisante.
En application de l'article 6 de la convention franco-suisse, les loyers auraient dû être imposés en France
Les revenus provenant de biens immobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières) sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés.
Les dispositions des paragraphes 1 et 3 s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise ainsi qu'aux revenus des biens immobiliers servant à l'exercice d'une profession libérale.