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Contrôle et contentieux

L'avis préalable de l'article L. 47 du LPF : une protection contre les ESFP déguisés

Le juge de l'impôt nous rappelle que la qualification d'un contrôle fiscal doit s'apprécier au regard de sa substance réelle et non de sa forme apparente. Des demandes apparemment limitées peuvent constituer un ESFP dès lors qu'elles s'étendent à l'examen de la situation patrimoniale globale du contribuable. 

 

Aux termes de l'article L. 12 du LPF, l'administration fiscale peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques (ESFP) au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt.

 

L'ESFP consiste à contrôler la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés au titre de l'impôt sur le revenu et, d'autre part, la situation de trésorerie, la situation patrimoniale et les éléments du train de vie dont a pu disposer le contribuable et les autres membres de son foyer fiscal.

 

Il se caractérise généralement par la mise en œuvre de l'article L. 16 du LPF, l'article L. 16 A du LPF et l'article L. 69 du LPF dont les dispositions combinées permettent de taxer d'office, au niveau du revenu global, les sommes (solde d'une balance de trésorerie, crédits bancaires...) dont le contribuable n'a pas justifié l'origine.

 

L'article L. 47 du LPF fait obligation au service de procéder à l'envoi ou à la remise d'un avis de vérification dès lors que le contrôle envisagé s'analyse, comme une vérification de comptabilité, un examen de comptabilité ou un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle. Ainsi, quel que soit le contrôle dont il est l'objet, le contribuable doit être prévenu dans les formes légales qu'une vérification ou un examen le concernant va être engagé, sous peine de nullité de la procédure.

 

Rappel des faits :

Lors d’un contrôle, l’administration découvre que M. D C et Mme B A, épouse C, détenaient plusieurs comptes bancaires en Belgique sans en avoir fait la déclaration requise pour les années 2015 à 2017. Sur la base de ces manquements, des amendes fiscales sont infligées à M. D C et Mme B A selon le deuxième alinéa de l’article 1649 A du CGI. Ces sanctions ont été mises en recouvrement le 30 juillet 2021.

Suite à la notification des amendes, M. C et Mme C ont présenté des réclamations le 24 août 2021, qui ont été rejetées rapidement par l’administration fiscale.

    • Le 19 octobre 2021, M. D C dépose une requête (n°2108214) demandant la décharge de ses amendes.
    • Mme B A, épouse C, engage une procédure similaire par sa requête (n°2108232) le 20 octobre 2021.
    • Finalement, une requête conjointe (n°2108236) est déposée pour traiter les deux affaires ensemble, compte tenu des questions communes soulevées.

Le tribunal a décidé de joindre les trois requêtes parce qu’elles soulèvent des problématiques similaires, notamment la question de la légalité des procédures d’imposition.

 

Les époux C soutiennent que les amendes ont été prononcées à l'issue d'un examen de leur situation fiscale personnelle (ESFP) sans avoir été préalablement notifiés conformément à l’article L.47 LPF. Cette violation entraine une nullité de la procédure d’imposition et, par conséquent, des amendes.

 

L'administration soutenait que son contrôle se limitait à de simples demandes de justifications ne nécessitant pas la notification d'un avis préalable. Elle s'appuyait sur le fait que ses demandes visaient principalement à obtenir des justificatifs relatifs aux comptes étrangers.

 

Le Tribunal vient de faire droit à la demande des époux C

 

Le Tribunal s'est appuyé sur une analyse détaillée des échanges entre l'administration et les contribuables. Il relève que les demandes de l'administration ne se limitaient pas aux comptes étrangers mais portaient également sur leur situation patrimoniale globale, incluant des états de fortune et des descriptions chiffrées de leur patrimoine immobilier et mobilier sur plusieurs années. Le Tribunal en déduit que le contrôle constituait bien un examen d'ensemble de la cohérence entre revenus déclarés et situation patrimoniale, caractéristique d'un ESFP au sens de l'article L. 12 du LPF.

 

Le juge a d'abord exposé la chronologie des faits : une absence initiale de déclaration des comptes belges, suivie d'un premier courrier de l'administration rappelant les obligations déclaratives, puis une réponse des contribuables fournissant des déclarations concernant ces comptes.

 

Le point pivot de l'analyse du juge se situe dans la demande ultérieure de l'administration du 26 septembre 2019.

 

Il met en évidence la dualité des informations demandées :

  • d'une part des justificatifs spécifiques aux comptes étrangers (ce qui pourrait relever d'une simple demande de justifications),
  • mais d'autre part - et c'est là l'élément déterminant - des informations beaucoup plus larges sur la situation patrimoniale globale des contribuables sur une période de huit ans.

Le juge souligne ensuite la réponse des contribuables qui, conformément à ces demandes, ont fourni non seulement les justificatifs bancaires mais également des informations détaillées sur l'ensemble de leur patrimoine immobilier et mobilier.

 

Cette analyse permet au juge de rejeter l'argumentation de l'administration selon laquelle il ne s'agissait que de simples demandes de justifications. Il qualifie le contrôle d'examen d'ensemble de la cohérence globale entre revenus déclarés et situation patrimoniale, caractérisant ainsi un véritable ESFP au sens de l'article L. 12 du LPF.

 

Partant, et en l’absence de la notification indispensable prévue par l'article L47 du LPF, le Tribunal a jugé que la procédure d’imposition ne respectait pas les garanties procédurales prévues par le droit. Par conséquent, les amendes imposées à M. C et Mme C ont été le résultat d’une procédure irrégulière.

 

Publié le mercredi 15 janvier 2025 par La rédaction

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