Le juge de l'impôt nous rappelle les règles de procédure contentieuse applicables en matière fiscale, notamment l'impossibilité de former un recours pour excès de pouvoir contre des actes non détachables de la procédure d'imposition.
La décision du Conseil d'État s'inscrit dans le cadre des principes fondamentaux du contentieux fiscal, notamment :
- La distinction entre le recours pour excès de pouvoir (REP) et le recours de plein contentieux en matière fiscale :
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- Le recours pour excès de pouvoir vise à faire annuler un acte administratif pour illégalité
- Le recours de plein contentieux permet au juge non seulement d'annuler un acte, mais également de réformer la décision administrative et de substituer sa propre décision
- Le principe selon lequel les actes relatifs à l'assiette, au calcul et au recouvrement de l'impôt ne peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, mais uniquement d'un recours de plein contentieux, sauf s'ils sont détachables de la procédure d'imposition
- Les règles de recevabilité des recours contentieux en matière fiscale, notamment celles relatives à l'obligation de réclamation préalable prévue par le LPF
Rappel ses faits :
La société E, exploitant un hypermarché a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui avait notifié des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) au titre des années 2018 à 2021, assorties de la pénalité pour manquement délibéré prévue à l'article 1729-a du CGI
Suite à cette notification, la société aformé une réclamation qui, selon elle, a fait l'objet d'une décision implicite de rejet le 14 janvier 2023. Elle a alors saisi le TA de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite ainsi que de l'avis de mise en recouvrement du 14 octobre 2022.
Par ordonnance du 18 mars 2024, le président du TA de Rennes a rejeté cette demande comme irrecevable retenant qu’il s’agissait d’un REP visant des actes non détachables de la procédure d’imposition, lesquels doivent être contestés dans le cadre d’un recours de plein contentieux devant le juge de l’impôt. La société E s'est pourvue en cassation.
La société E :
- soutient que le juge de première instance avait méconnu la portée de ses écritures en considérant que sa demande ne tendait qu'à l'annulation pour excès de pouvoir des actes contestés et non à la décharge des impositions en litige.
- conteste le motif de l'ordonnance selon lequel ses conclusions ne pouvaient être regardées comme tendant à la décharge des impositions dès lors qu'elle avait introduit ultérieurement une demande distincte présentant de telles conclusions.
Le Conseil d'État vient de rejeter le pourvoi en statuant sur chacun des moyens invoqués :
- Sur le premier moyen, le Conseil d'État constate qu'il ressort des pièces du dossier que, dans son mémoire en réplique du 1er septembre 2023, la société E avait explicitement maintenu ses conclusions à fin d'annulation pour excès de pouvoir des actes contestés. Elle n'avait évoqué qu'à titre "infiniment subsidiaire" la possibilité de présenter ultérieurement une requête de plein contentieux. Le juge de première instance n'avait donc pas méconnu la portée des écritures en jugeant que la demande tendait uniquement à l'annulation pour excès de pouvoir.
- Sur le deuxième moyen, la haute juridiction administrative considère que le motif de l'ordonnance relatif à l'existence d'une demande distincte présentant des conclusions à fin de décharge était surabondant. Le moyen dirigé contre ce motif est donc inopérant.
TL;DR
- Le conseil d'Etat rappelle la distinction fondamentale en contentieux fiscal entre le REP et le recours de plein contentieux. Les actes relatifs à l'assiette, au calcul et au recouvrement de l'impôt, tels que les décisions de rejet des réclamations et les avis de mise en recouvrement, ne sont pas détachables de la procédure d'imposition et ne peuvent donc faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Seul le recours de plein contentieux, tendant à la décharge ou à la réduction de l'imposition, est recevable.
- Cette décision rappelle qu'il est essentiel de présenter clairement et sans ambiguïté des conclusions de plein contentieux lorsqu'il s'agit de contester des impositions. La prudence commande d'éviter toute référence à l'annulation pour excès de pouvoir et de formuler expressément des demandes de décharge ou de réduction des impositions contestées.