Le juge de l'impôt nous rappelle les règles de notification des décisions de rejet des réclamations fiscales et la charge de la preuve en la matière. La régularité d'une notification ne se présume pas et l'administration doit être proactive dans la démonstration de cette régularité, particulièrement lorsque le contribuable apporte des éléments tangibles remettant en cause la validité de la notification.
Cette décision s’inscrit dans le cadre de la procédure de contestation des impositions fiscales. Plus précisément, les articles R. 190-1, R. 198-10, et R. 199-1 du LPF encadrent la procédure de réclamation préalable et les délais de recours devant le tribunal administratif.
L'article R. 198-10 du LPF dispose :
Le service compétent pour statuer sur une réclamation est celui à qui elle doit être adressée en application de l'article R.* 190-1.
L'administration des impôts ou l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. Si elle n'est pas en mesure de le faire, elle doit, avant l'expiration de ce délai, en informer le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu'elle estime nécessaire pour prendre sa décision. Ce délai complémentaire ne peut, toutefois, excéder trois mois.
En cas de rejet total ou partiel de la réclamation, la décision doit être motivée.
Les décisions de l'administration sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif.
Par ailleurs, le Code de justice administrative, notamment les articles R. 431-1 et R. 751-3, définit les modalités de représentation des parties et de notification des décisions judiciaires. L’article L. 761-1 du Code de justice administrative prévoit quant à lui le remboursement des frais exposés par une partie gagnante.
Rappel des faits :
La société M, exerçant dans le secteur des travaux publics, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2013 et 2014, ainsi qu’à un rappel de TVA pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014. Contestant ces impositions, la société a déposé une réclamation le 24 juin 2021, laquelle a été rejetée par l’administration fiscale le 5 août 2021. Suite à ce rejet, M a saisi le tribunal administratif de Nice, qui, par jugement du 21 mars 2024, a maintenu la décision administrative, déclarant la demande de la société irrecevable pour tardiveté.
M a fait appel devant la CAA de Marseille, arguant notamment d’une erreur de notification des décisions administratives due à une défaillance des services postaux.
M soutient que le rejet de sa demande pour tardiveté est injustifié car la notification de la décision administrative aurait été entachée d’une erreur des services postaux. Elle affirme que les courriers étaient adressés à son conseil, auprès duquel elle avait élu domicile, conformément aux interprétations administratives (BOI-CTX-ADM-10-20-20 et BOI-CTX-DG-20-20-40).
La Cour a suivi la société M et a annulé le jugement du 21 mars 2024 du tribunal administratif de Nice.
La Cour a d'abord rappelé le cadre juridique applicable. L'article R. 198-10 du LPF prévoit que les décisions de l'administration sur les réclamations sont notifiées dans les mêmes conditions que les notifications faites devant le tribunal administratif. L'article R. 751-3 du Code de justice administrative impose une notification au domicile réel des parties. Cette notification fait courir le délai de recours contentieux de deux mois prévu par l'article R. 199-1 du LPF.
La Cour précise que la notification doit être faite au contribuable lui-même, à son domicile réel, même si la réclamation a été présentée par un mandataire. L'élection de domicile chez le mandataire est sans incidence sur cette règle. C'est à l'administration qu'il incombe de prouver la régularité de la notification lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours.
En l'espèce, l'administration avait notifié sa décision de rejet au siège social de la société, mais le pli était revenu avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse". La société a démontré qu'elle recevait effectivement son courrier à cette adresse en produisant divers documents (mise en demeure, avis d'huissier, correspondances). Face à ces éléments suggérant une erreur des services postaux, l'administration s'est contentée d'affirmer que la société ne prouvait pas que son nom figurait sur une boîte aux lettres, sans chercher à obtenir une attestation des services postaux qui aurait pu confirmer la réalité de la situation. Cette passivité dans l'administration de la preuve lui est défavorable, car c'est à elle qu'incombe la charge de démontrer la régularité de la notification.
La Cour considère que l'administration n'établit pas que la notification a été effectuée conformément à la réglementation postale. Par conséquent, le recours de la société ne pouvait être rejeté comme tardif.
La CAA de Marseille a ainsi annulé le jugement du tribunal administratif de Nice, estimant que la société M avait démontré de manière convaincante que la notification de la décision administrative était compromise par une erreur des services postaux.
En l’absence de preuve que la société ne recevait pas effectivement ses courriers, combinée aux éléments présentés (tels que des courriers postérieurs à la décision contestée), la cour a conclu que le délai de recours ne devait pas être considéré comme écoulé.
L'affaire est renvoyée au tribunal administratif pour qu'il statue à nouveau sur la demande de décharge fiscale