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Contrôle et contentieux

Notification des propositions de rectification : une adresse matériellement inexistante peut être qualifiée de fictive

Le juge de l'impôt réaffirme les exigences entourant la notification régulière des propositions de rectification fiscale et précise les conditions dans lesquelles l’administration peut valablement s’écarter de l’adresse déclarée par le contribuable

 

L'article L. 57 du LPF impose à l'administration d'adresser au contribuable une proposition de rectification motivée, lui permettant de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Cette exigence procédurale, d'ordre public, conditionne la régularité de la procédure de rectification contradictoire et, partant, la validité des impositions supplémentaires qui pourraient en résulter.

 

Il résulte de ces dispositions que, s'il appartient en principe à l'administration fiscale de notifier la proposition de rectification à l'adresse indiquée par le contribuable, elle peut toutefois, lorsqu'elle apporte la preuve de ce que le domicile dont l'adresse lui a été indiquée présente un caractère fictif, retenir une autre adresse, sous réserve d'établir que cette adresse est celle où le contribuable réside effectivement.

 

La jurisprudence administrative a progressivement précisé les conditions dans lesquelles l'administration peut déroger au principe selon lequel la notification doit être effectuée à l'adresse indiquée par le contribuable. Cette dérogation n'est admise que lorsque l'administration établit le caractère fictif de l'adresse déclarée, ce qui suppose de démontrer soit son inexistence matérielle, soit qu'elle n'a été communiquée que dans le but d'égarer l'administration dans la conduite de ses procédures de contrôle.

 

Rappel des faits :

A l'issue d'un contrôle sur pièces de l'activité d'agent commercial de M. B au titre de l'année 2012, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération d'imposition, prévue à l'article 80 duodecies du CGI, sous le bénéfice de laquelle ce dernier avait placé l'indemnité de clientèle de 250 000 € perçue de la société BF en application d'un protocole transactionnel mettant par ailleurs fin à son activité pour son compte, et réintégré cette somme, selon la procédure de rectification contradictoire, dans ses revenus imposables, sur le fondement de l'article 92 du même code, dans la catégorie des BNC.

La chronologie des notifications révèle les difficultés rencontrées par l'administration. Les 12 et 15 mars 2014, l'administration a adressé à M. B une proposition de rectification à l'adresse parisienne qu'il avait indiquée dans ses déclarations de revenus de 2012. Ces deux courriers sont revenus avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse". Fort de cette information et ayant consulté le fichier informatisé des comptes bancaires, l'administration a découvert que M. B disposait depuis le 22 mars 2014 d'un domicile à Bourges. Une nouvelle proposition de rectification lui a donc été envoyée à cette adresse le 19 mai 2014, mais le pli est revenu avec la mention "pli avisé non réclamé".

Par un jugement du 5 novembre 2021, le TA de Marseille a accordé à M. B la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il avait, en conséquence, été assujetti au titre de cette même année. Le ministre de l'économie s'est pourvu en cassation contre l'arrêt du 23 novembre 2023 par lequel la CAA de Marseille a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

 

Pour mémoire, la cour d'appel a estimé que la circonstance que les plis adressés à l'adresse parisienne avaient été retournés avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse" ne suffisait pas à révéler le caractère fictif de cette adresse et ne révélait pas davantage une manœuvre destinée à entraver les procédures de contrôle.

Une telle circonstance, qui résultait de l'absence de déclaration par M. A... de son changement de domicile à l'administration fiscale, ne suffisait pas pour révéler que cette adresse était fictive. Elle ne révélait pas davantage une manœuvre destinée à entraver la procédure de contrôle et de rectification de l'impôt, dès lors que l'administration fiscale pouvait régulièrement adresser une proposition de rectification à la dernière adresse indiquée par le contribuable.

S'agissant du pli envoyé à l'adresse de Bourges et revenu avec la mention " avisé non réclamé ", la Cour a jugé :

Contrairement à ce que soutient le ministre, cette mention ne signifie pas que M. A... a effectivement eu connaissance du contenu du pli, mais au contraire qu'il n'en a pas eu connaissance. Le tribunal a donc retenu à bon droit que cette nouvelle proposition de rectification n'avait pas été régulièrement adressée à M. A....

Autrement dit pour la Cour d'appel l’adresse initiale ne pouvait être considérée comme fictive, faute de preuve d’une manœuvre dilatoire, 

 

  • Dans son pourvoi, le ministre soutient que l'impossibilité matérielle de joindre M. B à l'adresse parisienne, démontrée par le double retour des plis avec la mention "destinataire inconnu", caractérisait la fictivité de cette adresse et l'autorisait légitimement à notifier la proposition de rectification à l'adresse de Bourges où résidait effectivement le contribuable.
  • Le contribuable de son côté estimait que la simple impossibilité de réception du courrier ne suffisait pas à établir le caractère fictif de l'adresse déclarée et que l'administration ne pouvait, sans autres éléments, procéder à la notification à une adresse différente de celle initialement indiquée.

 

Le Conseil d'État vient de censurer l'arrêt d'appel par un arrêt de cassation qui précise la notion de fictivité d'une adresse.

 

La Haute juridiction administrative opère une distinction  entre la simple impossibilité de joindre le contribuable à une adresse et l'inexistence matérielle de cette adresse.

 

Selon le Conseil d'État, lorsque les mentions "destinataire inconnu à l'adresse" sont apposées par deux fois et qu'il résulte par ailleurs des éléments constants du dossier que le contribuable n'habitait plus à l'adresse indiquée, il devient matériellement impossible que celui-ci réside encore à cette adresse. Dans ces circonstances, l'adresse peut être regardée comme inexistante, ce qui caractérise sa fictivité au sens de l'article L. 57 du LPF.

 

Le Conseil souligne ensuite que la cour aurait dû rechercher si, à la date de notification de la proposition de rectification à Bourges, M. B y résidait effectivement, afin d’apprécier la régularité de la notification à cette seconde adresse. Cette omission constitue une erreur de droit justifiant la cassation de l'arrêt.

 

L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Marseille, à qui il reviendra de trancher ce dernier point.

 

Il suffit que l’adresse déclarée soit matériellement inexistante pour qu’elle soit qualifiée de fictive, sans qu’il soit nécessaire de caractériser une intention frauduleuse. En l’espèce, la double mention "destinataire inconnu" et l’absence de résidence effective en 2014 suffisaient à rendre cette adresse inopérante.

 

Publié le jeudi 22 mai 2025 par La rédaction

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