Le juge de l'impôt nous rappelle que l'administration fiscale, saisie de plusieurs demandes de remise gracieuse connexes, doit les examiner dans leur ensemble, même si elles ont été présentées par des courriers distincts.
Aux termes de l'article L247 du LPF, l'Administration peut accorder sur la demande du contribuable :
1° des remises totales ou partielles d'impôts directs régulièrement établis, lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence ;
2° des remises totales ou partielles d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives ;
2° bis des remises totales ou partielles des frais de poursuites mentionnés à l'article 1912 du CGI et des intérêts moratoires prévus à l'article L209 du LPF ;
3° par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives.
Le contrôle du juge sur ces décisions gracieuses, bien que limité, permet néanmoins de censurer les vices d'incompétence, les erreurs de droit ou de fait, l'erreur manifeste d'appréciation ou le détournement de pouvoir.
Rappel des faits :
La société H est une Société holding qui exerce également une activité de prestataire de services en matière de gestion et comptabilité. Elle fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013, ayant abouti à la mise en recouvrement de cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, assorties de pénalités et d’intérêts de retard. Par courrier du 17 décembre 2021, la société H a sollicité la remise gracieuse des intérêts de retard d’assiette d’un montant de 679 810 €. Par courrier du 11 mars 2022, elle a étendu sa demande à la remise gracieuse des intérêts de recouvrement, d’un montant de 611 735 €.
Après consultation du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (avis du 14 juin 2022), le ministre chargé du budget rejette la demande de la société. Toutefois, il ne mentionne que la demande portant sur les intérêts d’assiette, écartant la remise sollicitée. Aucune allusion spécifique n’est faite aux intérêts de recouvrement.
La société H a formé un recours en annulation devant le TA contre cette décision ministérielle, invoquant notamment :
- Un défaut d’examen de sa demande pour les intérêts de recouvrement ;
- Une incompétence du signataire de la décision ;
- Des vices de notification (décision envoyée à son avocat et non à elle, méconnaissant l’article R. 247-16 du LPF).
Le tribunal vient d'annuler la décision ministérielle en retenant un défaut d'examen de la demande.
Il relève que si le ministre affirme avoir analysé la totalité des intérêts dus, deux éléments contredisent cette affirmation :
- d'une part, la décision du 23 juin 2022 ne mentionne que le courrier de demande du 17 décembre 2021 (concernant les seuls intérêts de retard d’assiette).
- d'autre part, l'avis du comité du contentieux fiscal n'évoque lui aussi que ces mêmes intérêts d'assiette.
Partant pour le Tribunal, H est fondée à soutenir que la décision ministérielle « n’a pas statué sur l’intégralité de sa demande », le volet des intérêts de recouvrement n’ayant pas été examiné.
La décision est entachée d’un vice de légalité externe (défaut d’examen complet) justifiant son annulation.