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Impôt sur le revenu

Répartitions de sociétés étrangères : le juge exige un lien juridique formel pour l'application de l'article 120-3° du CGI

Cet arrêt apporte des précisions sur les conditions d'application de l'article 120-3° du CGI en jugeant que la qualité d'associé, d'actionnaire ou de porteur de parts doit être appréciée strictement, sur la base des liens juridiques formels entre le contribuable et la société étrangère.

 

L'article 120 du CGI énumère les revenus de source étrangère considérés comme des revenus de capitaux mobiliers imposables en France. Le 3° de cet article vise spécifiquement "les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur" de sociétés dont le siège social est situé à l'étranger, "à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission".

 

Ce dispositif s'inscrit dans la logique générale d'imposition des revenus distribués par des sociétés étrangères, en miroir de l'imposition des distributions effectuées par des sociétés françaises prévue à l'article 109 du CGI. Il vise à appréhender les flux financiers qui, sous couvert de répartitions diverses, constituent en réalité des revenus distribués aux détenteurs de droits sociaux.

 

L'application de cette disposition suppose l'existence d'un lien juridique entre le bénéficiaire de la répartition et la société étrangère, matérialisé par la qualité d'associé, d'actionnaire ou de porteur de parts de fondateur. Elle exige également la caractérisation d'une répartition effective au profit du contribuable.

 

Rappel des faits :

Les faits de l'espèce concernent M. B, qui détenait 30,57% du capital de la société française H. Parallèlement, une société de droit luxembourgeois, L détenait 25,79% du capital de cette même société. Le 5 décembre 2007, l'ensemble des actionnaires d'H ont cédé leurs actions à la société GII. À cette occasion, la société L a perçu la somme de 3 280 585 €, représentant 63,55% du prix de vente total.

L'administration fiscale a considéré que M. B. avait la qualité de "maître de l'affaire" de la société Luxhi et d'ayant-droit économique de ses comptes, disposant seul des fonds sociaux. Elle a estimé qu'à ce titre, il avait bénéficié d'une répartition d'un montant de 3 280 252 € opérée par la société L, correspondant au produit de la cession des titres H revenant à la société luxembourgeoise.

Sur cette base, l'administration a imposé cette somme entre les mains de M. B. sur le fondement de l'article 120-3° du CGI, assortie de majorations pour manœuvres frauduleuses.

M. B. a contesté ces impositions devant le TA de Montreuil, qui a réduit les majorations pour tenir compte d'une condamnation pénale pour fraude fiscale prononcée à raison des mêmes faits, mais a rejeté le surplus de la demande. La cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement, amenant M. B. à se pourvoir en cassation devant le Conseil d'État.

 

  • M. B. conteste l'application de l'article 120-3 du CGI, en soutenant qu'il n'avait pas la qualité d'associé, d'actionnaire ou de porteur de parts de la société L. Il fait valoir que cette société avait pour associée unique la société panaméenne CO Corp, et que sa qualité alléguée de maître de l'affaire et d'ayant-droit économique était insuffisante pour le considérer comme détenteur de droits sociaux au sens de cet article. Il conteste également probablement l'existence même d'une répartition à son profit, bien que l'arrêt ne détaille pas cet aspect de son argumentation.
  • L'administration fiscale soutient quant à elle, que M. B. était le "maître de l'affaire" de la société L jusqu'à sa dissolution le 28 décembre 2007, et qu'il avait transféré, le 18 janvier 2008, la somme perçue par cette société lors de la cession des titres H sur des comptes bancaires qu'il gérait personnellement. L'administration en déduisait que M. B. avait, en qualité d'ayant-droit économique de la société L, perçu au titre de l'année 2007 le produit de la vente des titres de la société H revenant à la société luxembourgeoise, et que cette somme devait être considérée comme une répartition imposable sur le fondement l'article 120-3 du CGI.

 

Le Conseil d'Etat vient d'annuler l'arrêt de la CAA de Paris

 

Le Conseil d'État a censuré l'approche de la cour administrative d'appel pour erreur de droit, en retenant que :

la seule circonstance que M. B. avait la qualité de maître de l'affaire de la société Luxhi et d'ayant-droit économique de ses comptes ne permettait pas de le regarder comme un associé, un actionnaire ou un porteur de parts de cette société au sens du 3° de l'article 120 du code général des impôts

La haute juridiction a relevé que la cour avait elle-même constaté que la société L avait pour associée unique la société panaméenne CO Corp, ce qui excluait que M. B. puisse être qualifié juridiquement d'associé, d'actionnaire ou de porteur de parts de la société luxembourgeoise.

 

3. Après avoir estimé que l'administration fiscale apportait la preuve que M. B... avait la qualité de seul maître de l'affaire de la société Luxhi jusqu'à sa dissolution le 28 décembre 2007, qu'il avait transféré, le 18 janvier 2008, la somme de 3 280 585 euros perçue par cette société lors de la cession des titres de la société Hibiscus sur des comptes bancaires qu'il gérait personnellement, et qu'ainsi il avait, en qualité d'ayant-droit économique de la société Luxhi, perçu au titre de l'année 2007 le produit de la vente des titres de la société Hibiscus revenant à la société luxembourgeoise, la cour administrative d'appel de Paris en a déduit que l'administration fiscale avait pu à bon droit regarder cette somme comme une répartition faite à M. B..., imposable entre ses mains sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l'article 120 du code général des impôts. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société Luxhi avait pour associée unique la société panaméenne Charmayne Overseas Corp et que la seule circonstance que M. B... avait la qualité de maître de l'affaire de la société Luxhi et d'ayant-droit économique de ses comptes ne permettait pas de le regarder comme un associé, un actionnaire ou un porteur de parts de cette société au sens du 3° de l'article 120 du code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit.

 

Le Conseil d'État a donc annulé l'arrêt attaqué et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Paris.

 

Conditions d'application de l'article 120-3 du CGI : la qualité d'associé, d'actionnaire ou de porteur de parts doit être appréciée strictement, sur la base des liens juridiques formels entre le contribuable et la société étrangère.

Le Conseil d'État refuse ainsi d'adopter une approche économique qui permettrait d'assimiler le "maître de l'affaire" ou l'"ayant-droit économique" à un détenteur de droits sociaux.

 

Publié le lundi 12 mai 2025 par La rédaction

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