Ce jeudi 26 février, la Cour de Justice de l’Union européenne de Luxembourg a rendu un arrêt de principe qui a pour effet de priver dorénavant la France du droit de prélever des contributions sociales sur les revenus du patrimoine des personnes affiliées auprès de caisses étrangères de sécurité sociale. Cette décision ouvre la voie à un raz-de-marée de réclamations fiscales de la part des milliers de contribuables frontaliers qui ont été à tort soumis aux prélèvements sociaux.
La CJUE étend aux revenus du capital la solution qu’elle avait adoptée pour les revenus du travail
En 2000, la Cour de Justice de l’Union européenne avait déjà jugé que le prélèvement de la CSG et de la CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement des travailleurs résidant en France mais soumis à la législation de sécurité sociale d’un autre État membre était « incompatible tant avec l’interdiction du cumul des législations applicables en matière de sécurité sociale, consacrée à l’article 13, paragraphe 1, du règlement n°1408/71, qu’avec la libre circulation des travailleurs et la liberté d’établissement garanties par le traité » .
La France s’est de puis conformée à cette décision. Restait cependant en suspens le sort des prélèvements sociaux opérés sur les revenus du capital.
La Cour de Luxembourg a tranché aujourd’hui la question en faveur du contribuable.
C’est à un ressortissant néerlandais domicilié en France mais exerçant son activité professionnelle aux Pays-Bas que l’on doit cette décision qui devrait contenter les plus de 300.000 frontaliers qui relèvent actuellement du régime social du pays dans lequel ils travaillent.
Ce contribuable avait en effet contesté devant le juge administratif le fait que la France soumette la rente viagère qu’il percevait aux Pays-Bas aux différentes contributions sociales (CSG / CRDS et autres cotisations sociales) au taux global imposable de 15.5 %.
Le fondement juridique de la décision rendue
Saisie d’une question préjudicielle par le Conseil d’Etat, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’en application du principe de l’unicité de la législation sociale applicable, il est interdit d’exiger d’une personne qu’elle paye des contributions sociales dans un Etat autre que l’Etat dont elle relève pour son régime de sécurité.
Selon le communiqué de Presse n° 22/15 du service Presse de la Cour « Dans son arrêt de ce jour, la Cour déclare que l’interdiction de cumul édictée par le règlement n’est pas subordonnée à l’exercice d’une activité professionnelle et s’applique donc indépendamment de l’origine des revenus perçus par la personne concernée. Étant donné que M. de Ruyter, en tant que travailleur migrant, est soumis à la sécurité sociale dans l’État membre d’emploi (les Pays-Bas), ses revenus, qu’ils proviennent d’une relation de travail ou de son patrimoine, ne sauraient être soumis dans l’État membre de résidence (la France) à des prélèvements qui présentent un lien direct et suffisamment pertinent avec les branches de la sécurité sociale. Dans le cas contraire, M. de Ruyter ferait l’objet d’une inégalité de traitement par rapport aux autres personnes résidant en France, étant donné que celles-ci sont uniquement tenues de cotiser au régime de sécurité sociale français. »
Il est en effet difficile d’admettre que ceux qui ne sont pas affiliés aux caisses françaises doivent sur leurs revenus - fussent-ils du patrimoine - financer au travers de la CSG/CRDS et autres prélèvements sociaux les différents régimes obligatoires et les déficits de la sécurité sociale en France.
Les personnes concernées par la décision
La décision de la Cour de Justice de l’Union européenne a vocation à s’imposer à la France pour les revenus du patrimoine et pour les personnes physiques se trouvant dans l’une ou l’autre des situations suivantes :
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Cas n°1 : Frontalier actif résidant en France mais dépendant pour sa protection sociale de la législation sociale du pays dans lequel il travail (Etat membre de l’Union européenne + Suisse puisque les règles communautaires relatives à la coordination des systèmes de sécurité sociale s’appliquent à la Confédération helvétique depuis le 1er avril 2012), et ceci pour l’ensemble des revenus du patrimoine.
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Cas n°2 : Personne résidante d’un autre Etat membre ou de la Suisse et relevant de la législation sociale de cet Etat mais qui détient des biens immobiliers en France, pour les revenus tirés de ces biens (revenus locatifs ou plus-value en cas de vente). Il faut savoir également que la Commission européenne a introduit une procédure d’infraction contre la France en raison de l’extension de la CSG et de la CRDS aux revenus immobiliers perçus par les non-résidents (procédure EU Pilot 2013/4168).
Comment obtenir le remboursement des prélèvements sociaux ?
Il est préférable que le contribuable se rapproche d’un conseil juridique afin de constituer un dossier solide pour engager ensuite une procédure fiscale en remboursement.
Conformément à l’article L 190 du Livre des procédures fiscales, les actions « tendant à la restitution d’impositions indues, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, révélée par une décision juridictionnelle (…) se prescrivent par deux ans, selon le cas, à compter de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification de l’avis de mise en recouvrement ou, en l’absence de mise en recouvrement, du versement de l’impôt contesté ou de la naissance du droit à déduction. ».
En d’autres termes, pour des revenus perçus en 2012 et ayant donné lieu à un avis d’imposition en 2013, le contribuable doit agir dans les deux ans de la notification de cet avis. Toutefois, pour la plus-value immobilière, le délai de deux ans commence à courir à compter du versement de l’impôt.