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Application d'un taux de TVA trop élevé par erreur : le prestataire n’est pas redevable de la partie de la TVA facturée à tort dès lors que les clients sont des consommateurs finaux

La CJUE vient de rendre une décision dans  une affaire concernant un assujetti autrichien qui a, par erreur, appliqué et facturé, pendant une année entière, un taux trop élevé de TVA (taux normal). 

 

Pour mémoire, l’article 193 de la directive TVA prévoit que la TVA est tout d’abord due par l’assujetti effectuant une livraison de biens imposable. L’article 203 de la directive TVA ajoute que la TVA est due par toute personne qui mentionne cette taxe sur une facture.

 

En pratique, l’article 203 de la directive TVA vise à obvier au risque de perte de recettes fiscales que fait courir le destinataire d’une facture qui fait jouer un droit à déduction injustifié au titre de cette facture. Il s'agit de faire coïncider la déduction exercée par le destinataire de la facture et la dette fiscale de l’émetteur de la facture.

 

Rappel des faits : 

 

La société  « P GmbH » société à responsabilité limitée de droit autrichien exploite une aire de jeux intérieure. Au cours de l’exercice litigieux de 2019, elle a soumis la rémunération de ses services (droits d’entrée à l’aire de jeux intérieure) au taux normal autrichien de 20 % alors que ces services étaient soumis au taux réduit de 13 %. Lors du paiement de la contrepartie, P GmbH a délivré aux clients des tickets de caisse qui sont des factures de faible montant. P GmbH a émis, au total, 22 557 factures et ses clients étaient exclusivement des consommateurs finals n’ayant pas le droit de déduire la taxe versée en amont.

P GmbH a rectifié sa déclaration de taxe sur le chiffre d’affaires pour l’année 2019 afin que le surcroît de la taxe soit porté à son crédit par le service des Finances publiques. Le service des Finances publiques a refusé toute régularisation pour deux raisons :

- P GmbH est redevable de la taxe sur le chiffre d’affaires au taux plein pour l’avoir facturée, si elle ne rectifie pas ses factures ;

- la taxe sur le chiffre d’affaires est supportée non pas par P GmbH mais par ses clients. P GmbH s’enrichirait donc en cas de régularisation de la taxe sur le chiffre d’affaires.

 

P GmbH a formé un recours contre cette décision. Le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances, Autriche), compétent en la matière, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, les questions préjudicielles suivantes au titre de l’article 267 TFUE :

 

1.       La TVA est-elle due par l’émetteur d’une facture en vertu de l’article 203 de la directive TVA lorsque, comme en l’espèce, il ne peut y avoir de risque de perte de recettes fiscales parce que les preneurs des services ne sont pas des consommateurs finals bénéficiant du droit à déduction ?

2.       S’il est répondu par l’affirmative à la première question et que l’émetteur d’une facture est donc redevable de la TVA en vertu de l’article 203 de la directive TVA :

a)       Peut-il ne pas être procédé à la rectification des factures à l’égard des preneurs si, d’une part, le risque d’une perte de recettes fiscales est exclu et si, d’autre part, il est en fait impossible de rectifier les factures ?

b)       Le fait que les consommateurs finals aient supporté la taxe dans le cadre de la contrepartie versée et que, partant, l’entrepreneur s’enrichisse en régularisant la TVA fait-il obstacle à la régularisation de celle-ci ?

 

Dans ses conclusions l'avocate générale Julianne Kokott a estimé que ce risque d’une déduction injustifiée par un non‑assujetti était nul (abstraction faite du cas d’une société en formation) puisque les preneurs de la prestation ne sont pas des assujettis mais des consommateurs finaux, en sorte que l’article 203 de la directive TVA ne saurait trouver à s’appliquer.

 

Elle avait donc proposé de répondre à la première question comme suit :

lorsque les preneurs des services sont des consommateurs finals ne bénéficiant pas du droit à déduction, l’émetteur d’une facture n’est pas redevable de la TVA en vertu de l’article 203 de la directive TVA.

 

La Cour a décidé de suivre les conclusions de l'avocate générale :

il y a lieu de répondre à la première question que l’article 203 de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’un assujetti, qui a fourni un service et qui a mentionné sur sa facture un montant de TVA calculé sur la base d’un taux erroné, n’est pas redevable, en vertu de cette disposition, de la partie de la TVA facturée à tort s’il n’existe aucun risque de perte de recettes fiscales au motif que les bénéficiaires de ce service sont exclusivement des consommateurs finals ne bénéficiant pas d’un droit à déduction de la TVA payée en amont.

 

Au vu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

 

 

Publié le vendredi 16 décembre 2022 par La rédaction

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