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Impôt sur les sociétés

Cessation d'entreprise et report déficitaire : le maintien d'une activité résiduelle ne fait pas obstacle à la qualification de changement d'activité réelle

Le droit au report déficitaire est subordonné à un principe de permanence de l'entreprise. L'article 221 du CGI prévoit ainsi que ce droit est perdu en cas de "cessation d'entreprise" qui s'entend non seulement de la disparition de la société, mais aussi d'un changement de son activité réelle. Le juge de l'impôt vient de nous rappeler la rigueur avec laquelle les critères de ce changement doivent être appréciés, notamment en cas de cession partielle.

 

Pour mémoire, aux termes de l'article 221-5 du CGI, un changement d'activité réelle est caractérisé, entre autres, par "l'abandon ou le transfert, même partiel, d'une ou de plusieurs activités" entraînant une diminution de plus de 50 %, au titre de l'exercice de sa survenance ou du suivant, soit du chiffre d’affaires, soit de l'effectif moyen et du montant brut des actifs immobilisés, par rapport à l'exercice précédent.

 

En cas de franchissement de ces seuils, la société perd le droit d'imputer ses déficits antérieurs, sauf à obtenir un agrément ministériel  démontrant que l'opération était indispensable à la poursuite de l'activité et à la pérennité des emplois.

 

C'est sur ce fondement que l'administration a remis en cause les déficits de la SAS G.

 

Rappel des faits :

La SAS G une agence immobilière, exerçait plusieurs activités : la gestion locative, l'administration de biens et la transaction immobilière. Au cours de l'année 2015, elle a cédé, par deux actes distincts, d'une part son fonds de commerce de gestion et administration (près de 3 000 lots) et d'autre part son fonds de commerce de transactions immobilières rattaché à plusieurs de ses établissements.

À la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a constaté que par rapport à l'exercice 2014, l'exercice clos au 30 juin 2015 présentait une chute de 81,83 % du chiffre d'affaires, de 96,43 % de l'effectif moyen (passant de 56 à 3 salariés) et de 99,06 % de l'actif immobilisé. L'administration a donc considéré que ces cessions caractérisaient un changement d'activité réelle au sens de l'article 221-5-b-2° du CGI, entraînant la cessation d'entreprise et, par conséquent, la perte du droit au report des déficits accumulés antérieurement. La société, contestant le supplément d'impôt sur les sociétés résultant de ce refus, a porté l'affaire devant le TAde Strasbourg, qui a rejeté sa demande.

 

Elle a fait appel devant la CAA de Nancy.

  • G soutient ne pas avoir cessé son entreprise, mais avoir simplement réduit son volume d'activité en raison de difficultés économiques.
  • Elle prétend avoir conservé son activité de transaction immobilière, estimant, comptabilité analytique à l'appui, que les déficits litigieux provenaient exclusivement de cette activité maintenue. Selon elle, l'administration ne pouvait donc pas lui opposer la cessation, d'autant qu'elle invoquait une doctrine administrative (BOI-IS-CESS-10) qui exclurait l'application de l'article 221 en cas de simples difficultés conjoncturelles.

 

La Cour administrative d'appel de Nancy vient de rejeter l'appel de la société GBI 

 

  • Tout d'abord la Cour valide la qualification de changement d'activité réelle en se fondant sur les chiffres. Les cessions de fonds de commerce ont engendré des diminutions des moyens d'exploitation (chiffre d'affaires, effectifs, actif immobilisé) massives (entre 80 % et 100 %), bien au-delà du seuil légal de 50 %. Ces variations traduisent une modification radicale de la structure de l'entreprise, et non une simple baisse conjoncturelle de volume due à des difficultés économiques. Partant, pour la Cour, les conditions matérielles du changement d'activité réelle prévues par l'article 221-5-b-2° étaient remplies.
  • Puis, la Cour rejette l'argument de la "simple réduction" et de l'analyse "par activité". Elle juge que l'appréciation du changement d'activité doit s'effectuer globalement au niveau de l'entreprise. Peu importe que la société ait tenté de poursuivre une activité de transaction résiduelle. Les opérations de 2015 ne constituaient pas une simple réduction de volume, mais bien "l'abandon de deux branches d'activité exercées". Dès lors que les branches initiales ont été "entièrement cédées", entraînant les diminutions statistiques constatées, les activités entreprises postérieurement par la société doivent être regardées comme "nouvelles".

5. La société requérante soutient néanmoins avoir conservé à la suite de ces cessions son activité de transactions immobilière, de sorte que les diminutions de chiffre d'affaires, d'effectif salarié et des éléments d'actif immobilisé ne s'inscriraient que dans le cadre d'une simple réduction du volume d'activité due à des difficultés économiques, ce qui lui permettrait en conséquence de continuer à imputer ses déficits, lesquels proviennent exclusivement de l'activité conservée. Toutefois, il ressort des chiffres ci-dessus analysés que les cessions litigieuses ont entraîné l'abandon de deux branches d'activité exercées, et non pas une simple réduction de leurs volumes, alors même que les clauses contractuelles souscrites ne lui interdisaient pas de reprendre des activités identiques.

En outre, il résulte des dispositions de l'article 221 du code général des impôts que l'appréciation du changement d'activité réelle doit s'effectuer globalement au niveau de l'entreprise alors même que plusieurs branches distinctes d'activité ont été abandonnées ou transférées, totalement ou partiellement. Il résulte de ces éléments que les branches d'activités initiales ayant été entièrement cédées, ce qui a entraîné une diminution des éléments ci-dessus visés supérieure à 50 %, la société GBI Conseils a connu un changement d'activité réelle au sens des dispositions ci-dessus reproduites et les activités de transactions immobilières et de gestion locative de bâtiments commerciaux entreprises par elle postérieurement à ces actes doivent être regardées comme nouvelles. Par suite, en l'absence de l'agrément visé au 2° du c) du 5 de l'article 221, c'est à juste titre que l'administration, qui ne s'est pas fondée sur sa propre doctrine, a mis en œuvre les dispositions ci-dessus reproduites.

 

Enfin, la Cour relève que la société, n'ayant pas sollicité l'agrément prévu à l'article 221-5-c-2° du CGI, ne pouvait échapper aux conséquences de cette cessation. L'invocation de la doctrine sur les difficultés économiques est également jugée inopérante, l'administration ne s'étant pas fondée sur celle-ci et les faits (cessions complètes de branches) excédant manifestement de simples difficultés conjoncturelles.


 

TL;DR

  • La Cour confirme l'approche globale qui doit présider à l'appréciation du changement d'activité réelle au sens de l'article 221-5 du CGI. Il ne suffit pas de démontrer qu'une branche d'activité particulière a été maintenue pour échapper à la qualification de cessation d'entreprise dès lors que l'ensemble des indicateurs économiques révèle une transformation radicale de la structure de l'entreprise.
  • Les critères quantitatifs fixés par le législateur s'apprécient au niveau global de l'entreprise et non activité par activité. 
  • Lorsque plusieurs branches d'activité sont cédées et que les conséquences globales sur le chiffre d'affaires, l'effectif et l'actif immobilisé dépassent largement le seuil de 50% la cessation d'entreprise est caractérisée même si une activité subsiste.

Publié le mardi 18 novembre 2025 par La rédaction

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