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Chambres d'hôtes et micro-BIC : le juge confirme définitivement leur assujettissement au régime du 2° de l'article 50-0 du CGI

Le juge de l'impôt vient de rappeler les conditions de recevabilité très strictes du recours pour excès de pouvoir (REP) dirigé contre une réponse ministérielle. En jugeant qu'une réponse qui se borne à expliciter la lettre d'un texte législatif clair ne constitue pas une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article du LPF, la juridiction administrative ferme la porte du prétoire à un contribuable s'estimant lésé par le nouveau régime fiscal des chambres d'hôtes. Cette décision, bien que fondée sur un motif procédural, entérine dans les faits l'application du seuil de 77 700 € du régime micro-BIC à ces activités.

 

L'affaire trouve son origine dans le contexte "touchy" de la fiscalité des locations meublées de tourisme. Afin de lutter contre ce que les pouvoirs publics considèrent comme une "niche fiscale" et pour réguler le marché locatif dans les zones tendues, la loi du 19 novembre 2024 dite "Loi Le Meur" a  remanié les seuils du régime micro-BIC, prévus à l'article du CGI.

 

Avant cette réforme, les exploitants de chambres d'hôtes, relevant de la catégorie des prestations de services d'hébergement, pouvaient bénéficier du régime micro-BIC si leurs recettes annuelles n'excédaient pas 188 700 € (seuil applicable aux prestations de fourniture de logement) et se voyaient appliquer un abattement forfaitaire de 71 %. La loi nouvelle a instauré un régime plus complexe, distinguant principalement trois seuils de chiffre d'affaires :

  • 188 700 € pour les entreprises de fourniture de logement, mais en excluant désormais explicitement "la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés" (CGI, art. 50-0, 1, 1°).

  • 15 000 € pour l'activité de location de meublés de tourisme au sens du code du tourisme (CGI, art. 50-0, 1, 1° bis).

  • 77 700 € pour les "autres entreprises" relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (CGI, art. 50-0, 1, 2°), catégorie résiduelle applicable aux prestations de services ne relevant pas d'un seuil spécifique.

Rappel :

  • Loueurs de meublés de tourisme non classés : le seuil d’application du régime micro-BIC est fixé à 15 000 € pour les revenus 2025 (77 700 € en 2024) et le taux d’abattement forfaitaire est de 30 % (50 % en 2024) ;
  • Loueurs de meublés de tourisme classés : le seuil d’application du régime micro-BIC est abaissé pour les revenus 2025 à 77 700 € (contre 188 700 € en 2024) avec un taux d’abattement de 50 % (71 % en 2024). 

Cette nouvelle architecture a semé le doute, notamment sur le sort des chambres d'hôtes, qui, bien que fournissant un logement, sont assorties de prestations de services (accueil, petit-déjeuner, etc.) les distinguant de la simple location meublée. C'est dans ce climat d'incertitude qu'un parlementaire, M. B, a interrogé le gouvernement afin de clarifier le seuil applicable.

 

Le Gouvernement (RM Naegelen JOAN du 13 mai 2025, question n°2902) a confirmé que les chambres d’hôtes bénéficiaient du même régime micro-BIC que les locations de meublés de tourisme classés, soit dans la limite de 77 700 € de chiffre d’affaires avec un abattement de 50 %, à compter de l’imposition des revenus 2025. En effet, la ministre chargée du tourisme a estimé que l'activité d'exploitation de chambre d'hôtes, définie à l'article du code du tourisme, relèveaitde la catégorie des "autres entreprises" et était donc soumise au seuil de chiffre d'affaires de 77 700 € pour l'application du régime micro-BIC.

 

Le Gouvernement a confirmé sa position dans deux autres réponses miniétérielles du 20 mai 2025.

 

Rappel des faits :

Une exploitante, Mme A, s'estimant lésée par cette position qui la privait du seuil plus avantageux de 188 700 €, a alors formé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État, demandant l'annulation de cette réponse ministérielle. Elle sollicitait également l'annulation de cette interprétation administrative. Elle avait également soulevé une question prioritaire de constitutionnalité contestant la conformité des nouvelles dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution.

 

Le Conseil d'État vient d'écarter la requête de Mme A en la déclarant irrecevable

 

  • Le Conseil d'État a d'abord rappelé le principe selon lequel les réponses ministérielles aux questions parlementaires écrites ne constituent pas, par nature, des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux. 
  • Cependant, il a admis une exception notable lorsque la réponse ministérielle...

...comporte une interprétation par l'administration de la loi fiscale pouvant lui être opposée par un contribuable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales

Pour déterminer si la réponse ministérielle était interprétative, le Conseil d'État a donc procèdé à sa propre analyse de la "loi Le Meur". Il a constaté que le nouveau dispositif législatif, en excluant expressément les locations meublées du seuil de 188 700 € et en ne prévoyant pas de régime dérogatoire pour les chambres d'hôtes, conduisait mécaniquement à leur classement dans la catégorie résiduelle des "autres entreprises" dont le seuil est fixé à 77 700 €. Cette lecture est, selon le juge, corroborée par les travaux parlementaires de la loi.

 

La juridiction administrative en conclut qu'en indiquant que le seuil de 77 700 € s'applique aux chambres d'hôtes, la réponse ministérielle "ne méconnaît ni le sens ni la portée du dispositif législatif qu'elle entend expliciter". Autrement dit, la ministre ne fait pas œuvre d'interprétation. Pour le juge, elle se borne à rappeler et à expliciter le contenu d'une loi jugée suffisamment claire. La réponse n'ajoutant rien au texte, elle ne contient pas d'interprétation nouvelle que l'administration se donnerait à elle-même et qui serait opposable par les contribuables. N'étant pas invocable sur le fondement de l'article du LPF, elle ne peut donc faire l'objet d'un REP. La requête est donc rejetée pour irrecevabilité.

 

 

TL;DR

  • Sur la forme: il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de contrôler l'opportunité d'une réponse ministérielle ou la simple explication qu'elle donne de la loi, dès lors que cette explication en est le reflet fidèle. Pour qu'un recours soit ouvert, il aurait fallu que la réponse ajoute à la loi une condition non prévue, qu'elle tranche une ambiguïté réelle du texte dans un sens déterminé, ou qu'elle adopte une lecture extensive ou restrictive de la norme.
  • Sur le fond : le Conseil d'État valide implicitement mais nécessairement l'analyse selon laquelle les exploitants de chambres d'hôtes sont bien soumis au seuil de 77 700 € du régime micro-BIC depuis l'entrée en vigueur de la loi du 19 novembre 2024. 

Publié le mercredi 17 septembre 2025 par La rédaction

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