Confirmation des règles d'amortissement des biens acquis à l'issue d'un contrat de crédit-bail immobilier. La période de crédit-bail ne peut être intégrée dans la durée d'amortissement d'un bien immobilier par l'entreprise preneuse, car celle-ci n'en est pas propriétaire durant cette phase
L'amortissement comptable et fiscal obéit à des règles précises codifiées aux articles 39 et 39 B du CGI. L'article 39 prévoit que sont déductibles les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie. L'article 39 B impose qu'à la clôture de chaque exercice, la somme des amortissements effectivement pratiqués ne peut être inférieure au montant cumulé des amortissements calculés selon le mode linéaire sur la durée normale d'utilisation.
Le régime fiscal du crédit-bail présente des spécificités particulières codifiées à l'article 239 sexies du CGI. Durant la période de crédit-bail, le preneur comptabilise les loyers en charges et ne peut amortir le bien puisqu'il n'en est pas propriétaire. Ce n'est qu'à la levée de l'option d'achat que le bien entre dans le patrimoine du preneur et peut faire l'objet d'amortissements.
Le plan comptable général, homologué par l'arrêté du 8 septembre 2014, précise ces règles. L'article 212-5 du règlement de l'Autorité des normes comptables dispose que le titulaire d'un contrat de crédit-bail ne peut inscrire l'immobilisation à l'actif de son bilan qu'à la levée de l'option d'achat. L'article 214-12 précise que l'amortissement d'un actif commence à la date de début de consommation des avantages économiques qui lui sont attachés.
Rappel des faits :
La SCI L filiale à 99,80% de la SARL FM, avait bénéficié d'un crédit-bail immobilier consenti le 25 janvier 2000 par la société So pour une durée de douze ans. Ce contrat portait sur l'acquisition d'un tènement immobilier situé à Rivesaltes, comprenant une parcelle de terrain et la construction de bâtiments à usage de bureaux, messagerie et atelier, pour un investissement total de 1 494 000 €.
Le 22 octobre 2012, à l'échéance du crédit-bail, la SCI L a levé l'option d'achat et est devenue propriétaire de l'ensemble immobilier. À compter de l'exercice 2013, elle a comptabilisé des amortissements dérogatoires sur une durée de vingt ans, mais en décomptant cette période à partir de la conclusion initiale du crédit-bail en 2000, ce qui revenait à amortir le bien sur seulement huit années à partir de son acquisition effective.
Cette méthode de calcul conduisait à un amortissement annuel de 64 028 €, significativement supérieur à ce qu'aurait donné un amortissement classique sur vingt ans à compter de l'acquisition.
À l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause les amortissements comptabilisés au titre des exercices clos aux 31 décembre 2015 et 2016. Sa position était fondée sur le principe selon lequel l'amortissement ne peut débuter qu'à compter de la date d'acquisition effective du bien, soit le 22 octobre 2012, et non au 1er janvier 2013 comme l'avait retenu la société.
L'administration n'a toutefois pas contesté la durée d'amortissement de vingt ans retenue par la société, mais elle a exigé que cette période soit décomptée uniquement à partir de l'acquisition effective du bien, écartant ainsi la prise en compte de la période de crédit-bail dans le calcul de l'amortissement.
Pour justifier le décompte de l'amortissement la SARL FM a avancé deux arguments :
- Le service fiscal a appliqué une durée d'amortissement de vingt ans sans tenir compte de l'utilisation antérieure du bien pendant douze ans sous le régime du crédit-bail. Selon la société, la durée d'amortissement devrait inclure la période de crédit-bail.
- Subsidiairement, elle a soutenu qu'une durée d'amortissement de huit ans était justifiée par l'état du bien, invoquant des faiblesses structurelles (légèreté du bâtiment, exposition au vent, inadaptation des quais de chargement) et la nécessité de repenser intégralement la structure.
La CAA de Lyon a rejeté les arguments de la SARL FM et a confirmé le jugement du tribunal administratif.
- Concernant le premier moyen, la Cour a rappelé que seuls les biens dont l'exploitant est propriétaire à la date d'établissement du bilan peuvent être inscrits à l'actif immobilisé et faire l'objet d'un amortissement. Pendant la durée du crédit-bail, le bien est inscrit à l'actif du crédit-bailleur. La SCI L n'a inscrit l'immeuble à son actif qu'à compter de l'exercice 2013, soit après la levée de l'option d'achat en octobre 2012. La Cour a également souligné que la SCI avait réintégré fiscalement la fraction des loyers non déductibles, conformément à l'article 239 sexies du CGI. Par conséquent, l'administration fiscale était en droit de ne pas intégrer les périodes de crédit-bail dans la durée d'amortissement. La durée d'amortissement est indépendante de la durée du contrat de crédit-bail en cours
- Quant au second moyen, la Cour a jugé que la durée d'amortissement de huit ans revendiquée par la société, basée sur la vétusté ou la fragilité du bien, n'était pas suffisamment établie. La société est liée par la durée d'amortissement qu'elle a elle-même fixée, correspondant aux usages généralement admis pour les immeubles. Les éléments de preuve produits (article de presse, facture de réfection, photographies) n'ont pas été jugés suffisants pour démontrer des circonstances particulières justifiant une durée d'amortissement aussi courte. La Cour a d'ailleurs précisé que des caractéristiques spécifiques du bâtiment auraient pu justifier un amortissement par composants, mais cette démarche n'avait pas été adoptée par la société.