Par un arrêt de résistance, des juges d'appel viennent de prendre le contre-pied de la jurisprudence récente de la Cour de cassation qui, en mai dernier, avait exclu les partenaires de PACS du bénéfice de l'exonération de droits de succession entre frères et sœurs réaffirmant la primauté de la lettre de la loi sur son esprit.
L’article 796-0 ter du CGI, issu de la loi TEPA de 2007, permet une exonération totale de droits de mutation par décès entre frères et sœurs, dérogeant ainsi au taux prohibitif de 35 % et 45 % normalement applicable. Ce régime de faveur est toutefois subordonné à trois conditions cumulatives strictes : le frère ou la sœur doit être, au jour de l’ouverture de la succession, âgé de plus de 50 ans ou atteint d’une infirmité, avoir été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq années précédant le décès, et enfin, être « célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps ».
C’est sur l’interprétation de cette dernière condition relative à la situation matrimoniale que le litige s’est noué : un partenaire de PACS est-il un célibataire au sens de ce texte ?
Monsieur T, frère de la défunte, vivait avec cette dernière dans l'immeuble familial jusqu'à son décès en 2021. Remplissant les conditions d'âge et de cohabitation, il a revendiqué l'exonération totale des droits de succession sur sa part. L'administration fiscale a toutefois remis en cause cet avantage, rectifiant les droits à hauteur de 937 765 euros, au motif que l'héritier était lié par un Pacte Civil de Solidarité (PACS) avec une tierce personne, Madame U.
Le service vérificateur soutenait que cet engagement juridique de vie commune était incompatible avec la notion d'isolement et de célibat requise par le texte.
Après un jugement du TJ de Toulouse du 15 septembre 2023 favorable au contribuable, l'administration a fait appel.
La position de l'administration fiscale, défendue devant la Cour, reposait sur une lecture téléologique de la loi. Elle soutient que l'intention du législateur de 2007 était de protéger les membres de la fratrie vivant ensemble pour rompre leur solitude et mutualiser leurs moyens face aux difficultés de l'existence. Pour Bercy, le PACS, défini par l'article 515-4 du Code civil comme un engagement à une vie commune et une aide matérielle, place le partenaire hors du champ de la vulnérabilité et de l'isolement que l'exonération entend compenser.
Cette analyse rejoint celle de la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 28 mai 2025. Dans cette décision de principe, la Haute juridiction cassé un précédent arrêt de la même Cour d'appel de Toulouse, jugeant que l'exonération ne pouvait bénéficier à une personne liée par un PACS, privilégiant ainsi la cohérence systémique du droit sur la lettre du texte fiscal.
4. L'article 796-0 ter du CGI a été créé par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (article 10, V), dite loi TEPA, et n'a subi à ce jour aucune modification. Il est issu d'un amendement parlementaire dont l'objet était de remplacer, pour les successions entre frères et soeurs, l'abattement spécifique prévu à l'article 788, II du CGI par une exonération des droits 'afin de prendre en compte la situation particulière des frères et sours vivant sous le même toit'. Le rapporteur général de la loi au Sénat s'est déclaré favorable à cet amendement visant à une exonération des droits de succession, en indiquant : 'Ces cas de vie commune, pour peu répandus qu'ils soient, ne sont pas si rares que les règles du code général des impôts doivent les ignorer et méconnaître les situations difficiles, par certains aspects matériels proches de celles du conjoint survivant, engendrées par une succession qui nécessite parfois de devoir céder la résidence principale pour acquitter les droits afférents. L'initiative opportune de l'Assemblée nationale répare cet oubli et permettra de résoudre des cas individuels objectivement douloureux' (cité dans les conclusions de l'appelant en page 10).
5. Il est indéniable que la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité n'a pas modifié l'état civil des partenaires qui demeurent légalement célibataires, ce que reconnaît d'ailleurs l'administration fiscale dans le cas de M. [T]. Il est tout aussi clair que la situation non discutée de vie commune avec Mme [V] [O] [U] [D], n'entre pas dans l'intention du législateur telle qu'elle a été exprimée lors des débats parlementaires.Toutefois, si les lois fiscales sont d'interprétation stricte, force est de constater que la lettre du texte adopté n'est susceptible d'aucune interprétation en ce que la loi a posé comme seules conditions de son application l'âge de l'héritier, sa domiciliation personnelle depuis plus de cinq ans au domicile du défunt et la qualité de 'célibataire, veuf, divorcé ou séparé' alors que le PACS était une institution qui existait déjà et que l'article 760-0 ter du code général des impôts n'apporte aucune restriction sur l'existence d'un PACS ou même d'un concubinage, situations de droit ou de fait créatrices de droit qui ne modifient nullement le statut de célibataire au sujet duquel le droit fiscal ne donne d'ailleurs aucune définition contraire.
Cet arrêt acte une divergence profonde entre les juges du fond toulousains et la Cour de Cassation. Alors que cette dernière, dans son arrêt du 28 mai 2025, avait tenté de clore le débat en affirmant l'incompatibilité entre le PACS et l'exonération, la Cour d'appel de Toulouse persiste et signe. Elle refuse de faire prévaloir « l'économie du système juridique » prônée par la Cour de cassation sur la sécurité juridique attachée au texte écrit.
Affaire à suivre...