Nouvelle décision concernant l'application de l'article 44 sexies du CGI qui confirme que l'exonération fiscale des entreprises nouvelles ne peut être maintenue lorsque les produits financiers dépassent manifestement les besoins de la gestion de trésorerie courante.
L'article 44 sexies du CGI prévoit une exonération d'impôt sur les sociétés pendant 23 mois pour les entreprises qui se créent à compter du 1er janvier 2007 et jusqu'au 31 décembre 2027 dans les zones d'aide à finalité régionale, à la condition que le siège social ainsi que l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation soient implantés dans ces zones, sous réserve qu'elles exercent une activité commerciale, industrielle ou artisanale au sens de l'article 34 du CGI. Par ailleurs, les sociétés soumises à l’IS qui exercent une activité professionnelle au sens de l'article 92-1 du CGI et qui répondent aux conditions d’application du dispositif peuvent bénéficier de l’allégement d’impôt, sous réserve qu’elles emploient au moins trois salariés à la clôture de leur premier exercice et au cours de chaque exercice de la période d’application du dispositif.
Le dispositif exclut expressément les entreprises exerçant une activité bancaire, financière, d'assurances, de gestion ou de location d'immeubles. Cette exclusion vise à réserver l'avantage fiscal aux entreprises développant une activité productive réelle plutôt qu'aux véhicules de placement financier.
La doctrine BOFIP prévoit toutefois :
L'entreprise nouvelle ne doit exercer, en principe, aucune des activités qui sont exclues du champ d'application du dispositif, même si ces activités sont exercées à titre accessoire ou si elles sont taxées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article 155 du CGI.
Les entreprises susceptibles de bénéficier de l'exonération ne peuvent donc pas détenir ni, par suite, inscrire à leur bilan des biens qui ne sont pas nécessaires à l'exercice de l'activité éligible (immeuble à usage locatif ou agricole par exemple).
Toutefois, la condition d’exclusivité est respectée lorsqu’une activité, a priori inéligible, constitue le complément indissociable d’une activité exonérée (CE, arrêt du 8 juillet 1998, n° 186279, SARL Seuge Quero Informatique).
En particulier, la perception de produits financiers ou l’enregistrement des quotes-parts de résultat de sociétés ou groupements relevant du régime fiscal des sociétés de personnes ne remet pas en cause le bénéfice du régime de faveur dès lors que ces profits résultent du simple placement de la trésorerie dégagée dans le cadre de l’exercice d’une activité éligible (RM Chabroux n° 16303, JO Sénat du 29 juillet 1999, p. 2568). A titre de règle pratique cette condition sera présumée satisfaite lorsque le montant de ces produits n'excède pas le montant des frais financiers au cours du même exercice.
Bien entendu, dans cette situation, l’inscription au bilan des biens nécessaires à cette activité accessoire ne fait pas obstacle au bénéfice du régime de faveur.
Rappel des faits :
La Sarl HG exerçe une activité de production et de vente d'électricité d'origine photovoltaïque depuis 2010. Implantée en ZRR, elle a bénéficié du régime d'exonération de l'article 44 sexies du CGI, appuyée par un rescrit fiscal favorable obtenu le 17 juin 2010.
L'administration fiscale a remis en cause cette exonération à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2016 à 2019 et d'un contrôle sur pièces pour les exercices 2020 à 2022. Le motif de cette remise en cause tenait à l'importance des placements financiers de la société.
Les montants en cause révélaient une disproportion flagrante entre l'activité principale et les placements financiers. L'encours des valeurs mobilières détenues s'élevait à 906 915 € en 2016 pour atteindre 1 907 143 € en 2022, représentant respectivement 214% et 389% de la production vendue de chaque exercice.
Cette configuration illustre les difficultés d'application du régime d'exonération aux entreprises disposant d'une trésorerie abondante.
La SARL HG a saisi la juridiction administrative.
Pour justifier le maintien de l'exonération, la SARL :
- se prévaut d'un rescrit fiscal favorable datant de 2010, document administratif qui, selon elle, garantit la pérennité de sa situation fiscale.
- soutient ensuite que sa gestion de trésorerie s'inscrit dans une logique de développement d'entreprise plutôt que de placement financier. Elle invoque l'existence de projets de développement nécessitant des fonds propres importants : un projet de méthanisation poursuivi jusqu'en 2017 puis abandonné pour des raisons réglementaires, et un projet actuel d'installation d'une centrale photovoltaïque au sol de 240 hectares pour 22 M€
- s'appuie sur la doctrine BOFIP précitée qui prévoit que la perception de produits financiers provenant de la gestion de trésorerie courante ne prive pas l'entreprise du bénéfice du dispositif d'exonération.
Pour sa part, l'administration fiscale maintient sa position de remise en cause, estimant que l'importance des placements financiers dépasse les besoins de la gestion de trésorerie courante et caractérisait une véritable activité financière incompatible avec l'exonération.
Le tribunal vient de rejeter la requête de la SARL HG
- Il rappelle tout d'abord que les produits financiers ne privent pas du bénéfice de l'exonération s'ils résultent exclusivement de la gestion de trésorerie courante nécessaire à l'exercice de l'activité.
- Il précise ensuite que cette condition peut être remplie même lorsque les produits financiers proviennent d'une activité indissociable de l'entreprise et poursuivie à des fins de développement plutôt que financières. Cette approche légitime ainsi les stratégies de développement nécessitant une constitution de réserves importantes.
le législateur n'a entendu exclure du champ de l'exonération les entreprises nouvelles dont les bénéfices proviennent pour partie d'activités d'une nature autre qu'industrielle, commerciale ou artisanale que dans la mesure où ces activités ne constituent pas le complément indissociable d'une activité exonérée. En particulier, les bénéfices d'une entreprise nouvelle qui perçoit des produits financiers tout en exerçant, à titre principal, une ou plusieurs activités entrant dans le champ de l'exonération ne demeurent exonérés qu'à la condition que ces produits résultent exclusivement de la gestion de la trésorerie courante nécessaire à l'exercice de cette activité. Toutefois, lorsque les produits financiers proviennent d'une activité dont l'exercice est indissociable de celui de l'entreprise et est poursuivie à des fins autres que financières, notamment pour assurer son développement, ils ne sauraient par leur seule existence ou à raison de leur comparaison avec les besoins de financement de l'entreprise, qui n'ont pas motivé leur recherche, priver celle-ci du bénéfice des dispositions précitées de l'article 44 sexies du code général des impôts.
Pour le juge de l'impôt, au cas particulier, les montants de placements financiers, représentant 214% à 415% de la production vendue selon les années, ne peuvent être regardés comme résultant exclusivement de la gestion de trésorerie courante. Cette approche "quantitative" révèle l'existence d'un seuil implicite de tolérance au-delà duquel les produits financiers sont présumés constituer une activité autonome incompatible avec l'exonération.
Examen des justifications avancées par la société
- Concernant le projet de méthanisation, le tribunal constate que les éléments produits (documentations technico-commerciales, invitations à des formations, visites de méthaniseurs) ne permettent pas d'établir la réalité d'un projet suffisamment élaboré justifiant la constitution de réserves importantes.
- Pour le projet de centrale photovoltaïque au sol, la seule production d'un courrier du Crédit Agricole exposant les conditions de financement ne suffit pas à caractériser un projet concret et imminent nécessitant la conservation de fonds propres substantiels.
- Concernant le rescrit fiscal, le juge considère que la position prise par l'administration en 2010 ne peut s'appliquer à une situation de fait différente, notamment s'agissant de l'activité financière exercée.