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Revenus professionnels

Qualification fiscale des détournements de fonds commis par un salarié : entre BNC et revenus distribués

La qualification fiscale des détournements de fonds au sein d'une entreprise constitue un sujet délicat, à la frontière du droit pénal et du droit fiscal. Au cas particulier, le juge de l'impôt apporte des précisions concernant la catégorie d'imposition applicable lorsque les détournements sont commis par un salarié non dirigeant. 

 

La qualification fiscale des sommes détournées repose sur une distinction fondamentale entre:

  • L'article 111-c du CGI, qui assimile à des revenus distribués "les rémunérations et avantages occultes", imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers (RCM).
  • L'article 92 du CGI, qui définit les BNC comme

les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus.

Cette distinction emporte des conséquences importantes en termes de modalités d'imposition et de procédure fiscale. Le juge de l'impôt a  progressivement élaboré une jurisprudence tendant à considérer que les détournements relèvent des BNC lorsqu'ils sont commis par un simple salarié, et des RCM quand ils sont le fait d'un dirigeant ou d'un associé, notamment en cas de carence manifeste de la société victime des détournements.

 

Rappel des faits :

M. B., directeur d'agence salarié au sein de la SARL M, avait fait supporter à cette société des factures correspondant à des travaux réalisés à son domicile personnel. Pour ce faire, il avait mis en place un système élaboré de faux bons de commande et de fausses factures, faisant croire qu'il s'agissait d'interventions liées à la réhabilitation d'une carrière dont la gestion lui avait été confiée.

 

Ces agissements ont été sanctionnés pénalement par le tribunal correctionnel de Cahors qui, le 28 juin 2018, a condamné M. B. pour abus de biens sociaux.

 

À la suite de cette condamnation, l'administration fiscale a procédé à un contrôle sur pièces des revenus de M. et Mme B. et a réintégré dans leurs revenus imposables les sommes détournées, qu'elle a qualifiées de revenus distribués relevant de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 111-c du CGI. Ces redressements ont été assortis de la majoration de 80% prévue par l'article 1729 c du CGI, applicable en cas de manœuvres frauduleuses.

 

Les contribuables ont contesté ces redressements devant le TA de Lyon, qui a rejeté leur demande par jugement du 24 octobre 2023. Ils ont alors fait appel devant la CAA de Lyon.

 

A l'appui de leur requête, les époux B soutiennent notamment que les détournements réalisés étaient imposables dans la catégorie des BNC et non des RCM, dès lors que M. B. n'était pas dirigeant de fait de la SARL Marcouly.

 

L'administration fiscale a, quant à elle, a demandé, à titre subsidiaire, que la cour procède à une substitution de base légale en retenant le fondement de l'article 92 du CGI (BNC) plutôt que celui de l'article 111-c du CGI (RCM) initialement invoqué.

 

La Cour vient de rejetter la requête des époux B confirmant le jugement du TA de Lyon.

 

S'agissant de la qualification fiscale des sommes détournées, la Cour retient que:

    • M. B. n'avait pas la qualité de dirigeant ou de mandataire social de la SARL M,
    • Les dirigeants de la société n'ont pas eu connaissance des détournements,
    • Les manœuvres de M. B. étaient "habilement mises en œuvre et difficiles à détecter",
    • Ces circonstances ne révèlent pas "un comportement délibéré ou une carence manifeste" des dirigeants dans l'organisation de la société ou dans la mise en œuvre des dispositifs de contrôle.

Par conséquent, la Cour considère que les sommes détournées devaient être imposées dans la catégorie des BNC sur le fondement de l'article 92 du CGI, et non dans celle des RCM sur le fondement de l'article 111-c du CGI.

 

TL;DR

La Cour confirme la distinction entre les détournements commis par un dirigeant ou un associé (relevant des RCM) et ceux commis par un simple salarié (relevant des BNC), en précisant les critères permettant de caractériser les situations intermédiaires:

  • l'absence de qualité de dirigeant ou de mandataire social,
  • l'ignorance des agissements par les dirigeants,
  • l'habileté des manœuvres rendant difficile leur détection,
  • et l'absence de carence manifeste dans l'organisation ou le contrôle de la société.

 

Publié le vendredi 25 avril 2025 par La rédaction

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