Accueil > Fiscalité des entreprises > TVA > Régularisation de TVA : validation du droit à déduction différée en cas de changement d'affectation d'un bien immobilier
TVA

Régularisation de TVA : validation du droit à déduction différée en cas de changement d'affectation d'un bien immobilier

Le juge de l'impôt nous rappelle qu'une société qui affecte initialement un immeuble à une activité de location exonérée conserve sa qualité d'assujetti et peut, lors d'un changement d'affectation ultérieur vers une activité taxée, bénéficier d'une régularisation globale de la taxe ayant grevé les travaux

 

Pour mémoire, le droit à déduction de la TVA prévu à l'article 271 du CGI, n'est ouvert qu'aux assujettis, c'est-à-dire aux personnes qui exercent de manière indépendante une activité économique. La déduction n'est possible que dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins d'opérations imposables ouvrant droit à déduction.

 

En principe, la déduction de la TVA ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance, c'est-à-dire au titre du mois pendant lequel la taxe est devenue exigible chez le fournisseur ou le prestataire de services ou chez le redevable lui-même.

 

Toutefois, en application de l'article 208 de l'annexe II au CGI, la taxe dont la déduction a été omise sur la déclaration CA3 peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission.

 

De son côté, l'article 207 de la même annexe organise les régularisations découlant d'un changement dans les facteurs pris en compte pour le calcul de la déduction. Son paragraphe III-1-4° prévoit notamment le cas où un bien immobilisé vient en cours d'utilisation à être employé pour des opérations ouvrant droit à déduction, ouvrant la voie à une régularisation dite « globale ».

 

Rappel des faits :

La société L a acquis un chalet en 2014. Ce bien était alors loué nu à usage d'habitation, une activité économique mais exonérée de TVA. Entre 2016 et 2019, la société a engagé d'importants travaux de rénovation et d'extension, supportant ainsi une charge de TVA significative sur ces dépenses. À compter du 1er janvier 2020, elle a changé la destination du bien pour l'exploiter en para-hôtellerie, une activité soumise à la TVA. C'est alors qu'elle a sollicité en novembre 2020 le remboursement de l'intégralité de la TVA acquittée sur les travaux réalisés depuis 2016, sur le fondement de la régularisation pour changement d'affectation.

 

L'administration fiscale a rejeté sa demande, considérant que les conditions du droit à déduction n'étaient pas réunies.  Le tribunal administratif de Montreuil n'a accordé qu'un remboursement dérisoire de 51 euros, ce qui avait motivé l'appel de la société.

  • La société L soutient qu'elle n'a pas commis une simple omission soumise au délai de prescription de deux ans, mais qu'elle a légitimement attendu l'affectation définitive du bien à une activité taxée pour procéder à une régularisation globale, conformément aux dispositions de l'article 207 de l'annexe II au CGI.
  • L'administration, de son côté, conteste que la société ait agi en qualité d'assujetti dès l'origine, estimant que l'intention d'affecter le bien à une activité taxée n'était pas démontrée au moment de l'acquisition et des travaux.

La Cour administrative d'appel de Paris a validé le raisonnement de la société L.

 

La Cour opère une distinction entre les deux mécanismes juridiques distincts rappelés ci-avant. D'une part, la rectification d'une omission de déclaration, encadrée par l'article 208 de l'annexe II du CGI et soumise à des délais stricts. D'autre part, la régularisation dite "globale" prévue à l'article 207 III-1-4°, applicable lorsqu'un bien change d'affectation.

 

Elle a d'abord  qualifié la demande de la société : il ne s'agissait pas de la rectification tardive d'une omission, mais bien d'une demande de régularisation consécutive à un changement d'affectation, laquelle n'est pas soumise au même délai de prescription.

D'une part, il résulte de l'instruction que la société requérante, qui n'avait pas pris de décision sur l'usage et l'affectation de l'immeuble à une activité non exonérée de TVA avant le 1er janvier 2020, n'a pas entendu rectifier une omission de déclaration relative à la période entre 2016 et 2019 en application de l'article 208 de l'annexe II du code général des impôts, de sorte que l'administration ne pouvait lui opposer, dans le rejet de sa demande de remboursement de crédit de TVA, le non-respect des délais prévus par ces dispositions, mais a entendu procéder à la régularisation, dite globale, prévue par les dispositions précitées du 4° du III-1 de l'article 207 de l'annexe II au même code. 

Puis elle a tranché la question centrale de la qualité d'assujetti.

 

Elle a rappelé que cette qualité doit s'apprécier à la date où les dépenses sont engagées. Or, elle a jugé que dès l'acquisition du chalet en 2014, la société L, en poursuivant l'activité de location de locaux d'habitation, même si celle-ci était exonérée, exerçait bien une activité économique. De ce fait, elle avait la qualité d'assujetti agissant en tant que tel.

La Cour a écarté les arguments de l'administration tirés de l'objet social initial des statuts de la société ou des mentions portées sur la demande de permis de construire, jugeant ces éléments formels sans incidence sur la qualification de l'activité au regard de la TVA. 

 

Dès lors, le syllogisme de la Cour était imparable : puisque la société avait la qualité d'assujetti dès l'origine, et que le bien a connu un changement d'utilisation, passant d'une activité exonérée à une activité taxée, les conditions de la régularisation globale de l'article 207 de l'annexe II au CGI étaient parfaitement remplies. Elle était donc fondée à demander la restitution de la TVA ayant grevé les travaux.

 

 

8. D'autre part, la qualité d'assujetti mentionnée au point 5 doit s'apprécier à la date d'acquisition des biens et services nécessaires au besoin de l'exploitation, au fur et à mesure du déroulement des travaux. S'il résulte de l'instruction qu'à la date de l'acquisition du bien immobilier en 2014 les statuts de la société TLK ne prévoyaient pas dans son objet social l'activité de para-hôtellerie, activité qui y a été ajoutée lors d'une assemblée générale du 20 juillet 2017, toutefois, il n'est pas contesté que lors de l'acquisition du chalet, la société devait poursuivre la location du bien et a continué, malgré l'existence d'un différend avec la locataire, à percevoir des loyers. Par suite, lors de l'acquisition du bien immobilier, la société requérante, qui exerçait une activité économique, doit être regardée comme étant assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, quand bien même cette activité de location de locaux d'habitation en était exonérée en application du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. La circonstance que la société ait indiqué dans sa demande de permis de construire que la destination du local était " habitation " et la sous-destination " logement " au lieu de " commerce et activités de service " comme destination et " hébergement hôtelier et touristique " comme sous-destination, en application des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, est sans incidence sur sa qualité d'assujettie à la date d'acquisition du bien. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir qu'étant assujettie et agissant en tant que telle lors de l'acquisition du bien, et eu égard au changement dans l'utilisation de ce bien qui est venu en cours d'utilisation à être utilisé à des opérations ouvrant droit à déduction à compter du 1er janvier 2020, elle remplissait les conditions pour procéder à une régularisation dite " globale " en application du 4° du III-1 de l'article 207 précité de l'annexe II au code général des impôts. 

 

 

Publié le lundi 7 juillet 2025 par La rédaction

6 min de lecture

Avancement de lecture

0%

Partages :