Il ressort d'un dernier arrêt du Conseil d'Etat, qu'en application des dispositions de l'article 231 du CGI, pour ne pas être redevable de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d’une année civile, une société doit, non seulement être assujettie cette année-là à la TVA sur une partie au moins de son chiffre d’affaire, mais aussi l’avoir été l’année précédente à hauteur d’au moins 90 % de son chiffre d’affaires...pour la haute juridiction la loi fixe des critères cumulatifs et non alternatifs !
Il ressort de la loi que l'article 231-I du CGI soumet à la taxe sur les salaires les rémunérations payées par toute personne ou organisme lorsqu'ils ne sont pas assujettis à Ia TVA ou ne I'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'administration (BOI-TPS-TS-10-10-10, n°180) précise que ce texte pose une condition alternative pour l'assujettissement à la taxe sur Ies salaires.
Rappel des faits :
La SA L a fait l’objet en 2014 d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 2012 à 2014, à l’issue de laquelle l’administration a constaté qu’elle n’avait pas déposé de déclaration au titre de la taxe sur les salaires pour l’année 2012 et n’avait donc pas acquitté cette taxe au titre de cette année. Estimant qu’elle en était pourtant redevable, l’administration lui a adressé une proposition de rectification l’informant de son intention de mettre à sa charge un rappel de taxe sur les salaires au titre de l’année 2012.
La SA L a contesté ce rappel. Elle estime que les dispositions de l’article 231 du CGI fixent un critère alternatif et non cumulatif et elle n’est donc pas redevable de la taxe sur les salaires au titre de l’exercice 2012 dès lors qu’elle était assujettie à la TVA au titre de cette période. Sa réclamation préalable ayant été rejetée par l’administration, la SA L a saisi le TA de Rennes d’une demande de décharge de cette imposition. Par un jugement du 4 mars 2020, le tribunal a rejeté cette demande. Sur appel de la SA L, ce jugement a été annulé et la CAA de Nantes, par un arrêt n° 20NT01871 du 26 novembre 2021, a prononcé la décharge des impositions en litige. L'administration fiscale s'est pourvue en Cassation.
Le Conseil d'Etat vient d'annuler avec renvoi l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes.
Pour le Conseil d'Etat, les dispositions de l'article 231 du CGI fixent un critère cumulatif et non alternatif
Il précise :
Sont redevables de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d’une année civile, dans la limite du rapport fixé par l'article 231 du CGI,
- d’une part, les personnes ou organismes dont le chiffre d’affaires de cette année n’est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée,
- d’autre part, les personnes ou organismes dont le chiffre d’affaires de l’année précédente n’a été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée qu’à hauteur d’une fraction n’excédant pas 10 %.
Inversement, pour ne pas être redevable de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d’une année civile, une personne ou un organisme doit :
- non seulement être assujetti cette année-là à la taxe sur la valeur ajoutée sur une partie au moins de son chiffre d’affaires,
- mais aussi l’avoir été l’année précédente à hauteur d’au moins 90 % de son chiffre d’affaires.
En jugeant que la société L devait être regardée comme n’étant pas redevable de la taxe sur les salaires dès lors qu’elle était assujettie, au titre de la période correspondant à l’année 2012 en litige, à la taxe sur la valeur ajoutée sur l’intégralité de son chiffre d’affaires, et qu’était à cet égard sans incidence la circonstance qu’elle ne l’avait pas été, au titre de la période correspondant à l’année civile précédente, sur une fraction de son chiffre d’affaires d’au moins 90 %, la cour administrative d’appel a méconnu les dispositions de l'article 231 du CGI.
Rappelons que dans sa décision du 21 mai 1986, n°49766 le Conseil d'Etat avait adopté une solution diamétralement opposée reposant sur une lecture alternative de la condition tenant à l'assujetissement à la TVA :
ne sont pas redevables de la taxe sur les salaires pendant une année civile les personnes ou organismes qui, au cours de cette année ont été assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée même sur une partie seulement de leurs opérations ou qui, durant l’année précédente l’ont été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires ;