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Prix de transfert

Accords de répartition des coûts (ARC) et prix de transfert : la facturation à prix coûtant ne présume pas un transfert indirect de bénéfices

Pour présumer un transfert de bénéfices à une entreprise étrangère liée, l'administration doit démontrer une minoration de prix par rapport à ceux pratiqués entre entreprises indépendantes. La seule facturation à prix coûtant ne suffit donc pas, surtout dans un schéma d'ARC impliquant des facturations réciproques. 

 

Toute entreprise qui réalise des opérations transfrontalières (achat et vente de biens ou de services, cession ou concession de marques ou de brevets, ) avec des entreprises qui lui sont liées, c'est-à-dire des entreprises qu'elle contrôle ou qui la contrôlent en fait ou en droit, doit s'assurer que ses prix de transfert sont correctement valorisés. En effet, les dispositions de l'article 57 du CGI et les recommandations édictées par l'OCDE posent le principe que les opérations entre entreprises liées doivent être réalisées conformément au principe « de pleine concurrence », cest-à-dire dans les mêmes conditions qu'entre entreprises indépendantes pour des transactions identiques.

Ainsi, l'administration peut rectifier les résultats déclarés par les entreprises françaises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, du montant des bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen.

 

Lorsque l'existence d'avantages accordés par l'entreprise française à l'entreprise étrangère est établie, l'article 57 du CGI établit une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties.

Constitue une telle pratique l'existence d'échanges, entre une entreprise établie en France, et une entreprise établie hors de France, à des prix, soit majorés, soit diminués par rapport à ceux pratiqués par des entreprises similaires dépourvues de liens de dépendance, sauf pour l'entreprise établie en France à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes. A défaut d'avoir procédé à une telle comparaison, le service n'est, en revanche, pas fondé à invoquer la présomption de transferts de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu. Le cas échéant, ces transferts indirects de bénéfices à l'étranger peuvent prendre la forme d'une renonciation par l'entreprise française à facturer les dépenses exposées au profit d'une entreprise située hors de France et à percevoir une marge sur les services rendus à cette dernière.

 

Rappel des faits :

la société Alstom Holdings, société holding du groupe Alstom, a conclu, le 1er avril 2008, un accord de répartition des coûts (ci-après ARC de niveau 1) avec les trois sociétés holding de branches du groupe Alstom, dont la société ATSA, société holding de la branche transport de ce groupe. Cet ARC de niveau 1 a pour objet de mutualiser entre ces quatre sociétés les prestations de services de nature, principalement, comptable, informatique, financière, juridique et relative à la gestion du personnel, chacune des holdings agissant comme prestataire vis-à-vis des autres. Dans le cadre de l’ARC de niveau 1, chacune des sociétés holding de branches a conclu un ARC avec ses propres filiales (ci-après ARC de niveau 2), prévoyant que les trois sociétés holding de branches fournissent des services aux filiales concernées avec facturation à prix coûtant. Par ce schéma d’ARC de niveaux 1 et 2, chacune des sociétés holding met ainsi en commun au profit de ses propres filiales et de celles des autres holdings ses ressources pour rendre les prestations qu’elle maîtrise, les autres holdings effectuant des prestations pour lesquelles elles disposent des compétences requises.

 

A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Alstom Transport SA (ATSA), holding de la branche transport du groupe Alstom, l'administration a réintégré dans ses résultats, sur le fondement de l'article 57 du CGI, une marge de 5 % appliquée aux prestations de services facturées à prix coûtant par la société ATSA à ses filiales étrangères dans le cadre des ARC de niveau 2.

 

La société Alstom, tête de groupe intégré, a contesté ces réintégrations.

 

Position de l'administration fiscale : L'administration considérait que l'absence de facturation de marge par ATSA caractérisait un transfert de bénéfices au sens de l'article 57 du CGI, la facturation à prix coûtant s'analysant selon elle comme une renonciation à profit et une gestion commerciale anormale.

 

Argumentaire du contribuable : La société Alstom soutenait principalement que la facturation à prix coûtant pratiquée dans le cadre des ARC était conforme au principe de pleine concurrence, dès lors que toutes les sociétés du groupe facturaient leurs prestations sans marge. Elle faisait valoir qu'aucune disposition fiscale n'impose de pratiquer des prix bénéficiaires.

 

Décision de la Cour et portée : La Cour donne largement raison à la société Alstom sur la question des ARC :

  • Elle juge que la facturation à prix coûtant n'est pas en soi anormale, aucune disposition fiscale n'imposant de pratiquer des prix bénéficiaires.
  • Elle relève que l'administration ne démontre pas, par des comparaisons pertinentes, que les prix pratiqués par ATSA seraient inférieurs à ceux entre entreprises indépendantes.
  • Elle en déduit que la preuve d'un transfert de bénéfices n'est pas rapportée, d'autant que dans le schéma d'ARC, toutes les sociétés se facturent mutuellement sans marge.

Si, à défaut de produire des éléments de comparaison, le ministre soutient, en s’appuyant notamment sur les principes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) applicables en matière de prix de transfert, que la facturation à prix coûtant relève d’une gestion anormale en ce que l’absence de marge facturée est constitutive d’une renonciation à un profit, une telle pratique n’est toutefois pas constitutive d’un avantage par nature dès lors que la facturation à prix coûtant ne revient pas économiquement à l’octroi d’un service à perte et qu’aucune disposition du code général des impôts n’impose à une société commerciale de faire des bénéfices ni n’interdit la vente à prix coûtant. Ainsi, l’administration fiscale n’établit pas davantage l’existence d’un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale des services rendus, étant de surcroît relevé que, dans le cadre du schéma d’ARC décrit au point précédent, s’il est exact que la société ATSA ne facture pas de marge aux autres sociétés qui en font partie, ces dernières ne lui en facturent pas non plus.

 

Cet arrêt rappelle que l'administration ne peut présumer un transfert de bénéfices du seul fait de l'absence de marge, sauf à démontrer une minoration par rapport aux prix de pleine concurrence. Il valide la pratique, courante dans les groupes internationaux, consistant à mettre en commun des moyens via des prestations à prix coûtant réciproques. Cette décision constitue en quelque sorte un gage de sécurité pour les groupes mutualisant des moyens via des prestations sans marge, ce qui est fréquent.

 

Au cas particulier (Nous n'avons pas évoqué cette partie, de moindre importance, du litige dans notre commentaire), la Cour valide en revanche les réintégrations relatives à des subventions et provisions injustifiées, rappelant que la déductibilité suppose des charges certaines et non de simples risques éventuels.

 

Publié le mercredi 19 juin 2024 par La rédaction

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