Accueil > Outils fiscaux > Contrôle et contentieux > Validation de la compensation fiscale fondée sur des insuffisances découvertes postérieurement à la réclamation
Contrôle et contentieux

Validation de la compensation fiscale fondée sur des insuffisances découvertes postérieurement à la réclamation

Le juge de l'impôt confirme l'interprétation extensive de l'article L. 203 du LPF, en validant la possibilité pour l'administration de fonder une compensation sur des insuffisances découvertes postérieurement à la réclamation initiale, même dans le cadre d'une vérification portant sur des exercices différents.

 

Lorsqu'un contribuable demande la décharge, la réduction ou la restitution d'une imposition quelconque, l'administration peut à tout moment de la procédure et même si le délai de répétition est expiré, opposer toutes compensations entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées, au cours de l'instruction, dans l'assiette ou le calcul de l'imposition contestée.

 

Le droit de compensation repose, soit sur les principes généraux de la procédure contentieuse soit sur les dispositions des articles L203 du LPF et L204 du LPF.

 

Cette disposition trouve sa justification notamment dans la nécessité d'éviter que les contribuables ne puissent bénéficier indûment de dégrèvements alors même que l'instruction révèle des insuffisances d'imposition. 

 

Rappel des faits :

Le groupe allemand T, spécialisé dans la vente à distance d'équipements professionnels exerçait son activité en France par l'intermédiaire de plusieurs sociétés, dont la SAS F, société mère française détenue à 100 % par KKE GmbH, elle-même filiale de T AG. Le groupe comprenait également les sociétés A, G et T, toutes reliées capitalistiquement au groupe allemand.

 

En décembre 2016, la SAS F a sollicité le bénéfice de l'intégration fiscale avec ses filiales françaises pour l'exercice clos en 2013, demandant l'imputation des déficits de ses sociétés filles et, par conséquent, la restitution de l'impôt sur les sociétés et de la contribution sociale versés au titre de cet exercice à hauteur de 590 126 €. Une demande complémentaire a été formulée en décembre 2017 pour l'exercice 2014.

 

L'administration fiscale a partiellement admis la demande pour 2013, accordant un dégrèvement de 283 073 €, mais a engagé parallèlement, en juin 2017, une vérification de comptabilité de la société A portant sur les exercices 2014 à 2016. Cette vérification a conduit à remettre en cause des charges et, par voie de conséquence, à annuler le déficit de 2013 de A qui avait été initialement reporté sur les exercices suivants. Se basant sur cette nouvelle détermination du résultat de A l'administration a rectifié le résultat global du groupe intégré pour 2013, réduisant ainsi le montant du dégrèvement accordé à la SAS F

 

Le TA de Versailles a déchargé la SAS F des cotisations d'IS et de contributions sociales pour 2013, considérant que l'administration avait opéré une compensation entre des exercices différents, ce qui est encadré par des règles plus strictes (article L. 204 LPF). Le ministre a fait appel de ce jugement.

  • Le ministre demande à la Cour d'annuler l'article du jugement qui a déchargé la SAS F pour l'exercice 2013 et de remettre à la charge de la société les impositions correspondantes. Son argument principal est que la compensation a été effectuée non pas entre exercices différents, mais bien sur le même exercice 2013, et ce, en application de l'article L. 203 du LPF. Il soutient que les insuffisances ont été constatées au cours de l'instruction de la demande de décharge de la SAS F, même si elles découlaient d'un contrôle ultérieur sur la filiale A.
  • De son côté, la SAS F soutient que les rectifications concernant A n'étaient pas définitives au moment de la demande amiable et que l'administration ne pouvait pas en tenir compte pour opérer une compensation sur un exercice (2013) n'ayant pas fait l'objet de redressement initial.

 

La Cour a décidé de suivre l'administration fiscale en annulant l'article 1er du jugement du TA et a remis à la charge de la SAS F les impositions contestées pour 2013, soit 307 053 €

 

La Cour a analysé l'application de l'article L. 203 du LPF. Elle a rappelé que ce texte permet à l'administration d'effectuer une compensation "à tout moment de la procédure" et dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements justifiés et les insuffisances ou omissions constatées "au cours de l'instruction de la demande".  

 

La Cour a précisé que l'instruction de la demande s'étend de l'examen de la réclamation par l'administration jusqu'à la décision du juge, et qu'elle peut prendre en compte des éléments recueillis lors d'un contrôle diligenté après la réception de la réclamation.

 

Appliquant ce principe aux faits, la Cour a constaté que la SAS F avait demandé en 2016 la restitution d'IS pour l'exercice 2013 suite à l'imputation du déficit de A. Parallèlement, le contrôle de A avait conduit à annuler le déficit de 2013. La Cour a jugé que l'administration, en réduisant la restitution demandée par la SAS F sur la base du nouveau résultat de A pour 2013, n'avait pas opéré une compensation entre exercices différents (relevant de L. 204 LPF), mais bien une compensation sur le même exercice 2013.

 

Il s'agissait d'ajuster le montant du dégrèvement sollicité par la société mère en fonction des insuffisances ou omissions constatées dans l'assiette de l'IS de la filiale pour la même année, et ce, au cours de l'instruction de la demande de dégrèvement. Le ministre était donc fondé à soutenir que le tribunal avait eu tort d'annuler l'imposition.

 

La Cour a ensuite écarté les autres moyens soulevés par la SAS F :

  • Elle a affirmé qu'aucune disposition n'interdisait cette compensation, même si les insuffisances avaient été constatées lors d'un contrôle portant sur des exercices postérieurs et que l'exercice 2013 n'avait pas fait l'objet d'un redressement initial. D
  • De même, le principe de présomption de sincérité des déclarations ne fait pas obstacle à ce que l'administration tire les conséquences d'une vérification de comptabilité ultérieure.

 

 

Cet arrêt confirme l'étendue de la faculté de compensation dont dispose l'administration fiscale en vertu de l'article L. 203 du LPF.

  • L'administration peut opérer une compensation "à tout moment de la procédure", ce qui inclut non seulement la phase de contrôle et de réclamation, mais aussi toute la durée du contentieux devant le juge.
  • Les insuffisances ou omissions peuvent être constatées lors d'une procédure de contrôle diligentée après la réception de la réclamation initiale du contribuable. 
  • S'agissant des groupes intégrés, la Cour valide la possibilité pour l'administration de prendre en compte les résultats rectifiés d'une filiale (y compris via un contrôle a posteriori sur d'autres exercices de la filiale) pour ajuster le dégrèvement demandé par la société mère sur un exercice antérieur et ce, sur la base de l'article L. 203 LPF, dès lors que la compensation porte bien sur le même exercice global du groupe

Publié le jeudi 10 juillet 2025 par La rédaction

6 min de lecture

Avancement de lecture

0%

Partages :