Dans son rapport de novembre 2025, la Cour des comptes dresse un bilan sévère du dispositif "Pacte Dutreil", conçu il y a plus de vingt ans pour faciliter la transmission des entreprises familiales via une exonération de 75 % de l'assiette taxable. L'institution révèle une sous-évaluation chronique du coût du dispositif : longtemps estimée à 500 M€, la dépense fiscale réelle a explosé pour atteindre plus de 5,5 milliards d'euros en 2024. Cet avantage profite d'une hyper-concentration, puisque 65 % du montant total bénéficie à seulement 1 % des donataires, principalement pour des transmissions de grandes entreprises ou d'ETI.
Si l'évaluation confirme que le dispositif favorise effectivement la pérennité du contrôle familial et la stabilité de l'actionnariat , elle démontre en revanche l'absence d'effets tangibles sur la performance économique : les entreprises sous pacte Dutreil n'affichent pas de meilleurs résultats en matière d'investissement, de création d'emplois ou de profitabilité que celles transmises sans le dispositif.
La Cour pointe de nombreuses dérives d'optimisation fiscale éloignées de l'esprit initial de la loi. Elle critique notamment l'éligibilité d'actifs non professionnels (immobilier, trésorerie excédentaire) logés dans des holdings , l'utilisation du dispositif pour des opérations de Family Buy Out (où des héritiers sortent du capital en touchant une soulte défiscalisée) , ainsi que son application indifférenciée à des secteurs sans risque de délocalisation (activités réglementées, commerces).
Face à ce constat d'une efficience économique faible au regard du coût pour les finances publiques, la Cour préconise une réforme structurelle autour de deux axes :
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exclure les biens et actifs non professionnels de l’assiette éligible au dispositif ;
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supprimer l’avantage fiscal en cas de family buy out ;
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supprimer le pacte « réputé acquis » ;
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réduire le taux de l’abattement en cas de revente rapide des titres après la fin de l’engagement individuel ou à défaut allonger la durée de l’engagement individuel de conservation.
Axe n° 2 – Réduire le montant de la dépense fiscale :
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diminuer le taux d’abattement de 75 % sur l’actif transmis, en l’accompagnant d’une facilitation de l’usage du dispositif de paiement différé et fractionné ;
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supprimer ou réduire le taux de l’abattement pour les activités réglementées ;
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diminuer le taux d’abattement au-delà d’un certain montant d’actif transmis par donataire ;
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fixer un taux d’abattement moins élevé pour les entreprises qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale.