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Suivi législatif

Les mesures fiscales du projet de loi de finances pour 2026 - PLF2026

Rarement la présentation d'un budget national aura été à ce point conditionnée par l'aléa politique. Le projet de loi de finances pour 2026 (PLF2026), tel que présenté hier par le ministre et déposé à l'assemblée nationale dans l'après-midi et qui porte en lui des choix budgétaire que l'on partage ou pas,  se heurte à une double épée de Damoclès qui rend son avenir plus qu'incertain. La première, immédiate, est la survie même du gouvernement. L'ensemble de ce projet de loi reste suspendu à l'issue d'une ou plusieurs motions de censure qui pourraient être déposées dans les prochains jours. Une censure du gouvernement rendrait caduque l'intégralité de ce texte avant même qu'il ne soit débattu. La seconde, plus insidieuse, concerne le processus législatif lui-même. En supposant que le gouvernement reste en place, le Premier ministre s'est engagé à ne pas recourir à l'article 49.3 de la Constitution. Privé de majorité absolue à l'Assemblée nationale, l'exécutif s'expose à un véritable parcours du combattant parlementaire. Le texte sera à la merci des alliances de circonstance et des amendements de l'opposition, qui pourraient le dénaturer en profondeur. Des propositions alternatives, comme l'instauration d'une "taxe Zucman" sur les plus hauts patrimoines, pourraient ainsi être adoptées contre l'avis du gouvernement, faisant du texte final une version potentiellement très éloignée, voire opposée, au projet initial. Malgré cette incertitude, vous présenter ce PLF 2026 dans sa version originelle reste indispensable. 

 

Les mesures fiscales intéressant les entreprises et les sociétés

Instauration d'une taxe sur le patrimoine financier des holdings patrimoniales - Art.3

L'article 3 introduit une nouvelle taxe annuelle, au taux de 2 %, visant spécifiquement les actifs non professionnels détenus par des sociétés holdings à caractère patrimonial. L'objectif est de lutter contre les stratégies d'optimisation fiscale des personnes les plus fortunées, qui consistent à conserver ("thésauriser") des revenus dans des sociétés holdings pour éviter leur imposition personnelle. Cette mesure est codifiée sous le nouvel article 235 ter C du CGI

  • Personnes morales concernées 

Pour qu'une société (Imposée à l'IS) soit redevable de la taxe, elle doit remplir quatre conditions cumulatives :

    • Seuil de taille : la valeur totale de ses actifs doit être supérieure à 5 M€

    • Condition de contrôle  : au moins une personne physique doit détenir plus de 33,33 % des droits de vote ou financiers, ou exercer le pouvoir de décision. Le texte précise que pour l'appréciation de ce seuil, il convient d'agréger les droits détenus par le cercle familial élargi : conjoint, partenaire de PACS, concubin notoire, ascendants, descendants, frères et sœurs constituent une seule et même personne physique. Lorsque les droits sont détenus via un trust ou via une entité située dans un ETNC, la condition de détention par une personne physique est présumée satisfaite. Le redevable conserve toutefois la possibilité de démontrer l'absence de détention par une personne physique, mais cette preuve ne peut résulter uniquement du caractère irrévocable du trust ou du pouvoir discrétionnaire de son administrateur. 

    • Condition de passivité  : plus de 50 % de ses revenus doivent être des "revenus passifs"(dividendes, intérêts, loyers, redevances, etc.). 

    • Holding de tête : la société ne doit pas être elle-même contrôlée par une autre société soumise à cette taxe.  Cette clause anti-cascade vise à éviter une double imposition au sein d'une même chaîne de holdings. Seule la holding située au sommet de la pyramide patrimoniale sera effectivement taxée, les filiales étant réputées intégrées dans l'assiette de la société mère.

  • L'assiette de la taxe

La taxe ne porte pas sur la totalité des actifs, mais uniquement sur le patrimoine non affecté à une activité opérationnelle. 

    • Actifs immobiliers et corporels  : sont taxés les biens qui ne sont pas utilisés pour une activité industrielle, commerciale, artisanale, etc. Les dettes liées à l'acquisition d'immobilier sont déductibles, mais avec des règles strictes pour éviter les montages abusifs (ex: les prêts intra-groupe ou familiaux sont exclus).

    • Actifs financiers et liquidités  :  sont taxés les liquidités et les titres financiers (actions, obligations...) qui ne sont pas des titres de participation dans des filiales opérationnelles.

      • Exemptions importantes : Pour ne pas pénaliser l'investissement productif, le texte exonère les titres de PME européennes opérationnelles, les parts de certains fonds d'investissement (FCPR, FCPI), les sommes issues d'une augmentation de capital récente en attente d'investissement, ou encore le produit de cessions en attente de réemploi.

      • Franchise de liquidité : Une "franchise" est prévue pour les besoins de trésorerie de l'entreprise (le plus élevé entre 15% de la valeur des biens, le besoin en fonds de roulement, les dettes à court terme, etc.).

    • Clause anti-abus : Si la holding taxée détient une filiale qui est elle-même une holding patrimoniale, la taxe est calculée par transparence de la première holding afin d' imposer les actifs passifs détenus par la filiale. Cela empêche de contourner la taxe en créant des cascades de sociétés.

  • Taux, déclaration et paiement
    • Taux : le taux est fixé à 2 %.

    • Non-déductibilité : la taxe n'est pas déductible du résultat imposable à l'IS

    • Déclaration et paiement :

      • Pour les holdings françaises, la taxe est déclarée et payée en même temps que le solde de l'impôt sur les sociétés.

      • Pour les holdings étrangères détenues par des résidents français, la charge de la déclaration et du paiement repose sur l'actionnaire résident français, qui doit l'intégrer à sa déclaration de revenus personnelle. C'est une mesure anti-évasion cruciale.

 

Ajustement du régime de franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée - Art. 25

Cet article revient sur une réforme de 2025 et propose un compromis sur les seuils de la franchise en base de TVA. Il relève le seuil général à 37 500 €, mais maintient un seuil plus bas à 25 000 € spécifiquement pour les entreprises du bâtiment. 


Pour mémoire, l'article 32 de la LF2025  avait voulu "simplifier" la franchise de TVA en créant un seuil unique et bas de 25 000 € pour tout le monde (artisans, commerçants, professions libérales). Cette mesure a provoqué une levée de boucliers, car pour de nombreuses professions de services, le seuil précédent était bien plus élevé. Des milliers de micro-entrepreneurs risquaient de devoir basculer à la TVA.

 

Barème issu de la LF pour 2025


Année d'évaluation Chiffre d'affaires national total
Année civile précédente 25 000
Année en cours 27 500

 

Barème issu de l'article 23 du PLF2026

Année d’évaluation

Chiffre d’affaires national total

 

Chiffre d’affaires national afférent aux prestations de services de travaux immobiliers

 

Année civile précédente

37 500 €

25 000 €

Année en cours

41 250 €

27 500 €

 

  • Le nouveau système à deux seuils

L'article 25 abandonne le seuil unique de 25 000 € et met en place un système différencié à partir du 1er janvier 2026 :

    • Un seuil général relevé à 37 500 € : Il concerne la majorité des activités, notamment les prestations de services (hors bâtiment) et les professions libérales

    • Un seuil de tolérance est fixé à 41 250 €. Le dépassement de ce seuil en cours d'année entraîne une sortie immédiate de la franchise.
    • Un seuil spécifique maintenu à 25 000 € pour les travaux immobiliers : Cette exception concerne les artisans du bâtiment (maçons, plombiers, électriciens, etc.). La raison, évoquée dans l'exposé des motifs, est de limiter les distorsions de concurrence

    • Le seuil de tolérance pour ce secteur est de 27 500 €.

Le texte précise que les entreprises pourront continuer à utiliser les anciens seuils (ceux d'avant la réforme de 2025) pour toute l'année 2025.

 

Pour les auteurs, les revenus sur lesquels leur éditeur a déjà prélevé la TVA à la source ne seront pas comptabilisés dans le calcul de leur seuil de franchise.

 

Prorogation en 2026 avec division par deux des taux de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises - Art. 4

Cet article 4 a pour objet de proroger d'une année supplémentaire (pour les exercices clos en 2026) la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE), initialement instaurée pour 2025 (Art.48 de la LF2025). Cependant, cette prorogation s'accompagne d'une concession importante : les taux d'imposition de cette contribution sont divisés par deux pour cette seconde année d'application. 

 

L'article 4 modifie l'article 48 de la loi de finances pour 2025 sur trois points principaux.

  • Prorogation de la durée d'application

L'article 4 remplace les mots "du premier exercice" par "des deux premiers exercices".

  • Division par deux des taux d'imposition pour 2026

 Les taux de la CEBGE sont  réduits pour la seconde année.

    • Pour les entreprises entre 1 et 3 Mds€ de CA :

      • Taux pour 2025 : 20,6 %

      • Nouveau taux pour 2026 : 10,3 %

    • Pour les entreprises avec plus de 3Mds€ de CA :

      • Taux pour 2025 : 41,2 %

      • Nouveau taux pour 2026 : 20,6 %

  • Ajustement du mécanisme de lissage

Le mécanisme de lissage initial ne prévoyait qu'une seule année. Or, avec deux années d'application, une entreprise pourrait voir son chiffre d'affaires passer juste au-dessus du seuil (par exemple, de 990 M€ à 1,05 Md€) d'une année sur l'autre. L'ajustement garantit ainsi que le lissage s'applique aux entreprises qui, sur l'une des deux années, sont en dessous du seuil, et sur l'autre, le dépassent de peu (moins de 100 M€). 

  • Ce qui ne change pas

Cet article ne modifie que la durée et les taux. Tous les autres aspects de la CEBGE demeurent inchangés pour 2026 :

    • Les redevables : toujours les entreprises avec un chiffre d'affaires supérieur à 1 Md€.

    • L'assiette : toujours la moyenne de l'impôt sur les sociétés (IS) dû au titre de l'exercice concerné et de l'exercice précédent.

    • Les modalités de paiement : le système d'acompte et de versement du solde reste le même.

    • Le contrôle et le recouvrement : ils suivent toujours les règles de l'IS.

 

Ajustement de certains dispositifs de soutien au secteur agricole (prorogation de la dotation pour épargne de précaution et du CI en faveur de l'agriculture biologique, régime fiscal des indemnités d'abattage et régularisations diverses) - Art. 10

Cet article renforce le soutien de l'État au secteur agricole en se concentrant sur quatre axes principaux : la prorogation de dispositifs clés, la création d'une nouvelle aide pour les éleveurs, et des ajustements techniques pour sécuriser des mesures récentes. 

  • Prorogation de deux aides majeures

Pour assurer la stabilité et la visibilité des exploitants, deux dispositifs fiscaux sont prolongés :

    • La Déduction pour Épargne de Précaution (DEP) est prolongée jusqu'en 2028
    • Le crédit d'impôt pour l'Agriculture Biologique est prolongé jusqu'en 2027
  • Création d'une exonération pour l'abattage sanitaire

Une nouvelle mesure temporaire (pour 3 ans, de 2025 à 2027) est créée pour aider les éleveurs touchés par une crise sanitaire (ex: grippe aviaire, tuberculose bovine).Le profit réalisé sur l'indemnité d'abattage d'un troupeau reproducteur sera exonéré d'impôt. L'éleveur doit utiliser l'indemnité pour reconstituer son cheptel dans un délai d'un an.

  • Ajustements techniques et clarifications

L'article apporte des corrections à des lois de finances précédentes pour en sécuriser l'application :

    • Provision pour les vaches laitières : Il confirme l'application anticipée (dès 2024) d'une provision destinée à aider les éleveurs bovins face à la dévalorisation de leurs cheptels.
    • Transmission d'exploitations : Il précise les conditions d'application des seuils d'exonération (droits de mutation) relevés pour les transmissions de biens ruraux, afin que plus d'agriculteurs puissent en bénéficier comme prévu. Il s'agit de la traduction législative de la RM Thomas Cazenave du 8 avril 2025, question n° 5041 

 

Anticipation de la suppression progressive de la CVAE - Art.11 

L'article 11 du PLF 2026 opère une volte-face par rapport à la trajectoire fiscale définie un an plus tôt dans la mesure où il annule les hausses temporaires de la CVAE et la contribution complémentaire qui avaient été instaurées par l'article 62 de la loi de finances pour 2025. À la place, il accélère le calendrier de suppression de la CVAE, reprenant l'objectif initial de soutien à la compétitivité des entreprises. La suppression totale est désormais prévue pour 2028, soit deux ans plus tôt que le calendrier précédent.

 

Rappel historique

  • Loi de finances 2023 : Annonce la suppression totale de la CVAE dès 2024.
  • Loi de finances 2024 : Premier recul. La suppression est étalée dans le temps, avec une disparition progressive jusqu'en 2027.
  • Loi de finances 2025 (Article 62) : Inversion de la tendance. Face aux contraintes budgétaires, le gouvernement non seulement repousse la suppression totale à 2030, mais il met en pause la baisse et instaure :
    • Une contribution complémentaire exceptionnelle pour 2025 (équivalant à une hausse de près de 50 % de la CVAE).

    • Une augmentation des taux de CVAE pour 2026 et 2027.

L'article 11 abroge les dispositions clés de l'article 62 de la LF 2025. Cela signifie que :

  • La contribution complémentaire (la "surtaxe" de 47,4 % de 2025) n'aura existé qu'une seule année.

  • Les hausses de taux de CVAE qui étaient prévues pour 2026 et 2027 sont annulées avant même d'être entrées en vigueur.

Au lieu de simplement revenir à la trajectoire de 2024, le gouvernement propose d'accélérer. L'exposé des motifs détaille le nouveau calendrier :

  • Pour 2026 : Le taux maximal de CVAE est abaissé à 0,19 % (au lieu de 0,28 % en 2025).

  • Pour 2027 : Le taux maximal est de nouveau réduit, à 0,09 %.

  • Pour 2028 : La CVAE est définitivement supprimée.

 

Renforcement des dispositifs fiscaux de soutien à la géographie prioritaire de la politique de la ville - Art. 12

Cet article 12 réforme et simplifie les aides fiscales pour les entreprises situées dans les quartiers en difficulté (politique de la ville). Il fusionne les deux dispositifs existants (Zones Franches Urbaines - ZFU et Quartiers Prioritaires de la Ville - QPV) en un seul zonage unique et renforcé : le QPV.

 

Ce nouveau régime pour les QPV inclut désormais toutes les aides :

  • Une exonération d'impôt sur les bénéfices (impôt sur le revenu ou sur les sociétés) pendant 5 ans, suivie d'une sortie progressive.
  • Des exonérations d'impôts locaux (comme la Cotisation Foncière des Entreprises - CFE).

Le dispositif est également élargi : en plus des commerces, il est désormais ouvert aux artisans et aux professionnels de santé pour attirer des services essentiels. L'ensemble du système est prolongé jusqu'au 31 décembre 2030. L'objectif est de rendre l'aide plus simple, "plus lisible et plus attractive pour encourager la création et la reprise d'entreprises dans ces territoires."

 

Modification des obligations des assujettis en matière de facturation électronique et de transmission électronique de données - Art. 28

Pour mémoire, le 15 octobre 2024, le Ministère de l’Économie a officiellement annoncé l’abandon du Portail Public de Facturation (PPF). L'article 28 traduit dans la loi la refonte de l'architecture de la future réforme sur la facturation électronique en France. 

 

Conséquences :

  • Obligation de passer par une plateforme privée : Toutes les entreprises devront obligatoirement choisir une "plateforme agréée" (le nouveau nom des Plateformes de Dématérialisation Partenaires - PDP) pour émettre, recevoir leurs factures électroniques et transmettre les données à l'administration.
  • Chorus Pro cantonné au secteur public : Le portail Chorus Pro est confirmé dans son rôle exclusif pour les factures à destination du secteur public (B2G), mais il ne servira pas d'intermédiaire pour les flux B2B.
  • Durcissement des sanctions : Les amendes pour non-respect des obligations, tant pour les entreprises que pour les plateformes, sont considérablement augmentées.

 

Précisions apportées à l'imposition minimale mondiale des grandes entreprises multinationales - Art. 26

Cet article 26 est une mise à jour technique de l'impôt minimum mondial sur les multinationales (Pilier 2), visant à l'adapter suite aux nouvelles directives de l'OCDE.Il ne change pas les principes de l'impôt, mais apporte des précisions importantes :

  • Suivi des impôts différés : Il simplifie la gestion pour les entreprises en leur permettant de suivre les impôts différés par "catégories", une méthode plus proche de leurs pratiques comptables.

  • Adaptations sectorielles : Il adapte les règles aux structures spécifiques des banques mutualistes et des assurances mutuelles.

  • Clarifications diverses : Il précise les règles d'imposition pour les entités d'investissement et la manière de répartir l'impôt dans certains cas complexes.

 

Les mesures fiscales intéressant les particuliers et les ménages

Prorogation de la contribution différentielle sur les hauts revenus - Art. 2

L'article 2 du PLF 2026 a pour objectif principal de proroger d'une année la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) codifiée à l'article 224 du CGI, initialement instaurée pour la seule imposition des revenus de 2025 (Art. 10 de la LF pour 2025). Cette mesure prolonge donc jusqu'à l'imposition des revenus de 2026 l'obligation pour les plus hauts revenus de s'acquitter d'un taux d'imposition effectif minimum de 20 %. L'article reconduit également le mécanisme d'acompte et apporte une clarification technique sur la gestion des changements de situation familiale.

 

Lors des débats sur le budget 2025, la limitation de la contribution à une seule année avait été vivement critiquée. Plusieurs parlementaires, comme Jean-Paul Mattei ou Claude Raynal, avaient souligné que cette durée limitée risquait d'encourager les comportements d'optimisation fiscale, incitant les contribuables concernés à décaler la perception de certains revenus à 2026.

 

L'exposé des motifs justifie cette prorogation par deux arguments :

    1. Le redressement des comptes publics : Un besoin de recettes fiscales pour maîtriser le déficit.

    2. La justice fiscale : Demander un "effort supplémentaire aux plus fortunés", en particulier ceux qui réduisent significativement leur taux d'imposition grâce à des dispositifs dérogatoires (réductions et crédits d'impôt).

Cette prorogation signale que le dispositif, bien que présenté comme temporaire et "insatisfaisant" par le rapporteur David Amiel en 2025, est finalement reconduit faute d'une réforme plus structurelle. La recherche d'une "mesure plus efficace" est donc reportée à plus tard.

 

L'article 2 prévoit un système d'acompte pour la contribution due au titre des revenus de 2026. Ce mécanisme est une copie conforme de celui mis en place pour 2025.

  • Mécanisme : Les contribuables devront verser un acompte de 95 % du montant estimé de leur contribution entre le 1er et le 15 décembre 2026.

  • Sanctions : Une majoration de 20 % est prévue en cas de non-paiement, de retard, ou si l'acompte versé est inférieur de plus de 20 % à 95 % du montant final dû.

Soulignons que l'article 2 modifie la manière de calculer le revenu de référence en cas de changement de situation familiale (mariage, divorce, décès, etc.) dans les trois années précédant l'année d'imposition. L'article 2 précise ainsi comment agréger les revenus des différents foyers fiscaux avant et après l'événement (par exemple, en cas de mariage, on prend en compte les revenus du couple et ceux des foyers auxquels chaque conjoint appartenait précédemment). Selon l'exposé des motifs, il s'agit d'aligner ces modalités "sur le droit commun". Cette modification vise à sécuriser juridiquement le dispositif en prévenant les contentieux et en comblant d'éventuelles failles d'interprétation qui auraient pu être exploitées.

 

Création d'un abattement forfaitaire en faveur des personnes retraitées - Art. 6

Cet article instaure une réforme de l'imposition des pensions de retraite en remplaçant deux dispositifs existants par un nouvel abattement forfaitaire unique. Concrètement, l'article 6 supprime :

  • L'abattement général de 10 % appliqué sur les pensions de retraite (similaire à celui des salaires).
  • L'abattement spécifique pour les personnes de plus de 65 ans sous conditions de ressources.

À la place, il crée :

  • Un nouvel abattement forfaitaire de 2 000 € par an, qui s'appliquera individuellement à chaque personne percevant une pension de retraite au sein du foyer fiscal.

L'abattement pour les personnes en situation d'invalidité est, quant à lui, maintenu.

 

Modernisation de la réduction d’impôt sur le revenu « Madelin » - Art. 8

Cet article vise à moderniser et à recentrer la réduction d'impôt sur le revenu "Madelin" (ou "IR-PME"), qui encourage l'investissement des particuliers dans les PME. La réforme se concentre principalement sur les investissements réalisés via des fonds (FCPI et FIP) et poursuit trois objectifs principaux :

  • Recentrer l'aide : L'avantage fiscal pour les investissements via des Fonds Communs de Placement dans l'Innovation (FCPI) est désormais exclusivement fléché vers le financement des Jeunes Entreprises Innovantes (JEI).
  • Assouplir les règles d'investissement : Les fonds bénéficient de plus de temps pour investir (48 mois au lieu de 30) et de plus de flexibilité dans les instruments financiers qu'ils peuvent utiliser.
  • Renforcer le dispositif : Le plafond total de financement qu'une entreprise peut recevoir grâce à ce dispositif est relevé, passant de 15 M€ à 16,5 M€.

Autrement dit, le gouvernement transforme ce dispositif pour en faire un outil plus ciblé et plus efficace pour le financement de l'innovation et des entreprises dans des territoires spécifiques (Corse et Outre-mer). L'exposé des motifs révèle que cette modernisation est la conséquence d'une évaluation de l'Inspection Générale des Finances (IGF). Le constat était que le dispositif, dans son volet FCPI, était peu efficace pour financer le capital-investissement en général.

 

Doublement de l'incitation fiscale à la générosité des particuliers en faveur des organismes d'aide aux plus démunis - Art. 9

Pour mémoire, en application de l’article 200-1 ter du CGI, le taux de la réduction d'impôt accordée au titre des dons et versements effectués au profit d'organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite de soins à ces personnes est porté de 66 % à 75 %, dans la limite d'un plafond qui est relevé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu de l’année précédant celle des versements.

 

Cet article propose de doubler le plafond des dons bénéficiant de la réduction d'impôt majorée, connue sous le nom de dispositif "Coluche". En pratique, le montant maximum des dons ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu de 75 % passerait de 1 000 € à 2 000 € par an.

 

Instauration d'une taxe relative aux frais de gestion des petits colis en provenance de pays tiers - Art. 22 

Cet article instaure une nouvelle taxe forfaitaire de 2 € sur chaque article contenu dans les petits colis de faible valeur (généralement moins de 150 €) importés de pays hors de l'UE. L'objectif est de faire face à l'explosion des flux du e-commerce (notamment asiatique) en finançant les coûts de gestion et de contrôle douanier, tout en luttant contre la concurrence jugée déloyale pour le commerce local.

 

Cette taxe est une mesure temporaire, prévue jusqu'à fin 2026 au plus tard, en attendant la mise en place d'une solution similaire à l'échelle européenne.

 

Fiscalisation de l’ensemble des produits à fumer - Art. 23

Cet article 23 étend la fiscalité du tabac à tous les produits pouvant être fumés ou vapotés, qu'ils contiennent du tabac et de la nicotine ou non. En pratique, il :

  • Crée une nouvelle taxe (accise) sur les e-liquides (liquides de vapotage), les herbes à fumer et autres produits similaires qui n'étaient pas taxés comme le tabac.

  • Applique le taux normal de TVA (20 %) à tous ces produits.

  • Encadre plus strictement leur vente, notamment pour les e-liquides, via un nouveau réseau de distribution agréé en plus des buralistes.

 

Les mesures fiscales mixtes et diverses

 

Diverses suppressions et rationalisations de dépenses fiscales - Art. 5

Cet article vise à supprimer 23 niches fiscales considérées comme obsolètes ou inefficaces, ainsi que certaines taxes.

 

Suppression de dispositifs éteints (nettoyage du CGI)

  • Amortissement exceptionnel pour les PME qui investissaient dans des équipements de robotique (Art. 39 AH du CGI) ou de fabrication additive (impression 3D) (Art. 39 AI du CGI). Ces dispositifs temporaires sont arrivés à échéance.
  • Exonération d'impôt sur le revenu pour l'aide à la création ou à la reprise d'une entreprise (ACRE), lorsqu'elle était versée sous forme de capital (Art. 81-7° du CGI). Cette exonération spécifique a été supprimée pour les aides versées après 2022.
  • Exonération des intérêts générés par un différé de paiement accordé à un jeune agriculteur lors de la transmission d'une exploitation agricole (Art93-1-5 du CGI). Ce dispositif a pris fin le 31 décembre 2010.
  • Exonération d'impôt sur les sociétés (IS) de l'aide "French Tech Tremplin", un dispositif de soutien aux startups (Art. 220 N du CGI).
  • Crédit d'impôt pour le rachat d'une entreprise par ses salariés (Art. 200 quater du CGI). Ce dispositif a pris fin le 31 décembre 2022.
  • Exonération de droits d'enregistrement pour le rachat d'une entreprise par une société nouvelle créée par ses salariés (Art. 732 bis du CGI). Lié à la mesure 220 quater, ce dispositif a également pris fin fin 2022.
  • Exonération de droits de donation pour les dons d'immeubles neufs à usage d'habitation, sous conditions (Art.790 I du CGI). Ce dispositif a pris fin le 31 décembre 2019.

Suppression de "petites" dépenses fiscales jugées inefficientes

  • Exonération d'impôt sur le revenu pour le traitement (la rémunération symbolique) attaché à la Légion d'honneur et à la Médaille militaire (Art. 81-35 bdu CGI)
  • Déduction forfaitaire de 10 000 € pour les indemnités de reconversion professionnelle perçues par les sportifs (Art. 92 A du CGI)
  • Disposition technique liée à l'abrogation de l'exonération du traitement de la Légion d'honneur. Elle précisait la non-déductibilité de certaines pensions (Art. 154 bis A du CGI)
  • Exonération d'impôt sur le revenu pour les sommes perçues au titre du Prix Nobel ou de distinctions équivalentes (Art. 157-6 du CGI)
  • Exonération d'impôt sur le revenu de l'indemnité de "gratification" pour les médaillés du travail (Art. 160 A du CGI)
  • Exonération de TVA pour les services rendus par les sociétés de partage de jouissance de biens meubles ou immeubles (ex: multipropriété) à leurs membres (Art. 261 A du CGI)

  • Extinction de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des zones humides (Art. 1395 B bis du CGI

 

Suppression de dépenses fiscales plus importantes mais contestées

Ces mesures ont un impact budgétaire plus significatif, mais le législateur estime qu'elles ne sont plus justifiées ou efficaces.

  • Fiscalisation des indemnités journalières versées en cas d'Affection de Longue Durée (ALD) - (Art. 80 quinquies du CGI) Actuellement exonérées, ces indemnités deviendraient imposables, comme le sont les indemnités journalières pour maladie "classique".
  • Suppression de la réduction d'impôt pour frais de scolarité (Art. 199 quater F du CGI). Cette "niche" accordait une réduction forfaitaire pour chaque enfant scolarisé au collège, au lycée ou dans l'enseignement supérieur.
  • Ancienne réduction d'impôt pour dépenses de diagnostic préalable à la réalisation de travaux de prévention des risques technologiques (Art. 199 ter L du CGI), un dispositif peu utilisé.
  • Crédit d'impôt pour les entreprises agricoles qui n'utilisaient pas de glyphosate pendant trois années consécutives (Art. 199 vicies A du CGI)
  • Crédit d'impôt pour la formation des dirigeants d'entreprise (Art. 244 quater M du CGI)

 

Réforme du régime d'aide fiscale à l'investissement productif outre-mer - Art. 7

L'article 7 réforme le régime d'aide fiscale à l'investissement productif dans les Outre-mer. Il vise à la fois à maîtriser son coût budgétaire, à le rendre plus efficace et à l'orienter vers des objectifs écologiques. Cette réforme s'articule autour de trois axes principaux :

  • Verdissement des investissements

L'aide fiscale est désormais conditionnée par des critères écologiques plus stricts.

    • Pour l'hôtellerie : Les projets de construction ou de rénovation devront obligatoirement consacrer une part de leur coût (au moins 5 %) à des équipements verts (énergies renouvelables, isolation, gestion de l'eau).

    • Pour les transports : L'aide est réservée aux véhicules lourds (camions, bus) qui respectent des normes d'émissions polluantes définies par décret, excluant ainsi les plus polluants.

  • Face à l'augmentation rapide du coût de cette niche fiscale, l'article 7 propose plusieurs mesures pour le contenir.
    • Baisse généralisée des taux : Les taux des différentes réductions et crédits d'impôt sont significativement diminués. Par exemple, le taux de base de la réduction d'impôt pour les particuliers (Girardin) passe de 38,25 % à 27,25 %.

    • Plafonnement pour l'hôtellerie de luxe : L'assiette de l'aide pour les hôtels est désormais plafonnée à 7 000 € par mètre carré pour éviter les effets d'aubaine sur les projets très haut de gamme.

  • La réforme vise à éviter les abus et à s'assurer que l'aide finance des investissements durables.
    • Allongement de la durée de détention : Pour certains biens (logements intermédiaires, gros navires, aéronefs), la durée minimale d'exploitation pour bénéficier de l'aide est allongée (passant souvent de cinq à neuf ans) afin d'éviter les reventes rapides.

    • Exclusion de certains biens : Les investissements dans des navires de plaisance de grande taille ou des aéronefs long-courriers sont désormais exclus du dispositif pour mieux cibler l'économie locale.

 

Verdissement de la fiscalité sur les véhicules - Art. 13

Cet article durcit le verdissement de la fiscalité automobile en France Les mesures principales sont :

  • Durcissement des malus à l'achat :
    • Le malus CO2 continue de se sévériser chaque année jusqu'en 2028, avec un seuil de déclenchement plus bas et des montants bien plus élevés (plafond à 100 000 €).

    • Les avantages sur le malus au poids pour les véhicules hybrides sont progressivement supprimés d'ici 2028, les rendant beaucoup plus chers à l'achat.

  • Recentrage des aides sur le 100 % "zéro émission" :
    • L'aide fiscale pour l'achat de poids lourds "propres" est recentrée : à partir de 2027, elle ne concernera plus que les véhicules 100 % électriques ou à hydrogène, excluant ainsi le gaz et les biocarburants.

  • Hausse des taxes annuelles pour les entreprises :
    • Les deux taxes annuelles sur les véhicules de société (basées sur le CO2 et les polluants) voient leurs barèmes augmenter jusqu'en 2028, rendant la détention de véhicules thermiques plus coûteuse pour les flottes.

C'est la fin progressive des avantages pour les motorisations hybrides et un soutien fiscal concentré exclusivement sur les véhicules zéro émission, tout en pénalisant de plus en plus lourdement l'achat et la détention de véhicules thermiques.

 

Ajustements de la taxe sur l'utilisation par les poids lourds de certaines voies du domaine public routier (écotaxe alsacienne) - Art. 14

Cet article 14 ajuste les règles techniques de l'écotaxe poids lourds qui pourrait être mise en place en Alsace, sans en changer les grands principes.

 

Stabilité des prélèvements sur les transports au bénéfice d’Île-de-France Mobilités - Art. 15

Financement des transports en commun en Île-de-France.

Pour compenser la suppression d'une taxe sur les carburants qui lui était affectée, la loi autorise Île-de-France Mobilités (IDFM) à instaurer une nouvelle majoration (jusqu'à 13 €) sur la taxe régionale de la carte grise. Ce prélèvement, qui s'appliquera dès le 1er janvier 2026, garantit une ressource stable à IDFM pour financer le réseau de transports.

 

Renforcement des incitations à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports - Art.16

Cet article reporte d'un an (au 1er janvier 2027) la grande réforme du système de soutien aux biocarburants, qui ne sera plus fiscal.

Pour l'année de transition 2026, il maintient le système fiscal actuel (la TIRUERT) mais en renforce les objectifs : les distributeurs de carburants seront obligés d'incorporer une part plus importante d'énergies renouvelables dans l'essence et le gazole. En bref, c'est une année de transition avant le basculement vers un nouveau système en 2027.

 

Majoration du tarif de l'IFER pour les centrales de production d'énergie électrique d'origine photovoltaïque installées avant 2021 - Art.19
Cet article instaure une hausse de taxe temporaire (de 2026 à 2028) qui double quasiment l'imposition (IFER) des anciennes centrales solaires (installées avant 2021).

 

Verdissement de la fiscalité sur les déchets - Art.21

Cet article refond et durcit la fiscalité sur les déchets pour encourager le recyclage et pénaliser la mise en décharge et l'incinération. Il met en place trois changements :

  • L'augmentation de la TGAP : Il instaure une nouvelle hausse progressive des taxes (TGAP) sur les déchets mis en décharge et incinérés jusqu'en 2030, pour rendre ces solutions plus coûteuses.
  • Une nouvelle taxe sur le plastique : Il crée une taxe inédite sur les emballages en plastique non recyclés, qui ciblera les éco-organismes pour les inciter à améliorer leurs performances de collecte et de recyclage.
  • Une simplification : Il simplifie et réorganise la loi en regroupant toutes les taxes sur les déchets dans un nouveau code fiscal (le CIBS).

 

Ajustement de la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation - Art. 27

Cet article reporte de plusieurs années la grande réforme des valeurs locatives, qui servent de base de calcul aux impôts locaux (taxe foncière, etc.).

Concrètement :

  • La révision pour les locaux professionnels (bureaux, commerces) est reportée d'un an, à 2028.

  • La révision pour les locaux d'habitation est reportée de trois ans, à 2029, et l'expérimentation en cours est suspendue.

Pour éviter un choc fiscal, les hausses (ou baisses) d'impôts résultant de cette mise à jour seront étalées sur six ans pour les contribuables.

 

Modernisation et simplification de la gestion fiscale - Art 29

Cet article est une mesure "fourre-tout" de modernisation et de simplification de la gestion fiscale. Il ne contient pas de grande réforme d'impôt, mais plutôt une mosaïque d'ajustements techniques visant à rendre les procédures plus efficaces, à généraliser la dématérialisation, à clarifier certaines obligations et à renforcer les outils de l'administration. Les principaux axes sont :

  • La dématérialisation des procédures (déclarations de succession, avis d'impôt, paiements).

Exemple en matière de succession :

Art. 802 bis. – Lorsque la déclaration de succession prévue au I de l’article 800 est transmise par le notaire mandaté par les héritiers, légataires ou donataires, leurs tuteurs ou leurs curateurs au moyen d’un téléservice mis à disposition par l’administration depuis une plateforme dédiée, elle est réputée, pour l’exécution de la formalité de l’enregistrement prévue à l’article 641, conforme aux prescriptions de l’article 802 dès lors qu’elle comporte les éléments suivants :

           « 1° La mention de la certification, par le notaire mandaté, de la conformité de son contenu à l’exemplaire, qu’il conserve, comportant l’affirmation prévue au second alinéa de l’article 802 signée par les mandants ;

           « 2° La signature du notaire mandaté.

           « Vaut signature par le notaire l’identification réalisée lors de la transmission de la déclaration de succession par voie électronique, au moyen d’un service de confiance qualifié garantissant la fiabilité de l’identification de l’émetteur.

           « L’exemplaire de la déclaration de succession conservé par le notaire est transmis à l’administration sur simple demande.

           « Les modalités de conservation et de transmission de cet exemplaire sont précisées par décret. » ;

  • La simplification et la souplesse pour les contribuables (option d'imposition révocable, fin du courrier recommandé pour certaines procédures).
  • La clarification des obligations (déclaration d'occupation des logements) et le renforcement des sanctions associées.
  • Le renforcement des outils de contrôle et de recouvrement de l'administration fiscale.

Publié le mercredi 15 octobre 2025 par La rédaction

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