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Contrôle et contentieux

Proposition de rectification : la notification à des sociétés liées ne suffit pas à prouver l'interruption du délai de prescription fiscale

Le juge de l'impôt nous rappelle qu'il incombe à l'administration d'établir la régularité de la notification de la proposition de rectification. Cette preuve peut résulter soit des mentions figurant sur les documents postaux, soit d'autres éléments établissant la délivrance d'un avis de passage. La charge de cette preuve ne peut reposer sur de simples présomptions tirées de situations analogues. Ainsi, le fait que d'autres sociétés du même groupe aient reçu leurs propositions de rectification dans le délai n'est pas suffisant pour établir la date de notification de la société redressée.

 

En application de l'article L. 169 du LPF et à l'article L. 169 A du LPF, le droit de reprise de l'administration au regard de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et des taxes assimilées peut s'exercer jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due.

 

Aux termes de l'article L. 189 du LPF, la prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification.

 

Conformément au droit commun, l'interruption de la prescription a pour conséquence de faire courir, à compter de la date où la proposition de rectification a été effectuée, un nouveau délai de même nature et de même durée que celui qui a été interrompu.

 

Rappel des faits :

La SCI F, spécialisée dans la location de locaux à usage professionnel, fait l'objet d'un redressement fiscal suite à une vérification de comptabilité couvrant les exercices 2014 à 2016. Pour l'année 2015, l'administration a émis une proposition de rectification le 21 décembre 2018, concernant des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de TVA (l'administration a notifié des rappels d'IS et de TVA pour un montant total de 11 960 €, principalement liés à la remise en cause de la déductibilité de certaines charges (notes de frais, indemnités kilométriques)). La SCI Friends conteste ces impositions en argumentant notamment que la notification de cette proposition n’a pas été réalisée dans les délais, ce qui, selon elle, n’a pas interrompu la prescription pour l'année 2015.

La SCI F a demandé la décharge totale ou partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de TVA pour les années 2014 à 2016, en invoquant l'expiration du délai de reprise pour 2015.

Elle a soulevé que la proposition de rectification du 21 décembre 2018 relative à l'année 2015 ne l'avait pas correctement notifiée, n'interrompant donc pas la prescription.

 

Elle soutient, en effet, que la notification de la proposition de rectification pour 2015 est irrégulière dans la mesure où l'adresse utilisée était incorrecte, et le courrier a été retourné sans confirmation de livraison. Par conséquent, la prescription de l'administration pour l'année 2015 n'aurait pas été interrompue, rendant les rehaussements pour cette année prescrits.

 

De son côté l'administration affirme que la proposition de rectification a été envoyée dans les délais et que, par ailleurs, d'autres sociétés similaires ont reçu leurs notifications à la même date, suggérant un envoi général.

 

 

Le tribunal vient de décharger la SCI F des impositions auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015.

 

Sur le fond, le Tribunal a estimé qu'en l'espèce, la société n'avait pas pu justifier la réalité des charges déduites : notes de frais non établies au nom de la SCI et déjà comptabilisées dans d'autres sociétés, absence de justificatifs probants pour les indemnités kilométriques avec un écart significatif entre les kilomètres remboursés et ceux effectivement réalisés, achats sans lien apparent avec l'activité de location immobilière....

 

...mais l'intérêt de cette décision n'était pas sur le fond mais la forme :

 

L'administration devait notifier sa proposition de rectification avant le 31 décembre 2018 pour interrompre le délai de prescription triennal. Une proposition de rectification a bien été envoyée le 21 décembre 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception, mais elle est revenue avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse".

 

Pour tenter de prouver que la notification était intervenue dans les délais, l'administration s'appuyait sur un faisceau d'indices : elle avait envoyé le même jour des propositions de rectification à trois autres sociétés du même groupe, situées dans la même zone d'activité, et ces propositions avaient été présentées le 24 décembre 2018.

 

Le tribunal rejette cette argumentation en rappelant que la charge de la preuve de la notification régulière incombe à l'administration, qui doit établir de manière certaine la date de présentation du pli.

 

Le fait que d'autres sociétés aient reçu leur proposition à une date donnée ne suffit pas à prouver qu'il en a été de même pour la société en cause, d'autant que celle-ci était située à une adresse différente.

 

Le juge relève également que le comportement ultérieur des parties suggère une incertitude sur la notification : fin janvier 2019, l'avocat de la société demandait une prorogation de délai "dans l'hypothèse où une proposition aurait été adressée", et l'administration lui a répondu en joignant une copie de la proposition.

 

Il incombe à l'administration d'établir la régularité de la notification de la proposition de rectification. Cette preuve peut résulter soit des mentions figurant sur les documents postaux, soit d'autres éléments établissant la délivrance d'un avis de passage.

 

La charge de la preuve de la notification des propositions de rectification ne peut reposer sur de simples présomptions tirées de situations analogues.

Publié le mardi 14 janvier 2025 par La rédaction

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